Presse. Investigation. Révélations.

Affaire Clearstream. Denis Robert : l’inculpation de trop.

Par David Dufresne, 5 février 2006 | 49779 Lectures

Reprise du communiqué de http://www.liberte-dinformer.info/

Il s’est passé le 27 janvier 2006 un événement important rapporté ici ou là par une brève d’agence : l’inculpation de Denis Robert par la justice luxembourgeoise pour injure, calomnie et diffamation.

Pour comprendre l’enjeu de cet acte, il faut faire un peu d’histoire.

En 1996, Denis Robert, ancien journaliste à Libération, réunit sept grands magistrats anti-corruption pour lancer l’Appel de Genève en faveur d’un espace judicaire européen. Dans la foulée, de nombreux témoins de la criminalité en col blanc entrent en contact avec le journaliste. L’un d’eux, Ernest Backes, est un ancien dirigeant de la chambre de compensation Clearstream, un des points névralgiques des échanges financiers mondiaux. Ernest Backes a été l’un des architectes de ce système informatique tentaculaire. Viré, humilié, il a décidé de livrer ses secrets. Pendant deux ans, au prix d’incessants allers et retours au Luxembourg, Denis Robert mène l’enquête. On lui donne des rendez-vous secrets ; les bouches s’ouvrent. Un ancien responsable informatique de la firme, Régis Hempel, explique qu’une partie de ses activités auraient consisté à effacer les traces de transactions sensibles. Denis Robert frappe à la porte des banquiers, posant des questions naïves et d’autres un peu moins. Trois mois avant la publication de son livre, il envoie une série de lettres recommandées de plusieurs pages, demandant des explications à la direction de Clearstream et aux banques mises en cause. Très peu lui répondent.

En février 2001, Denis Robert sort son livre, Révélation$ et diffuse son film Les dissimulateurs dans le cadre de 90 MINUTES, l’émission d’enquête de CANAL+. C’est la tempête. Les journalistes financiers sont incrédules ou hostiles, les autres hésitent car Clearstream menace de procès en cascade. A contre-courant, la mission parlementaire Peillon/Montebourg se saisit de l’affaire et convoque les témoins. De peur que l’affaire se propage à l’étranger, une information judicaire est ouverte en catastrophe au Luxembourg. Toute la direction de la firme est mise à pied et Clearstream est racheté par un groupe allemand. Un mois plus tard, le procureur du Luxembourg claironne que tout est réglé et qu’il n’y a rien à chercher. De cette tragi-comédie, Denis Robert tire un second récit, plus personnel, La boîte noire. Et un second film, toujours diffusé par CANAL+, L’affaire Clearstream.

Fin du premier acte et début du marathon judiciaire. Les plaintes pleuvent en France, en Belgique, en Suisse, et même au Canada. Déposées par Clearstream mais aussi par la banque russe Menatep et la Banque Générale du Luxembourg. L’auteur reçoit les huissiers à la file. L’éditeur fait ses comptes : les demandes de dommages et intérêts dépassent son chiffre d’affaires annuel. Le service juridique de CANAL+ se lance dans de coûteux procès. Parfois David gagne contre Goliath. Au fil des mois, les relaxes se succèdent en première instance et en appel. Cinq ans plus tard, il ne reste plus deux procédures pendantes, toutes les deux en appel : l’une après un jugement favorable à Clearstream (un euro symbolique), l’autre défavorable à la firme (relaxe de Denis Robert). L’affaire semble close, malgré une troublante excroissance, durant l’été 2004, lorsqu’un corbeau affole les milieux de la défense et de la politique avec des listings truqués de Clearstream où apparaissent des élus et des responsables industriels et médiatique.

L’histoire de Denis Robert devient effrayante lorsque, cinq ans après la parution de Révélation$, le journaliste est subitement convoqué par la Justice luxembourgeoise pour être inculpé pour des faits (en l’occurrence des accusations contre la Banque Générale du Luxembourg) pour lesquels il a déjà été poursuivi en France et pour lesquels il a gagné ses procès en première instance et en appel. Ces procédures n’ayant pas eu l’effet escompté, les juges du Grand-Duché ont accepté de se prêter à une manœuvre peu honorable. Denis Robert risque une peine de prison, agrémentée de frais d’avocat et une amende aux proportions luxembourgeoises. Par une ironie du destin c’est justement l’espace judicaire européen qu’il a contribué à établir avec l’Appel de Genève qui permet aujourd’hui à la justice luxembourgeoise d’essayer d’écraser un auteur ayant publié un livre en France.

