Un jour de decembre 1986

malik oussekine, les voltigeurs et la lacrymo

Par David Dufresne, 6 décembre 1996 | 40707 Lectures

Malik Oussekine courre rue Monsieur le Prince, quelque part dans le Ve arrondissement, quelque part dans la nuit du 5 décembre 1986. Il est atteint, comme des milliers d’autres, d’une maladie incurable découverte par l’éminent professeur Louis Pauwels. Malik Oussekine a le sida mental, et des motocyclistes-voltigeurs aux trousses. Nous sommes deux centaines, à peine, à zigzaguer dans le Quartier latin, comme lui, à transpirer, à courir, morts de trouille. Au milieu du Boulevard Saint-Michel, plus personne ne s’occupe de raviver le petit feu, allumé quelques instants avant la charge policière. On court, on saute, on sauve sa peau. Ceux qui vont mourir te saluent. Nous sommes des héros : 1986-1968 ? Une simple question d’inversion. Mythe et réalité, course-poursuite et histoire en marche.

Malik Oussekine se glisse derrière une silhouette au 20 de la rue Monsieur le Prince ; d’autres, perdus, égarés, fuyards, effrayés, entrent dans une Sorbonne souricière. Les voici immédiatement cernés. Rendez-vous ! Au commissariat. Je cours aux côtés de mon ami de toujours, monté de Poitiers pour l’occasion. Il est mon guide, mon chien d’aveugle : de peur briser de mes lunettes, ou de les perdre, je les ai soigneusement laissées chez moi. Ah, il est beau le révolutionnaire, il est prudent le héros. Je casse un rétroviseur rue des Écoles, par plaisir gratuit. C’est le meilleur moyen de se procurer des forces à bas prix.

Malik Oussekine tremble, le souffle coupé, un flic derrière lui, la matraque en menace. La porte codée de l’immeuble est entrouverte, le hall d’entrée se fait cage et les trois fauves-voltigeurs ne répondent plus de rien. Malik Oussekine non plus. Ils frappent, il gémit ; ils cognent, il pleure. Ailleurs, plus loin, je sprinte. Des gros bras d’extrême droite, venus de la faculté d’Assas, nous somment de lâcher nos bâtons. Splouc, bruit sourd. J’avais donc un bâton, d’où venait-il ? Le sang, les cris, les vitrines brisées, les bruits de pas, les « par ici ! », « là ! », « fais gaffe ! », « arrêtez ! merde ! », une fille en pleurs, à genoux - je me souviens de son visage : ordinairement sublime - les radios-reporters, les autonomes casqués, uniques dans leur volonté dérisoire (eux ne courent pas devant les flics, ils les affrontent, cognent, tombent, idéalistes, va !), tout s’emmêle, ça s’accélère. Vertiges, c’est donc ça la guerre ? Un film interactif ? Un reality show ?

« Malik Oussekine, vous l’avez connu, Rachida, miaule le présentateur télé. Avant de nous dire quel garçon merveilleux il était, nous aimerions vous montrer, à vous Rachida et à vous, chers téléspectateurs, un document inédit. Le film de sa mort ». L’animateur se tourne lentement vers la caméra 2, heureux comme un type qui aurait triomphé de sa laideur. Dans son oreillette, sa productrice lui susurre : « Vas-y, Jacko, on est à 53% d’audience. Tiens-les jusqu’au bout ». Le présentateur poursuit, élargissant son sourire : « Bien sûr, il s’agit là d’une reconstitution. Mais elle est si fidèle aux témoignages, si véridique, si authentique, que ce film pourrait avoir une valeur juridique si le procès de ceux qui ont tué Malik était rouvert. » Pivotant sur son fauteuil, l’homme au regard vide fixe à présent une nouvelle caméra : « Je vous rappelle d’ailleurs que c’est l’objet de notre sondage minitel : faut-il réinstruire le procès des agents qui ont tué Malik ? »

