Greg Shaw est mort. Greg Shaw, c’était le rock. Le rock buisness du dessous, sale, garage, c’était le rock des mauvaises passes, quand Iggy Pop était au fond du trou, quand Stiv Bator n’avait plus ses Dead Boys et pas encore sa New Church. Greg Shaw, cet homme qui a changé la vie de tant de gens. La tienne peut-être ; la mienne assurément. C’est l’époque qui veut ça, on dirait.... La vie qui souffle (un dernier) et qui siffle les fins de partie, ici et là. Libérationlui consacre un article dans son édition du jour, 1er Novembre 2004, Fête des morts. Ainsi soit-il.
Greg Shaw, l’homme de Bomp ! Rds. L’homme des premiers fanzines Rock dans les années 60, son Mojo-Navigator Rock & Roll News enfantera la rock critic, merde, tout vient de là ; puis il y aura Who Put the Bomp, et d’autres. Greg Shaw, l’homme des pépites Garage 60’s ramassées en une collection tue-l’ennuie : « Pebbles », putain, combien de volumes, trente ? Quarante ? Combien de fuzz, combien de pactes passés avec le diable à se dire que ça se passerait là, et pas ailleurs, et pour toujours, combien de promesses avec le bonheur binaire, toujours y revenir, jamais s’en défaire ? Les « Pebbles », lumières jamais éteintes, en bas de la discographie, comme un socle, surpassés par les « Back from the grave » forcément, mais qu’importe, tout avait commencé avec elles, les « Pebbles », et leurs pochettes épaisses, noires et blanches, Greg Shaw, tu m’as sauvé l’adolescence.
Greg Shaw, l’ami des Plimsouls. L’homme des singles punks de L.A. L’ami de Willie Alexander, des Weirdos, Devo, Iggy Pop, des Germs. L’homme des labels improbables pour groupes improbables, toujours présents, coupe au bol et guitares en plein vol. Greg Shaw, l’homme de Voxx Rds, low-budget 60’s, minable et magnifique, des Lyres, des Fuzztones, des The Tell-Tale Hearts, des Miracle Workers, des Psychotic Youth. Avec The Last, il montrait jusqu’où la Pop pouvait faire mal.
Greg Shaw, un « Rock Entrepreneur - Champion of Renegade Artists » comme on dit si bien dit auLos Angeles Times, un « Rock Enthusiast Who Loved Underground Music » comme on dit moins bien au New York Times.
Greg Shaw et ses enveloppes jaunes matelassés, jamais lassantes, Greg Shaw et ses missives de Burbank, L.A., avec des disques dedans, des « Pebbles » et des merdes, des pépites et du toc, des lettres et des encouragements toutes les dix lignes, des bribes d’interviews, des souvenirs, des projets, des tape-moi dans la main. Un monde s’ouvrait, il en avait les clés. Bomp Rds dans Tant qu’il y aura du rock, hey, maman, tu le crois, aide moi à traduire cette lettre s’il te plait... Et là, au fin fond du disque dur, des extraits d’interviews de Greg pour un article/dossier jamais paru dans Combo !, ni même fini, à propos de D.M.Z.1, groupe bostonien oublié, roi de la démo quand d’autres font maintenant les démocrates ; extraits reproduits ici pour les archivistes du futur et ceux qui veulent cerner Greg Shaw, l’homme que le Rock inventa.
Amen et Louie Louie.
Correspondance avec Greg Shaw, France/Usa, 24 Juin 1990 :
« Pour être honnête, je n’arrive pas à me rappeller des circomstances exactes qui m’ont fait découvrir DMZ. A l’époque, je correspondais avec des gens de la scène un peu partout, et bien que je ne sois jamais allé à Boston, je connaissais Willie Alexander, et beaucoup d’autres gens des environs de Boston, je passais aussi beaucoup de temps à New York où j’ai vu pas mal de groupes de Boston passés au CBGB’s. Je crois que la première fois que j’ai rencontré DMZ et que je les ai vu jouer, c’était à l’occasion de ma première visite à Boston, qui doit remonter à mars 77 d’après une lettre que j’ai conservée2. Cette lettre, envoyée par Miss Lynn qui éditait le Boston Groupie News, est typique des nombreuses lettres que je recevais de tous les coinsde la planète alors que je faisais Bomp ! Magazine et qui me permettaient d’être constamment informé des nouveaux groupes. (A propos, la cassette démo dont on parle dans la lettre est “Teenage Head”/”the First Time Is The Best Time”, qui ont été édité par la suite. Je pense que la session démo mentionnée vers la fin de la lettre ne s’est jamais déroulée ; ou plutôt qu’il s’agit de l’enregistrement Bomp ! qui a aboutit au Ep et dont les morceaux supplémentaires sont parus plus tard sur “Relics”) »
Lettre de Lynn Ciulla envoyée à Greg Shaw, Usa, 23 Février 1977, et confiée par ce dernier au fanzine Combo ! :
« Le 23 Février 1977
Cher Greg,
Quelle joie de t’avoir au téléphone aujourd’hui ! Je t’ai envoyé ci-joint une cassette démo et du matériel de promo sur DMZ (ils prétendent que cela veut dire Zone Dé-Moralisée).
