Depuis plusieurs mois, les deux organismes ont en effet formé un groupe de travail afin d’explorer comment les projets interactifs non-fiction pourraient et devraient être mesurés en termes d’impact et d’engagement ?
Objectif de la journée : comment clarifier les besoins réels des créateurs interactifs ? Comment leur donner des outils de mesure et des cadres d’évaluation ? Et comment rendre pérenne ce secteur de création en émergence ?
Car c’est évidemment la nouvelle bataille qui s’ouvre à tous, réalisateurs, producteurs comme diffuseurs : quels métriques utiliser ? Si l’on considère que les productions interactives peuvent offrir dans un même espace les données d’un problème (l’histoire) ET les outils du débat et/ou les armes pour le résoudre, on comprend combien la question de la mesure de l’engagement prend tout son sens. On comprend aussi pourquoi ONG et fondations s’intéressent de plus en plus au genre.
Dès lors, quelle mesure de « succès » (ou d’audience, ou d’impact, ou de répercussions) devons-nous inventer ? Les références purement quantitatives, chères à la télévision, n’ont désormais qu’un sens très limité dans le domaine interactif. D’autres mesures sont à prendre en compte. D’autres mesures sont à inventer. Cela fait, aussi, partie du pari de l’interactif : une remise à plat complète des habitudes de production.
D’où cette journée du 30 octobre qui faisait suite à plusieurs mois de collaboration entre différents acteurs du domaine.
Dans la salle, des producteurs, des diffuseurs (POV, Video for Change...), des fondations (Mozilla Foundation, Ford Foundation, Fledgling Fund, MacArthur Foundation, Bertha Foundation...), des diffuseurs, des chercheurs (Center For Media And Social Impact, Media Impact project, American University, MIT Center for Civic Media, i-Docs, Center for Investigative Reporting) et six réalisateurs venus présenter leurs travaux, et leurs répercussions.
Parmi les interrogations du jour (Storify ici) :
- Comment parler le même langage ? En effet, les définitions communes manquent pour une bonne partie des acteurs de l’industrie, et plus encore pour le public. Comment mesurer l’impact d’œuvres si leur définition demeure floue ?
- Qu’entend-on par « participation » ? Comment définir son « impact » ?
- Peut-on établir une liste des différents résultats escomptés / objectifs de documentaires interactifs avant leur mise en ligne ?
- Comment différencier un impact « réel » / « naturel » (par le public) d’un impact « prévu » / « orchestré » par l’équipe de réalisation ?
- Faut-il nouer un « contrat de contribution » précis avec les participants ? Quel serait leur rôle exact ? Que leur demande-t-on exactement et à quelle étape du projet ? Doivent-ils contribuer au contenu, au financement, à la promotion ?
- Le public d’un documentaire traditionnel et celui d’un documentaire interactif est-il le même ? Et doit-on attendre de lui la même participation ?
- Une grande taille de l’auditoire est-elle une garantie de bonne participation ?
- Comment moins se focaliser sur les possibilités offertes par nos machines et plus sur les interactions humaines ? Comment attirer sociologues et anthropologues à ces questions ?
- Qui mesure ? Les réalisateurs ? Les financiers ? Les diffuseurs ? La presse ?
- Quels sont les devoirs et responsabilités de ceux qui mesurent ?
- Comment partager et faire savoir les mesures et autres impacts de telle ou telle œuvre ?

Dans l’après midi, nous étions plusieurs réalisateurs à partager notre expérience, dont les équipes de Question Bridge ou de Priya’s Shakti (en chantier). Elaine McMillion d’Hollow a ainsi évoqué les impacts nombreux dans la communauté dont son film fait l’objet, tout en notant que « le public reste particulièrement actif dans les plateformes qu’il utilise déjà Facebook, etc) »
L’équipe de Sandy Storyline (en chantier) a détaillé son dispositif : un appel à témoignages sur l’ouragan Sandy, à la fois en ligne, mais aussi au coeur du réseau de bibliothèques de New York.
Quant à Karim Ben Khelifa, dont le projet The Enemy pour France TV, s’annonce comme un des plus forts jamais réalisés sur la guerre, il a murmuré son espoir : toucher les 12-18 ans (la prochaine génération) et changer leur perception qu’ils pourraient avoir de la guerre (la religion, la violence, etc.)
Pour ma part, j’ai mis l’accent sur le grande nombre et la belle qualité de commentaires dans les débats et surtout l’incroyable créativité de certains joueurs de Fort McMoney (détournement du logo, cartographie de leur expérience, partage en tous genres, création spontanée de groupes FaceBook de joueurs, comptes Twitter pour hacker le jeu, etc).
A la fin de la conférence, chacun est reparti avec une liste de conclusions toutes provisoires :
- Les financiers doivent soutenir les professionnels de la recherche à travailler aux côtés des équipes de création.
- La nécessité de rendre des comptes honnêtes (après ou pendant chaque expérience interactive) reste pertinente.
- « Tout a un impact » ne constitue pas une motivation suffisante dans le monde du documentaire.
- Partager ses échecs est bon pour toute la communauté (producteurs, diffuseurs, auteurs, etc).
- Les créateurs demandent plus de partage : le partage des apprentissages, le partage des ressources, le partage des connaissances des uns et des autres..
La suite, bientôt.
Quelques outils :
- Media Impact Funders
- Measuring Media Impact : An Overview of the Field (PDF) :
- The Impact Field Guide & Toolkit
Un grand merci à Lindsay N. Green-Barber, du Center for Investigative Reporting pour ses notes.