La cavalcade continue sur la place du Panthéon, déserte. Le commissariat semble fermé, pas un flic, pas un bruit. Respiration. En quelques compagnies de CRS, le quartier est complètement bouclé. Mon ami, mon frère, me regarde. « Ça va ? » Ça va. Une voiture s’arrête à notre hauteur, rue Clothilde. Dans sa R5, une femme, la quarantaine, affolée, calme un gros chien. Et aboie à son tour : « Montez ! je vous en supplie, montez... » « C’est gentil à vous madame, je dis en m’imaginant dans son lit. C’est gentil mais on a envie de rester... de voir comment ça va évoluer... » Est-ce qu’elle pleure ? « Vous êtes fous ! Je vous en prie ! Sont partout ! Les flics vont vous tabasser ! » J’ai envie de lui dire qu’elle est belle, que j’ai envie d’elle, que je ne l’oublierai jamais, que j’aimerais bien savoir ce qu’elle fout ici, la nostalgique de 68, que je l’emmerde avec son regard plein de pitié comme si nous allions mourir. Nous nous confondons en excuses et remerciements, bien élevés que nous sommes. Elle enclenche la première, derniers sourires, ultimes propositions.

Malik Oussekine ne tiendra pas, insuffisance reinale ou pulmonaire, enfin un truc à ne pas mettre un jeune homme dehors un soir de manif, selon le gouvernement Chirac qui oubliera tout ça, quelques jours après la bavure, avec une belle fête anniversaire du RPR. On court, jusqu’au bout des rues et de la nuit. Rue Henri Barbusse, trois Beurs foncent avec nous. Derrière, des voltigeurs. On pousse des cris, des portes, toutes closes, toutes codées. Toutes, sauf une. C’est les autres, les Beurs, qui l’ont trouvée. Chérie, tu sais quoi, je crois qu’un Arabe m’a sauvé la vie. On grimpe l’escalier quatre à quatre, jusqu’au troisième étage. Les Beurs font circuler des revues pornos tombées d’un kiosque à journaux dans la confusion et le vacarme. X-Choc, X-Stars, Panthers-les plus belles filles du monde, Club-only for men. Je tourne les pages, mes mains qui tremblent font bouger les clichés, rendant les filles réelles, mais mon sexe reste indifférent - c’est bien la première fois qu’un magazine de cul ne m’excite pas.

Dans son appartement, un locataire allume une lumière et sa radio. Flash RTL : « Violents affrontements hier soir au Quartier latin ». Malik Oussekine est pour l’heure anonyme, et sa mort même n’est pas connue. Le lêve-tôt du palier va appeler les flics, ça sent le Dupont-la joie dans cet immeuble. 1986-1942, simple habitude de délation. Les Arabes s’en foutent, les salopes du spécial salopes leur procurent bien du plaisir, et les flics aux basques, ils connaissent. Vont pas se faire du mouron pour ça. Ils nous rassurent. Il est temps de rentrer. J’en peux plus, cassos ! Allez, salut les mecs, et merci pour la porte ! Et les revues ! Boulevard Saint-Germain, une croissanterie ouvre ses portes. Il doit être 6h du matin. Ce jour-là, on y servait les meilleurs croissants du monde. Retour à la casbah, dans le Ier. Europe 1 annonce qu’il y a eu mort d’homme. Chérie, j’aurais pu m’appeler Malik Oussekine. Elle : t’en as pas marre de tes blagues racistes - Je ris jaune livide.

« Alors, Rachida... Malik était votre petit ami. Qu’avez-vous pensé de ce film ? » Gros plan sur le visage de Rachida. En régie, un assistant-réalisateur s’énerve. « Dis-donc, elle chiale pas, la môme. Faudrait de la lacrymo. Comme pour l’autre con ».

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Messages

  • cher monsieur, madame, je suis actuellment en 2 eme année de communication (ISCOM) et je dois relaiser un documentaire. Mon équipe et moi même avons choisi d’etudier l’histoire de Malik Oussekine. Le problème est que nous manquond d’informations. C’est pourqoui ej me permets de vous ecrire, en esperant que vous pourrez nous aidez dans nos demarches. Restant à votre entière disposition, Cordialement, Gentiane ROBLIQUE

    • chère gentiane

      je trouve tres interessant que des eleves de communication s’interesse a ce terrible evenement... malheureusement vous devrez vous démerder toute seule car plus rien n’existe sur malik a part un film réalisé par Camille BROQUET et qui lui a valu les honneurs de Monsieur Chirac. Chapeau l’artiste ! Bonnes recherches...