Voici un peu de pub sur le groupe, en plus de ce qui figure dans leur revue de presse : leurs influences s’étendent du Rockabilly (Elvis, gene Vincent, Eddie Cochran, etc) au début des 60’s anglaises (Stones, Kinks, Pretty Things) et du Psychédélisme des mid-60’s (Chocolate WatchBand, 13th Floor Elevators, Troggs) à un Rock cru plus récent (MC5, Stooges, Flamin’ Groovies). Malgré tout, ils ont un style tout à fait à eux et si je devais nommer un groupe de Boston dont on pouurait dire qu’il invente un son nouveau, je dirais DMZ. Ecoute la cassette, je penses que tu l’apprécieras.
Le son est brut, ils passeraient sans problème au Rat, mais il leur difficile, sinon impossible, de trouver des agents avec qui travailler, étant donné qu’ils n’ont aucune reprise de Queen ou d’Aerosmith à leur répertoire. Ils ont hypnotisé le public dans le Maine, ébahi celui du New Hampshire, et ils ont silloné avec fracs les banlieues de Boston en compagnie des gangs locaux. Ils ont la sacrée réputation d’être les véritables « Bad Boys » de Boston et ils ont obtenu plusieurs rappels à chaqu fois qu’ils ont joué au Max et au CBGB. Ils dégagent une énergié sur-puissante, mais ne perdent jamais leur sens de l’humour bien particulier.
Patti Smith et Lenny Kaye les ont rejoints sur scène à la fin de leur récent concert à l’Orpheum, ils ont jammé sur “Raw Power” et “Riot On The Sunset Strip” (ce qui est assez étonnant, c’est que “Riot” a été complètement improvisé sur la demande de Patti, et c’est un morceau qu’ils jouent souvent !). Les Ramones, quand on leur a demandé qui était, selon eux, le meilleur groupe de Boston pendant une interview sur WTBS, ont répondu à l’unanimité : “DMZ” !
Ils ont prévu d’enregistrer cette semaine un Ep par leurs propres moyens (c’est le premier groupe de Bosotn à le faire), avec provisoirement, les titres suivants : “Ball Me Out”, “When I Get Off”, “Lift Up Your Hood (And I’ll Show You What I Really Want)” et “Destroyer (In The Hands Of The Enemy)”.
Ecoute bien la cassette. je sais que tu aimeras voir le groupe en chair et en os quand tu viendras à Boston la semaine prochaine.
Dans l’impatience de te rencontrer, moi aussi, je t’envoie une vision objective de la Scène Bostonienne »
Lynn Ciulla
Correspondance avec Greg Shaw, France/Usa, 24 Juin 1990 :
« Je me souviens que c’était des gens très gentils, avec qui on pouvait s’entendre facilement. peter était très timide et adorait parler de vieux disques Rockabilly. Jay était un type assez fou, qui racontait plein d’histoires sur ses virées avec les NY Dolls et les Ramones, il se déplaçait tout le temps, il était difficile à localiser, pourtant c’était lui qui s’occupait de tout le business du groupe ! Il était aussi supposé avoir participé - financièrement - à des petits films pornos à petit budget... Jeff était aussi fou qu’il l’a toujours été, et aussi adorable. Il m’envoyait toute sorte de lettres et de paquets plein de fanzines écrits et réalisés par lui-même, ou encore des chansons qu’il avait écrite pour Roky Erickson, etc. Je ne me rappelle d’aucun des batteurs, il y en a eu tellement.... (...) Il y a aussi quelques copies de cet Ep qui ont été préssé par erreur avec des groupes de Country & Western et le label DMZ ! Une curiosité, qui ne peut être recherchée que par des allumés ! »
1Un extrait de D.M.Z. est dispo sur Bomp Rds, « Ball Me Out »
2cf la lettre reproduite & traduite ci-dessous.