Application conçue à la fois comme un livre dont vous êtes le héros, un fil d’actualité et une œuvre de politique fiction,L’infiltré permet(tait) de se plonger dans la peau d’un officier fictif de la direction générale de la Sécurité intérieure chargé de traiter un agent au cœur de la machine électorale du Front national.
Cet agent, Raphaël Tolissac, n’a jamais existé. Il était une synthèse de témoignages et de lectures sur le FN. Un jeune homme, un jeune loup, un fidèle du clan Philippot, à la fois moderne et égaré. Une invention, une intuition.
C’est neuf mois plus tard que la fiction a basculé en réalité. Mickael Ehrminger est arrivé par un email:
«On m’a parlé de l’application dont vous êtes l’auteur (...) J’ai travaillé dans l’équipe de campagne de MLP et ai été “proche” de Florian Philippot de 2011 à 2017, je me suis reconnu dans certains passages (même si contrairement à votre personnage, je ne vote pas FN, j’étais simplement salarié et faisais ce qu’on me disait de faire.)»
Rendez-vous fut pris, dans un café du coeur de Paris. Un établissement tout sauf discret, planté au centre de la place de la République, avec baies-vitrées et portes à tous vents.
Mickael Ehrminger s’est approché comme il l’avait annoncé: «rien n’a cacher». Il avait fait partie de la vingtaine de permanents du QG de campagne de Marine Le Pen. Il avait beaucoup vu, beaucoup entendu. Je le reconnaissais: Mickael Ehrminger figurait sur les vidéos de son chef (dont il s’est depuis éloigné).
Si son profil de «jeune homme moderne » avait bien inspiré L’Infiltré, il n’était pas le seul, loin de là. Soudain, avec le temps et la distance, il devenait réalité. Et la «fiction» Le Pen pouvait être (d)écrite de l’intérieur. Pour de vrai.
Mickael Ehrminger acceptait de témoigner à visage découvert. Je lui proposais une maison que j’avais fréquentée, dès sa fondation: Mediapart. Avec Marine Turchi, auteure d’enquêtes au long cours sur le parti et de «Marine est au courant de tout» (Flammarion), on s’attela à la tâche. Entretiens, recoupements, vérifications.
Un dimanche de janvier 2018, le témoignage de Mickael Ehrminger était en ligne. « Amateurisme total», violences verbales, guerre des clans, petits banquets et grande paresse, il racontait tout par le menu.
Bientôt, d’autres histoires PhoneStories.