    • J’aimerais que vous communiquiez mon e mail à la famille Oussekine à ses frères ou soeurs, surtout Mohamed que je connais depuis 1967 mais la vie nous a fait perdre le contact avec mes remerciements .

    • Ce matin, sans raison apparente, un nom a retenti dans ma mémoire : Malik Oussekine ! ! Dans l’après-midi, à la recherche de la nouvelle adresse d’une librairie spécialisée dans le cinéma, j’ai emprunté et descendu la rue Monsieur le Prince et j’ai, à ma grande surprise, découvert cette plaque insérée dans le trottoir, qui m’a beaucoup émue. PAIX à TON AME, MALIK

  • Il faut faire quelque hose pour le 20 me anniversaire, et donc avat aussi. Contactez-moi martin.pecheux@free.fr

    • Non, Malik n’était pas un héros. La réforme DEVAQUET avait certainement du bon.

      GREG

    • C’etait peut etre pas un héro, mais sa mort est injuste et aura au moins permit de devoiler au grand jour l’attitude de la police pendant les manifestations, aussi pacifistes soient-elles. Et puis, la réforme DEVAQUET, c’est vraiment pas le propos, on parle d’assasinat ici. Garde tes considérations irréspectueuses et hors sujet pour toi, sac à merde.

    • et toi tu ne sais peut être pas de suoi tu parles, il n’était pas à la manifestation et à été tué plus certainement du fait de ses origines, c’est toi qui parles de héros pour nous il est une victime de personnes dont tu doit certainement comprendre la mentalité de m....

    • raciste de merde

    • t facho ou koi ? maleureuzemen ca + de 20an é c tjr pareil...ouvré les yeux !!!!!!!!!!!

    • Pauvre imbécile. Tu dois être terriblement triste et aigri.

  • j’avais 13 ans lorsque Malik Oussekine est mort. Avec l’âge et les relations, Malik est devenu le garrant de notre sécurité, nous pouvions casser des banques, faire cramer des stations essence, sans que la police nous charge, et puis il y eu Carlo Guiliani... et l’ordre qui tue un par un nous rappelle « Jeunesse blanche rentrez chez vous ! » chez nous c’est ici, c’est en italie, et c’est aussi rue Monsieur le prince. Malik petit prince de st-ex. Avançons nous aurons encore des morts parmis nos amis. Et comme disait l’autre, les pauvres sauveront le monde malgré eux.

    • Il y a 20 ans, Malik Oussekine | 05.12.2006 | 09:25

      IL Y A VINGT ANS, dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986 à Paris, en plein conflit gouvernement-étudiants, Malik Oussekine, 22 ans, était matraqué à mort dans le hall d’un immeuble parisien, au 20, rue Monsieur-le-Prince, où il s’était refugié, par deux « voltigeurs motoportés ». Français d’origine algérienne, étudiant sans histoire à l’Ecole supérieure des professions immobilières (ESPI), il était d’une santé fragile à cause de déficiences rénales, devant être dialysé trois fois par semaine. Le jeune homme s’était tenu à l’écart du mouvement estudiantin. Les étudiants dénonçaient un projet de loi instaurant, selon eux, la sélection à l’entrée de l’université. Ce jour-là, cependant, selon ses amis, Malik voulait aller voir une manif. Seul témoin du drame, Paul Bayzelon, fonctionnaire au ministère des Finances, habitant l’immeuble du 20 rue Monsieur le Prince (6ème arrondissement), a raconté : « Je rentrais chez moi. Au moment de refermer la porte après avoir composé le code, je vois le visage affolé d’un jeune homme. Je le fais passer et je veux refermer la porte ».