Dans cette affaire, le Luxembourg - dont le ministre de la Justice est aussi... ministre du Trésor et du Budget - vient de commettre le pas de trop, en affichant sa partialité. Les citoyens européens peuvent soutenir Denis Robert en signant une pétition (disponible sur le site des Arènes ou de Liberté d’Informer). Pétition qui sera adressée à la Justice de ce pays qui fait tant pour dégoûter les démocrates de croire en l’Europe. En transformant l’affaire Robert en affaire Frieden (le fameux ministre luxembourgeois de la Justice, du Trésor et du Budget), chaque signature sera un acte civique qui protège la liberté de la presse en Europe.

En poursuivant Denis Robert les autorités luxembourgeoises ne veulent pas seulement protéger Clearstream qui affiche une santé insolente. Ils cherchent à intimider tous ceux qui, à l’avenir, voudront savoir comment fonctionne le système financier et la toile d’araignée des paradis fiscaux. En cela, le Luxembourg a vraiment prononcé l’inculpation de trop

Laurent Beccaria, directeur des Arènes
Franck Eskenazi, directeur de The Factory
Paul Moreira, responsable de 90 MINUTES sur CANAL+

Nous citoyens européens soutenons Denis Robert et condamnons l’acharnement des autorités judicaires luxembourgeoises, à son encontre. La liberté de penser et d’écrire est une valeur européenne fondamentale qui prime sur les intérêts bancaires du Grand-Duché. (« Soutien à Denis Robert » dans l’objet + Nom, Prénom, Qualité, Nationalité)

Pour signer la pétition pour soutenir Denis Robert, cliquez ici

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Messages

  • Il est intéressant de noter que, sauf erreur et malgré l’usage du moteur de recherche, le site de « Reporters sans frontières » (http://www.rsf.org) ne fait aucune allusion à Denis Robert, encore moins à cette dernière affaire...

    Etonnant non ?

    • Non, rien d’étonnant du tout : Reporters sans frontières a toujours refusé de défendre les journalistes lorsqu’ils sont attaqués par des entreprises (y compris de presse) ou des pouvoirs économiques quels qu’ils soient. RSF n’est là que pour protéger les journalistes attaqués par des gouvernements, c’est même une position affirmée et revendiquée par ses (son) dirigeant(s). RSF est financé par des entreprises, ils ne vont pas cracher dans la soupe ! Ce qui se traduit, dans la bouche de Robert Ménard, par cette fausse question impayable : « Comment, par exemple, organiser un débat sur la concentration de la presse et demander ensuite à Havas ou à Hachette de sponsoriser un événement ? » (extrait de son livre Ces journalistes qu’on veut faire taire, chez Albin Michel). Alors comment défendre Denis Robert contre Clearstream, alors que ceux qui sponsorisent RSF sont partie prenante du système de mondialisation financière dont Clearstream est l’un des plus beaux symboles ? Voir ici pour en savoir plus sur RSF : http://www.acrimed.org/recherche.php3?recherche=rsf

    • Cette affaire est complètement occultée par l’affaire des caricatures de Mahomet. L’attitude des médias est complètement écoeurante. Comment faire pour les faire disparaitre, tous ces nuisibles ? En faisant la promotion du « plan B » ? www.leplanb.org

    • Bonjour à tous.

      Ce qui m’étonne, c’est justement que l’on soit étonné de ces révélations et des pratiques peu ragoutantes du monde politico-financio-intellectuello-branché. Car, ne rêvont pas, TOUS les « gros poissons » de notre belle intelligensia (apparatchicks si vous voulez..) connaissent et usent ou abusent des pratiques des « comptes discrets » et même en France...

    • Intelligentsia, apparatcjik, tous les gros poissons...

      Ah... que de généralités, que de contre-sens, que de facilités...

      Non, pas de « tous pourris » ici. Les choses sont un poil plus complexes et c’est ce qui les rend passionnantes. Non ?

    • Super ecoeuree,je ne voterai plus jamais.

    • « il y a de quoi être dégouté, ils nous prennent vraiment pour des cons ces politiques, ils ne pensent qu’ à leurs salaires et leurs retraites et nous balancent du foot et du rugby pour nous faire taire. aprés tout cesar faisait pareil avec les jeux du cirque. nos politiques s’accrochent au pouvoir comme un régiment de morpions sur la bite d’un ennuque. tant qu’il aura des cons pour leurs faire les yeux doux il y aura des pourrilitiques. il faut les guillotiner !!!!!. »

    • pardon monsieur...j’aurai une question:est ce que donc nous concluons en vous lisant qu’il est ô combien passionnnant de se faire maltraiter, piller et que nous soyons mis en esclavage par des voyous financiarisés ?non, vraiment vous êtes de quel monde...avec des citoyens comme vous, ces pratiques ont encore de belles années garanties.sinistre faux frère

  • merci a denis robert qui ainsi que l’equipe de 90minutes pour leurs reportages ils sont peut les journalistes de la presse audio visuel a faire leur metier honnettement ,et si cela genne certaine personne haut placer c’est que la verite n’est pas toujour bonne a dire. Messieurs de la justice laisser un vrais journalist fair sont metier honnettement ,cela pourais aussi vous etre util

    • avant de t’aventurer dans de grandes phrases bien formatées, apprends donc à écrire un français correct !!

