Il fut un temps que les moins de vingt ans (etc.), je naviguais dans la critique rock. Il y avait les fanzines (Fantastic 60’s, Tant qu’il y aura du Rock, puis Combo !). Il y aura la presse rock, deux ans à Best, avec les bons amis Manet, Dordor, Eudeline, Viviant (parti, déjà). On se marrait.
Une hantise : finir comme certains, à 50 (20/30/40/60/70) balais, au bar du Gibus, de La Lune des Pirates, de l’Olympia refait/défait, avec un cuir et plein d’ennui/de morgue. Ou pire : se formoliser sur France Inter, tous les soirs, pousser un disque et tousser les mêmes rengaines, blah-blah, tu te souviens, les Pistols, la péniche, tout ça. Il fallait déguerpir. Personne ne sortirait vivant d’ici. Un jour, il faudra parler de ça. De tous ces Lester Bangs ratés, de cette vie repliée, de Nirvana à Issy-les-Moulineaux, de Pavement enfonçant Sonic Youth dans une tournée allemande, de Public Enemy bring the noise à N.Y. avec Anthrax. Si ça se trouve, ces souvenirs là doivent se nicher intacts quelque part dans mon disque dur.
Et puis, et puis. La détestation des majors, un mépris réciproque, un détour de deux années magnifiques à Bondage (et là et là), où l’on faisait de l’open source sans le savoir et où on a fini par (se) trahir sans le vouloir. Et puis, l’écrit qui mène ailleurs, la souris comme une guitare, le clavier comme une pédale wah-wah, la fin d’un monde (kurt cobain, i hate myself and i want to die et stiv bator, i wanna be a dead boy), l’envie d’aller voir ailleurs, de ne jamais être un inrockuptible (qui ne peut pas être rock), etc.
Quand, soudain, des années après, là, hier, je tombe sur ça. L’employé du Moi, un groupe d’auteurs indés de bandes dessinées. un collectif dont l’atelier est situé à Bruxelles. Un collectif dont l’un des membres, David Scrima, outre qu’il porte un bien joli prénom, ne sait sans doute pas ce qu’il fait, comme Presley, les Sonics, les Stooges, les White Stripes, les Kinks en leur temps.
David Scrima invente un truc.
La critique rock dépoussiérée1.
Ça s’appelle trackrecord.
David Scrima est un génie.
Tue-les, mon vieux, tue-les.
There’s no business like show business.
1Avec un carnet, un crayon noir c’est noir (Los Bravos), il écrit et dessine des notules au jour le jour. C’est beau, c’est simple, c’est efficace, trois accords, et me gotta go, louie, louie
Messages
28 avril 2003, 09:55, par christophe j.
Tiens, le dessinateur en question a déjà réagi. Il raconte l’histoire de votre article. C’est vrai qu’il a du talent, le bougre !
Voir en ligne : Un jour comme aujourd’hui
19 août 2004, 16:34
Je vous conseille aussi les chroniques du son indé de Alex sur indesens.org
Voir en ligne : Indésens
19 mai 2006, 17:00, par Alicia
N’en déplaise aux mangeurs de fenouil, il fut un temps béni où Rock Critic était un vrai métier vécu par les pionniers comme un sacerdoce (cf Lester Bangs). A l’époque où le Rock était une religion, le Rock Critic était incollable sur ’son artiste’ et n’hésitait pas à chroniquer tout nouvel opus piste par piste, à dégager les influences, les motivations, les lyrics pour mieux imprégner le lecteur de l’ambiance du disque, véhiculer l’émotion au lieu de traiter le ’sujet’ comme c’est le cas actuellement dans sa globalité, se bornant à accorder une note au travail de l’artiste parfois justifiée par un achat d’espace pub suffisament conséquent... Bref, le métier n’existe plus et cette absence renforce chez le plus grand nombre l’idée que la musique c’est un truc marketé ou pire de pétasses maquillées comme des bagnoles volées, chorégraphiées et pro toolées à mort... Croyez vous qu’il existe encore une émission à la télévision qui parle vraiment de musique, à l’instar des émissions littéraires, cinématographiques ou consacrées au football ? Peut on imaginer un jour un article de plus de 1500 signes sur le disque d’un artiste plutot que sur ses frasques ? Qui nous sauvera ?
Voir en ligne : Rock Critic