      « Une violence incroyable »

      « Deux policiers s’engouffrent dans le hall, a-t-il poursuivi, se précipitent sur le type réfugié au fond et le frappent avec une violence incroyable. Il est tombé, ils ont continué à frapper à coups de matraque et de pieds dans le ventre et dans le dos. La victime se contentait de crier : ’je n’ai rien fait, je n’ai rien fait’ ». Paul Bayzelon a dit avoir voulu s’interposer mais s’être fait lui aussi matraquer jusqu’au moment où il a sorti sa carte de fonctionnaire. Les policiers, présents dans le quartier pour disperser la manifestation, sont alors partis mais Malik Oussekine était mort. Le lendemain, Alain Devaquet, ministre délégué à l’Enseignement supérieur et auteur du projet de loi polémique, présentait sa démission, cependant que les étudiants défilaient en silence portant des pancartes « Ils ont tué Malik ». Le lundi 8 décembre, après de nouvelles manifestations, le Premier ministre Jacques Chirac annonçait le retrait du texte.

      La présidentielle de 1988

      Robert Pandraud, ministre délégué à la Sécurité, devait dire : « Si j’avais un fils sous dialyse, je l’empêcherais d’aller faire le con la nuit ». Les deux voltigeurs, le brigadier Jean Schmitt, 53 ans à l’époque des faits, et le gardien Christophe Garcia, 26 ans, sont passés trois ans plus tard devant la Cour d’Assises de Paris pour « coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». Ils ont été condamnés en janvier 1990 à 5 ans et 2 ans de prison avec sursis. Dans son récent livre « La tragédie du président », le journaliste Franz-Olivier Giesbert décrit Jacques Chirac comme particulièrement sensible aux mouvements de la jeunesse depuis l’affaire Malik Oussekine, dont il pense, selon l’auteur, qu’elle lui a coûté son élection à la présidentielle de 1988.

      Voir en ligne : Nouvel Obs

    • 14 novembre 2006. Monsieur le Maire, Mes cher(e)s Collègues, Je vous avais déjà fait part de mon émotion, quand au nom du Groupe socialiste et radical de gauche, avec son Président Patrick Bloche, je proposais à notre Conseil d’adopter un vœu demandant au Maire de Paris d’apposer une plaque en souvenir de Malik Oussekine, frappé à mort dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986, rue Monsieur le Prince, suite à la dispersion des occupants de la Sorbonne. Elle est d’autant plus grande aujourd’hui, au moment d’adopter cette délibération proposée par le Maire, c’est-à-dire au moment de prendre cette décision qui permettra que concrètement, le 6 décembre prochain, dans moins d’un mois, soit inscrit sur les pierres de notre Capitale, le souvenir de ce moment qui a marqué pour toujours toute une génération, la mienne comme celle de beaucoup d’élu(es) ici présents ; le souvenir de ce jeune qui a eu la malchance de se trouver là alors que se déchaînait de façon démesurée une chasse à tout ce qui ressemblait à un étudiant dans le Quartier Latin.

      Monsieur le Maire, Mes cher(e)s Collègues,

      Je vous avais déjà fait part de mon émotion, quand au nom du Groupe socialiste et radical de gauche, avec son Président Patrick Bloche, je proposais à notre Conseil d’adopter un vœu demandant au Maire de Paris d’apposer une plaque en souvenir de Malik Oussekine, frappé à mort dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986, rue Monsieur le Prince, suite à la dispersion des occupants de la Sorbonne.

      Elle est d’autant plus grande aujourd’hui, au moment d’adopter cette délibération proposée par le Maire, c’est-à-dire au moment de prendre cette décision qui permettra que concrètement, le 6 décembre prochain, dans moins d’un mois, soit inscrit sur les pierres de notre Capitale, le souvenir de ce moment qui a marqué pour toujours toute une génération, la mienne comme celle de beaucoup d’élu(es) ici présents ; le souvenir de ce jeune qui a eu la malchance de se trouver là alors que se déchaînait de façon démesurée une chasse à tout ce qui ressemblait à un étudiant dans le Quartier Latin.

      Je ressens ainsi la même fierté d’appartenir à cette majorité municipale, et de soutenir cet exécutif parisien, qu’au moment où Bertrand Delanoé a de façon courageuse proposé d’apposer une plaque en souvenir des Algériens morts le 17 octobre 1961.

