Réponse à La Diagonale, collectif de « sarkozystes de gauche et progressistes »

Par David Dufresne, 9 mars 2007 | 203 Lectures

Ce matin, dans Libé, un collectif dit de « sarkozystes de gauche et progressistes », appelé La Diagonale1, livre un rebond. Ce rebond fait rebond à deux autres rebonds : celui du collectif Spartacus, de hauts fonctionnaires socialistes devenus Bayrouistes, et celui d’Hannibal, émanant de hauts fonctionnaires socialistes convertis au socialisme qui ne l’est pas/plus (le Ségolinisme).

Première chouette nouvelle : dans les hautes sphères, on s’amuse donc. Bien. Bravo.

Ecoutons donc ces gens qui ont pris la tangente, cette Diagonale du Fou. C’est instructif.

Après avoir dit tant de mal leurs anciens amis/collègues, ils se courbent devant leur Roi, leur nouveau Roi, le fatigué Nicolas Sarkozy (hier, surFrance 2, chez Arlette Chabot : ses traits étaient tirés comme une facture serrée d’un menuisier à Neuilly).

« Nous pensons qu’aujourd’hui, Nicolas Sarkozy est le seul homme à se positionner sur la rupture et à vouloir moderniser notre pays. Loin de l’idée de rejoindre l’UMP, nous nous déclarons ouverts à sa méthode qui s’illustre par sa grande capacité d’écoute, sa modernité et son volontarisme. »

Faux. Tous les candidats jouent sur la rupturette. Sans exception. La rupture, c’est le hochet du candidat 2007. Le mot qu’il secoue à tout bout de champ pour faire du bruit, et pour faire bien. Quand bien même la France a connu en deux ans trois ruptures majeures : le Non au Référendum, le Non au CPE, et les novembristes de banlieue 2005 ; et que bien peu de candidats semblent n’en avoir tiré ni synthèse ni idée ni projet ni sursaut ni compréhension ni enseignement ni leçon ni rien. Façades que tout cela.

« Nicolas Sarkozy ouvre de nouvelles pistes par-delà les clivages. Certains sont sensibles à sa capacité à maîtriser l’ordre public et à combattre la première des injustices sociales qu’est l’insécurité. »

Faut il vraiment répondre à cette contre-vérité ? L’insécurité a-t-elle vraiment baissé ? Mais surtout : l’ordre public n’est-il qu’affaire d’ordre policier ? Est-ce vraiment, ça, être « sarkozyste de gauche » ? Jouer sur tous les tableaux : la gauche pour bien faire ; la droite pour faire bien. C’est toujours le même malentendu avec les néo-conservateurs : cette façon qu’ils ont de s’aggriper à une jeunesse de « gauche » pour éviter de voir leurs rides droitiser leur visage.

D’ailleurs, Sarkozy lui même n’en rajoute pas sur cette question : il sait que son bilan n’est pas aussi bon qu’il le prétendait les années précédentes. La preuve : lui si virulent en 2002 fait tout pour que le débat porte sur d’autres choses. Façades encore que tout cela.

« D’autres apprécient son goût pour la méritocratie républicaine à travers la culture du travail et la relance de l’ascenseur social grâce à la discrimination positive. »

Ascenseur social. Méritocratie. Culture du travail. Relisez vous, mesdames et messieurs. Ascenseur social. Méritocratie. Culture du travail. Vous sentez ? Ascenseur social. Méritocratie. Culture du travail. Le vent ? Ascenseur social. Méritocratie. Culture du travail. Vos mots ? Ascenseur social. Méritocratie. Culture du travail. Vous sentez le vent de vos mots ? Ascenseur social. Méritocratie. Culture du travail. Dans quel monde vivez vous ? Ni liftier, ni rentier, voici ma devise. Merci de vous renouveller à l’avenir.

« D’autres, encore, ont apprécié la suppression de la double peine ou sa prise de position personnelle en faveur du droit de vote aux municipales des étrangers. »

Suppression de la double peine ? Certes mais pas si vite. De nombreuses associations de défense d’immigrés ont rappelé la légère supercherie du geste. Une suppression, d’ailleurs, que Nicolas Sarkozy, au lendemain des émeutes de banlieue en novembre 2005, voulait... supprimer (en expulsant les fauteurs de trouble d’origine étrangère). Quant au droit de vote aux municipales des étrangers, c’est pour quand les amis ? Et la loi S.R.U., on en fait quoi ? On la supprime aussi, comme à Neuilly ? Voyons, voyons, votre diagonale vous égare. Façades, façades.

« Tandis que certains sont attentifs à la place nouvelle que Nicolas Sarkozy reconnaît aux femmes, d’autres retiennent ses idées neuves sur divers thèmes de société, qu’il s’agisse des prisons, des homosexuels ou de ses prises de position ouvertes sur des rave parties contre lesquelles un ministre de l’Intérieur socialiste préférait envoyer les CRS... »

On rêve. Ce n’est plus une Diagonale, c’est une ligne très doite vers l’infini. Idées neuves ? Mais lesquelles ? Prisons : Monsieur Sarkozy en veut plus. Homos : pas de mariage selon lui. Rave Parties ? Faites donc un détour par Rennes, à l’époque de la préfète, Bernadette Malgorn. En 2005, elle a tenu bon pour empêcher la rave en marge des Transmusicales, avec moultes bastons en centre-ville. Un an plus tard, elle fut promue auprès de votre nouvel ami, au sein du Ministère. Façades, bis repetitae.

« Préférant le pragmatisme à l’idéologie, la modernité à la fatalité et l’initiative à l’immobilisme, nous sommes persuadés que Nicolas Sarkozy est, aujourd’hui, le seul responsable politique capable de proposer, à travers un projet plus qu’un programme, une France différente, une France... qui change la vie de ses compatriotes, retrouve une place de choix sur l’échiquier mondial... et fasse quand même un peu rêver, comme ce fut le cas sous de Gaulle et Mitterrand ».

Pragmatisme. Echiquier mondial. Modernité. De Gaulle. Mitterrand. Relisez vous, mesdames et messieurs. Pragmatisme. Echiquier mondial. Modernité. De Gaulle. Mitterrand. Rupures ? Pragmatisme. Echiquier mondial. Modernité. De Gaulle. Mitterrand. Rêves ? Pragmatisme. Echiquier mondial. Modernité. De Gaulle. Mitterrand. Façades terminales, mots creux absolus.

Soudain, un doute. Et si cette Diagonale était une blague, un canular à la Gérard Dahan, avec Libé dans le rôle de Ségolène Royal ? S’il s’agissait d’une douce provocation pour voir jusqu’où, dans le bordel ambiant, on pourrait dire n’importe quoi, avancer n’importe quel argument, parce que le débat en est là ? Ou alors, non. Si cette Diagonale était vraiment sérieuse, vaguement réfléchie, totalement sincère ? Ce serait encore plus marrant, au fond. Et désespérant.

1Ils précisent : « Réunis au sein de la Diagonale, nous avons longtemps voté et parfois même travaillé pour des gouvernements ou élus socialistes »

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