Corona Chroniques, #Jour57

Par David Dufresne, 11 mai 2020 | 214807 Lectures

DIMANCHE 5 AVRIL 2020 - JOUR 21

MATIN. Dernier jour de la troisième semaine de #confinement et ma rue se dominicale chaque jour un peu plus. Pas un bruit, même les sirènes de pompiers ou d’ambulances se sont taries ; pas d’éclat de voix, ou si peu (de temps en temps, des contrôles d’attestation contestés mais ça reste potable, avec ces voisins aux fenêtres qui dénoncent les promeneurs, ta gueule t’as qu’à rester chez toi, ceux qui veulent donner des masques aux policiers, c’est gentil madame, et ceux qui filment, comme moi, on sait jamais).

A trois kilomètres de là, dit-on, des canards s’aventurent jusqu’au Palais-Royal, sociétaires sans carte de la Comédie française. Mais trois kilomètres, c’est le bout du monde, trois fois la distance attestationnellement permise : pas moyen de vérifier, et les mouettes, jamais captées ici, selon les quelques éléphants du quartier — qui bravent la vie en magasinant — ou alors, aucun souvenir ; ces oiseaux ont bien trop à faire pour jouer les messagers. Elles sont sublimes, ces mouettes, venues comme les Canards, de la Seine, et qui bifurquent, libres et crâneuses. Elles reprennent l’espace et de belle manière : triomphale, matinale ; leurs cris nous réveillent, bande de connards d’humains, débout là-dedans. La nature a horreur du Covid.

Dans Le Monde du week-end, Philippe Grandcolas, directeur de recherches au CNRS l’assure, «  l’origine de l’épidémie est liée aux bouleversements que nous imposons à la biodiversité » et l’écologue pose durement le rude débat qu’il faut : « Je n’ai pas de complexe à aborder aujourd’hui la question de notre mauvais rapport avec la nature, même si les gens sont confinés, submergés par des controverses sur la gestion des masques, des tests, des médicaments… Demain, ils le seront par les tourmentes économiques. Quand est-ce le moment ? Quand nous serons passés à autre chose et aurons oublié ?  »

APRÈS-MIDI. Texto de 13h22 — même les SMS sont devenus une denrée rare : « Alerte Coronavirus ». Je me précipite : « Les loyers d’habitation ne sont pas suspendus. Rendez-vous sur www.MyOralia.fr - le blog de votre agence immobilière. Prenez soin de vous et de vos proches ».

SOIR. Email d’un revenant. François des Bérurier Noir me fait passer un mp3, « Merci aux Soignant.es ». François, mes 20 ans, quand Paris était un samedi soir toutes les nuits, qu’on déconnait à plein tube, le Rock alternatif en étendard. Le monde d’avant avant Avant. Il écrit : « Un nommé Jalal a réalisé un petit merci aux personnels mobilisé.es pendant l’épidémie, je te l’envoie en pièce jointe, c’est un beau geste. Diffusé sur un balcon quelque part en France (mais je ne sais pas où)… »

J’enclenche la chanson, décalque et cure de jouvence du Salut à toi. Et je frémis. Et je chiale, et je souris, air guitar et Merci à toi qui est vénère. Le moral remonte en flèche — tout à fond, c’est tout à fond.

Merci à toi l’infirmière Merci à toi la caissière Merci à toi la boulangère Merci à toi la pharmacienne

Merci aux agents d’entretien Merci aux agents des EHPAD Merci à toi l’enseignante Merci aussi aux aide-soignantes !

Merci à vous les pompiers Merci à toi l’ambulancier Merci à vous les postiers Merci aussi aux facteurs

Merci à vous les livreurs Merci à toi l’éboueur Merci à vous les conducteurs Merci à tous les médecins

Merci à toi le blanchisseur Merci aussi aux cheminots Merci à toi l’ouvrière Merci à toi l’ouvrier

Merci à toi la psychiatre Merci à toi l’éducatrice Merci à toi l’urgentiste Merci aussi à l’anésthésiste

Merci à toutes les soignantes Merci à tous les soignants Merci à tous les militants Merci à toutes les bénévoles

Merci à toi le syndicaliste Merci à toi journaliste Merci aux lanceurs d’alerte Merci aussi à Mediapart

Merci à toi mon bon frère Merci à toi qui est vénère Merci à toi oh ma soeur Merci à toi qui a du coeur

Merci à l’hôpital public Merci aussi à la SECU Merci à toutes les féministes Merci à vous, et pas aux flics

Merci à tous les travailleurs Merci à vous, pas aux patrons Merci à toutes les travailleuses Merci à vous, pas à Macron

Merci à tous les hommes libres Merci à vous, et mort aux cons ! Merci à vous les femmes libres Merci à vous, tous au balcon !

(Penser, demain, au saut du lit, à retrouver l’auteur de l’hymne, et à lui demander l’autorisation de publier sa chanson, pour qu’elle puisse aller de balcon en balcon).

  • Moral du jour : 9/10
  • Ravitaillement : 3/10
  • Sortie : 0
  • Speedtest Internet : 937 Mbps
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