      C’était il y a 20 ans. Des centaines de milliers de jeunes, près d’un million à Paris le 4 décembre, manifestaient pour le retrait de la loi Devaquet établissant une sélection sociale pour l’entrée à l’Université. C’était dans chaque université, dans beaucoup de lycées, des moments de rencontre, de débats, de prise de conscience, de fête et de joie aussi, qui rassemblaient une génération généreuse et éprise d’Egalité, comme un sursaut dans une France où le Ministre de l’Intérieur pouvait déclarer qu’il couvrirait les bavures. Des monômes bon enfant où l’on entendait crier « CRS avec nous, vos enfants sont dans la rue ».

      Puis suite à la fin de non recevoir du gouvernement, des charges brutales, violentes, des tirs de grenade à fût tendu, des jeunes grièvement blessés, comme Jérôme Duval. Et la nuit tragique du 5 au 6 décembre, où après une évacuation des occupants de la Sorbonne, les PVM décidèrent de nettoyer le Quartier Latin. Malik finissait sa soirée, comme beaucoup de jeunes et moins jeunes et s’apprêtait à rentrer chez lui. Des PVM le poursuivent. Il se réfugie dans une cage d’escalier, rue Monsieur le Prince. Des PVM lâchent leur moto, entrent dans le hall. Il se protège. Il est battu. Son visage, son corps sont tuméfiés. Plus tard, il meurt. Il avait 22 ans. Rien ne justifiait une telle violence. « Ils sont devenus fous ». Je répétais cela aux journalistes qui m’interrogeaient au petit matin. Abasourdi. Et ce poids de la responsabilité. Ne rien dire qui puisse inciter à répondre à la violence par la violence. Et notre appel à une gigantesque manifestation silencieuse derrière cette unique affirmation « Plus jamais ça ».

      Et depuis 20 ans, ce sentiment contradictoire, souvenir d’un grand moment de symbiose, d’échanges, de lutte, d’espoir, de conviction d’être acteur de son histoire, mais aussi l’amertume, la tristesse, que Malik y soit resté.

      En ce moment, je pense à sa mère, à ses frères et sœurs, à tous ceux à qui il a été arraché, il nous manquera toujours. Avec lui, c’est un bout de nous-mêmes qui est parti le 6 décembre 1986.

      En votant cette délibération, notre Conseil fera un acte de justice et de mémoire qui honorera notre Paris. Pour moi, pour les socialistes, nous avons aussi, simplement, rempli notre devoir.

      Voir en ligne : http://www.david-assouline.net

  • commémoration ?...une plaque 20 ans après... mmh c’est bien mais alors il faut faire le lien direct avec les poursuites des jeunes de 2005, la répression d’aujourd’hui... J’irai me receuillir sur la tombe de Malik mercredi matin et rue M. le Prince en évitant les récupérations politicienne du P.s... N’hésitez pas à me contacter pour cette journée... Jérôme, blessé par grenade en tir tendu le 4.12.86. djino68@club-internet.fr

    • Vous avez tout à fait raison. Il n’est pas possible de n’en rester qu’à la seule commémoration qui est un moyen de cantonner un événement dans son passé. Pratique coutumière du p.s. En effet, ne pas travailler sur 1986, 2005 (les révoltes des banlieues), 2006 (l’anti-cpe), c’est isoler les luttes et maintenir le silence sur les causes de ces mouvements. L’objectif partagé de la droite (et son amie l’extrême-droite) et de la soi-disant gauche, qui ne cessent de co-habiter (tout un poème cette expression), c’est d’enterrer les problémes et de rester à des propos moralisateurs et injurieux (« racailles », « sauvageons », « ordre juste », « rupture tranquille »). Il leur faut sauver le capitalisme, sinon à quoi serviraient-ils ?

      Les pleurs des crocodiles ne peuvent longtemps retenir les révoltes.

      L’histoire ne s’arrête pas.

      Voir en ligne : malik oussekine

    • Jérome,

      J’y serai aussi, rue Monsieur le Prince.

      Puis je te demander par ce que tu dis de toi, « blessé par grenade en tir tendu » ? Es tu celui qui a eu la main arrachée esplanade des Invalides ?

      Merci d’etre passé par ici.