    • avoir le sens de l’éthique n’a rien avoir avec le niveau d’ortographe, cette personne a le droit de s’exprimer comme vous, vous faites non seulement preuve d’un réel mépris, d’une volonté d’humilier cet internaute, ce qui en dit long sur votre propre sens de l’ETHIQUE !!! je ne cherche pas votre réponse, elle ne m’intéresse pas, de la même façon que ces quelques lignes ne vous toucherons certainement pas ! je suis même persuadée, que vous ne trouverez pas le lien entre votre « mépris » de l’autre ? et le sens du mot « ETHIQUE ».

  • Message de Denis Robert, le 11 février 2006

    " Je suis convoqué prochainement devant mes amis luxembourgeois. Je vous tiendrai au courant via ce site. Vous dire aussi que nous avons des difficultés à faire publier ce texte et vos signatures dans un journal quotidien ou un hebdo. (...)

    ... la suite sur http://www.liberte-dinformer.info/49722.html

  • Itw de Denis Robert sur le blog de johnpaullepers.

    Voir en ligne : http://johnpaullepers.blogs.com/

  • j’ai découvert denis robert sur france inter , j’ai cru halluciner ! enfin quelqu’un qui nous donne de l’info et pas de la soupe, c’est presque le messie . Le dieu finance doit être mis à jour et chaque citoyen doit pouvoir se situer par rapport à la place qu"elle doit tenir dans le monde que ous voulons pour demain. Quand nos politiques auront clairement ennoncé leur position sur ce fait, et auront fait de véritables choix, la démocratie poura peut-être être envisagée comme autre chose qu’un simulacre. je souhaite qu’il y ait beaucoup de denis robert ,pour nous donner de la véritable info, celle qui nous faire grandir et nous rend plus libre merçi encore

    • Enfin quelqu’un qui comprend que c’est fondamental Denis Robert doit être soutenu par l’enthousiasme Nous sommes encore libres de le crier, mais pour combien de temps ?

  • donnez_lui 2pages pour parler france soir en greve voila une bonne action soyez solidaire denis robert est aussi journaliste mais lui ne reste pas dans les redactions a attendre les depeches bravo monsieur la solidarite viendra du peuple mais pas de vos collegues

    courage

  • Double jeu et double réaction.

    Quand on découvre (ou redécouvre) les scandales financiers, ils ont pâle figure face à l’actualité internationale et nationale : islamisme, conflits sociaux, contamination alimentaire, anniversaire de Tchernobyl...

    La réalité dépasse parfois l’envie, tuant ainsi toute énergie positive pour défendre un peu plus notre démocratie. Les mots ne sont pas assez forts pour parler de démocratie en péril !

    De la peur ou de l’envie, seul le constat doit aider chacun à se forger son avis. Même si les avocats frappent Denis ROBERT, les décisions retombent comme un soufflet froid. L’avis se constitue peu à peu, plus fort chaque jour. Le double jeu ne peut persister sans dérapages pour le masquer. Le Luxembourg a ouvert la voie. A nous de changer les choses, il faut perséverer et redoubler d’effort.

    • Bonjour et bravo à Denis Robert pour tout le travail accompli afin de faire sortir du silence cette « affaire d’etats » oui affaire d’états au pluriel car c’est bien de cela qu’il sagit et certainement au plus haut niveau des états . après avoir lu ce matin tout ce qui ce dit sur l’affaire dans le « Monde » et dans le Figaro sans prèjuger des suites cet après-midi à l’Assemblée Nationale je ne vois pas comment le bouclier Villepin va continuer à fonctionner car les explications du Gènèral Rondot sont plus que suspectes et cachent plusieurs « Corbeaux » je vous souhaite bonne route pour les jours à venir sachant que vous allez devenir incontournable pour l’explication sur Clearstream

  • En download mp3, en clair, ou en flux : GFV & wU-M-P : « The Technique » (cliquez sur le lien plus bas)

    (cc) wU-M-P 2006

    Voir en ligne : wU-M-P « The Technique »

  • merçi à Denis ROBERT pour ses recherches de véritables INFO qui SERVENT la Démocratie et informent les citoyens que nous sommes

  • Vous avez un (gros) souci d’affichage sur votre site. Les photos (thumbs) empiètent sur le texte ce qui le rend en partie illisible (je suis sous IE7 / 1280x800)

  • pareil pour firefox et compagnie. ça empiète.

    Sinon bah faut bien qu’y en ai qui paient pour les autres non ? C’est pas ça la philo de ce monde de merde ?

médiArmes

Réclame et droit moral (à propos de la nouvelle campagne des centres Leclerc).

En route !