    • 1986-2006 La répression continue !

      non, le jeune homme qui a perdu la main en relançant la grenade s’appelle Patrick Berthet si mes souvenir sont bons...pour ma part j’ai eu une fracture maxilaire supérieure, une fracture du nez et une fracture du crane. J’ai donc subit une opération en neuro-chirurgie délicate... ci dessous un texte que j’ai écrit le 4 decembre 2006, 20 ans après les faits, lors d’une insomnie. Au réveil les larmes coulaient de rage sur mon visage, cette rage tranquille que le peuple retient en lui jusqu’au jour ou tout explose. Alors la répression s’abbat sur la réponse du peuple à l’injustice qu’il endure. Les blessés et les morts s’enchainent sur le fil de l’histoire sans changer la détermination de celui ci qui sans cesse revient à la charge. Pensons un instant à tous ces fantomes de la Commune de Paris à Oaxaca et nous trouverons en nous la raison de la lutte de libération contre ce système répressif néolibéral capitaliste. Que la force soit avec nous, le peuple des opprimés face au monstre dévastateur des profiteurs.

      Voici maintenant 20 ans, j’ai reçu une grenade en tir tendu (tir tendu interdit par la loi) qui a faillit me coûter la vie, et cela pour avoir manifesté pacifiquement contre le projet de loi Devaquet. En fait, malgré plusieurs fractures et une forte dépression qui interrompirent brutalement mes études j’estime avoir eu de la chance. Mon voisin d’hôpital François Rigal a lui perdu un oeil dans les mêmes conditions, l’impact a frappé un cm plus bas... Mais nous ne serions sans doute pas là si la grenade nous avait touché juste au dessus des sinus ou bien au cœur... oui nous avons eu la chance de survivre à cette tentative d’assassinat qui pourtant nous a visé en pleine figure ! Malik Oussekine, lui n’a pas eu cette chance et les auteurs du meurtre ont pu tous deux finir leurs jours tranquilles*.

      La répression se renforce à mesure que la résistance s’organise, elle fait système et pour cette raison les victimes de 86, comme celles de Novembre 2005 et celles issues de la lutte contre le CPE sont les victimes d’un système qui réprime et poursuit en justice pour sa survie.

      * Les deux auteurs du matraquage mortel, le brigadier Jean Schmitt, cinquante-trois ans à l’époque, et le gardien Christophe Garcia, vingt-six ans, ont comparu trois ans plus tard devant la cour d’assises de Paris pour ’coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner’. Ils furent condamnés le 28 janvier 1990 respectivement à cinq ans et deux ans de prison avec sursis. Leur administration n’a pris aucune sanction notable : l’un a vu sa retraite avancée, l’autre a changé de poste.

      Jérôme

  • N’étant qu’une enfant en 86, je découvre aujourd’hui cette bien triste histoire qui me sert la gorge, me pèse sur le ventre. Nous sommes bien souvent pacifiques lorsque nous sortons manifester mais presque à chaque fois on sent l’hostilité chez ces messieurs casqués. Nous manifestons pour dire nos idées, c’est un droit et la police n’est pas censée nous en vouloir pour cela. Que se passe-t-il lors du breefing pré-manif ? est-ce qu’on leur dit que l’autre camps c’est les méchants ? est-ce qu’on leur dit que de dangeureux individus veullent s’en prendre à l’état ? Manifester c’est un droit populaire d’expression... on n’a pas toujours le choix de voter donc on réagit comme on peut, mais quel malaise j’ai resenti de nombreuses fois quand je passe dans un couloir de CRS. Je le sais pourtant, ce n’est pas moi qu’ils surveillent, ce sont les « casseurs », les imprévisibles sans fois ni loi, mais tout de même... on n’est pas tranquille. Et si tout le monde se sent aussi opressé que moi devant « l’autre camp » je crois que les actes anti-flics ne peuvent que se multiplier. Mais eux, ceux sont des professionnels, il y a des règles dans leur métier : quelque chose du genre notre but est la défense du citoyen... A quel moment le mec pense aider la société en bastonnant propre et net un citoyen ? Quand je vois un policier en France, je ne me sens pas en sécurité, je me sens en zone de violence potentielle. Peut-être que je ne choisi pas bien les endroits où je vais ? En tout cas aujourd’hui je peux mettre un prénom sur cette peur. Malik n’est p-e pas un héros ms sans aucun doute il restera dans les mémoires de la France et dans la mienne tout particulièrement. Avec émotion et respect, Lucie.

  • J’étais adolescent au début des années 80, pas aussi bandantes que les années 60, voire même 70. Y’avait pas de racaille, à l’époque, si j’en crois mes souvenirs, on était des branleurs, des zonards, les vieux disaient même encore « blousons noirs »...Si si...Fils d’ouvriers ou de paysans pour la plupart, « français », « portos » ou « arabes », on avait pas droit au blouson de cuir, pourtant, c’était plutôt la veste en jean à laquelle on coupait les manches...Amphétamines, shit et bière pour tout le monde, ACDC en bande son, Trust, c’était plutôt pour les bourges...comme Téléphone...On est allé direct au chomedu, tous, en sortant du LEP, où l’on était déjà parqué comme le mauvais bétail, les autres dans les filières « générales » s’asseyaient pas avec nous dans le bus... En 1986, on a vu les gamins aller dans la rue pour demander du boulot, des études, du respect...Sincèrement, ca nous faisait plutôt marrer...Les flics, on les connaissait déjà bien, et inversement, la voltige, ils savaient la faire avec les camionnettes, quand ca leur prenait, les samedis soirs ou les jours de fêtes. La banlieue, elle existait déjà, la pauvreté aussi, le manque d’éducation idem. Le petit Malik méritait pas ca, mais 1986 ne commence rien, pas plus que 1968. Violences policières, repression, exclusion, ordre moral, tout ca dure, existe, nous étouffe depuis si longtemps...

  • « Trust, c’était plutôt pour les bourges... »

    Tu m’aurais dit ça à l’époque, ça se serait réglé à la chaîne de vélo :o)

  • Je vis au pays basque, à Bayonne, et des cas comme cela, sur les basques, à cette époque, il y en avait tous les soirs... quand la nuit était bien noire... oui, mais tout est resté sous silence, et accusant les basques de terroristes (tous !!!)..... il y a eu des morts sous le terrorisme de l’état.... Aujourd’hui, je suis très inquiète et notamment en Espagne (Bayonne est à la frontière) voici ce qui nous attend....

    http://pagedesuie.wordpress.com/2013/11/25/espagne-un-avant-gout-de-ce-qui-nous-attend/

    Paix en ton belle âme Malik, puisses ta deuxième vie te donner ce que tu mérites...

  • Salut et fraternité à tous, Ca m’arrive de temps à autre de chercher mon nom sur le net, pour voir si je trouve des choses sur décembre 1986. J’évite de le faire trop souvent quand même, c’est une maladie la mégalomanie... Trève de plaisanterie, je m’apelle François Rigal, j’enseigne l’Histoire aujourd’hui, depuis 20 ans, après y être entré en décembre 1986 aux côtés de Malik et à mon corps défendant, comme vous le savez si vous lisez cette page. Mes premiers souvenirs remontent à une dizaine de jours après mon admission à la Pitié Salpétrière. J’étais couché sur le coté droit avec des tuyaux partout et en me demandant ce qui avait bien pu se passer, comment et pourquoi j’étais là. Ensuite je me suis rendormi en me disant que de toute façon on s’occupait de moi et qu’on verrait bien plus tard. J’avais des calmants à tuer un cheval, faut dire... J’ai fini par émerger et par réaliser progressivement que j’avais perdu l’oeil gauche et l’odorat aussi. J’ai fini par sortir au bout de deux mois et puis la vie a repris parce qu’il faut bien. J’ai assez mal vécu les commémorations de 1986 en 2006 (on est pas toujours aussi blindé et solide qu’on croit l’être) et je n’ai donc pas donné signe de vie à l’époque. Je ne pense pas que qui que ce soit lise ce genre de commentaire maintenant mais peu importe. La première personne dont je me souvienne à l’hôpital (j’ai eu de méchants trous de mémoire du 4 au 15 décembre environ mais c’est pas plus mal en l’occurence) c’est ma mère. Je lui ai demandé si on avait gagné, ça a été ma première question sauf erreur de ma part. J’ai été très soulagé en apprenant que oui. Elle m’a dit qu’il y avait eu un mort aussi. Elle m’a dit deux ou trois autres choses aussi, ce que dit une mère à son fils dans ce genre de situation. Incidemment elle a appris mon « accident » par un jounaliste au téléphone le lendemain matin au moment de partir à son travail. C’est un sujet sur lequel j’aime autant ne pas faire de commentaire. Ma mère et moi on n’en parle jamais. Avec des potes des fois mais jamais à jeun ou rarement. Enfin bon je pourrais en parler des heures et en faire des volumes, ça n’apporterait pas forcément grand chose. Je me suis fait « tuer » (j’exagère à peine) pour m’être dressé contre une injustice, pour m’être battu pour la Justice et pour le Droit, avec des majuscules. Si c’était à refaire, je n’hésiterais pas une minute, je foncerais tête baissée. Rien à foutre. Je pense à la mort tout le temps et il y longtemps qu’elle ne m’impressionne plus. J’étais militant anarchiste en 1986, je le suis encore maintenant à 48 ans. Je ne lâche rien, jamais, et je ne lâcherais jamais rien quoi qu’il arrive. Vive l’anarchie.

    François

    • Bonjour François,

      Merci d’être passé par ici et merci pour votre témoignage. Sincèrement.

    • Merci à François, on savait pour Malik, et on s’en souvient très bien (hein Chirac ?) mais je crois qu’on a jamais dit qu’un type avait perdu un œil, ou alors on avait bêtement oublié. Respect les gars ! BigUp François !

  • Souvenirs ! Ce soir là nous étions tout un groupe, à l’intersection de la Rue Monsieur Le Prince et de la rue de Vaugirard. Une voiture brûlait. Énorme tension car on avait entendu dire que des voltigeurs étaient en position près du jardin du Luxembourg et qu’ils allaient chargé. C’est parti dans tous les sens. J’ai eu l’instinct avec quelques uns de fuir en direction de la Sorbonne. Nous avons eu juste le temps de nous y engouffrer avant que la porte de referme. Nous avons eu beaucoup de chance car si nous étions restés à l’extérieur, nous aurions passé un sale quart d’heure. Nous avons passé la nuit dans l’amphithéâtre Richelieu jusqu’à ce que nous soyons délogés sur ordre du recteur (me semble t-il) par les CRS au petit matin. Surréaliste, ces CRS dans l’amphi, assez menaçant. Puis nous avons appris la mort de Malik Oussekine. Une chape de plomb s’est abattue sur nous mais nous étions tellement en colère que nous décidâmes de nous rendre à Jussieu pour débattre de ce qu’il s’était passé. Si comme moi, vous étiez là ce soir là, n’hésitez pas à me contacter...

  • Souvenirs ! Ce soir là nous étions tout un groupe, à l’intersection de la Rue Monsieur Le Prince et de la rue de Vaugirard. Une voiture brûlait. Énorme tension car on avait entendu dire que des voltigeurs étaient en position près du jardin du Luxembourg et qu’ils allaient chargé. C’est parti dans tous les sens. J’ai eu l’instinct avec quelques uns de fuir en direction de la Sorbonne. Nous avons eu juste le temps de nous y engouffrer avant que la porte de referme. Nous avons eu beaucoup de chance car si nous étions restés à l’extérieur, nous aurions passé un sale quart d’heure. Nous avons passé la nuit dans l’amphithéâtre Richelieu jusqu’à ce que nous soyons délogés sur ordre du recteur (me semble t-il) par les CRS au petit matin. Surréaliste, ces CRS dans l’amphi, assez menaçant. Puis nous avons appris la mort de Malik Oussekine. Une chape de plomb s’est abattue sur nous mais nous étions tellement en colère que nous décidâmes de nous rendre à Jussieu pour débattre de ce qu’il s’était passé. Si comme moi, vous étiez là ce soir là, n’hésitez pas à me contacter...