Les couloirs de la DGSI se sont vidés ; les disques durs ont disparu ; la salle de gym est fermée. Même les plantons se sont fait la maille et il a fallu, sacrilège, louer les services d’une boîte privée pour assurer notre sécurité. Depuis une semaine, il n’y a plus de chefs, plus de consignes, plus d’ordres ; ou plutôt il y en a trop. Contradictoires.
C’est comme ça que le colis est arrivé jusqu’à mon bureau, sans être inspecté. Dedans, une boite pour chat, vide, du « Whiskas Suprême Chicken ».
En quelques jours, Anarchy a viré Anony, comme le faisait remarquer, avec raison, un libertaire en colère sur Twitter (donc, repéré illico). Disons qu’avec Anarchy, les joueurs ont décidé que Paris n’était plus Paris. Le pouvoir central est désintégré. La mort accidentelle de Sarkozy et d’Hollande (cf. épisode 4) a finalement été absorbée, comme tout l’est désormais, vitesse grand V. La vacance du pouvoir n’agite désormais que quelques pauvres journalistes, toujours en retard d’une guerre, avec quatre vieilles têtes d’affiche (Le Pen, Mélenchon, Larcher, Debré), qui se croient encore sous la Ve République, et qui ne « représentent qu’elles-mêmes », pour reprendre le bon mot d’un paysan bien connu de nos services (cf. épisode 3) — comme si ministres et leaders politiques avaient fait autre chose, disons, depuis 1981. Et puis, il y a les indépendances régionales qui pleuvent de tout le pays, telles des frondes qui pourraient enfin vomir deux cent cinquante années de Jacobinisme. Le jeu lui-même connait ses détournements : pour contourner certaines règles, des personnages communiquent hors de la plateforme. Ça apprendra France Télévision à jouer avec le feu. Au point où on en est…
Quand le Colonel Atlas, de retour de Syrie, m’a contacté, je n’y ai pas cru. Comment un agent de la DGSE peut-il faire appel à un frère ennemi comme moi, de la DGSI ? Ses missives sont claires ; et ses motivations, sans doute sincères. C’est justement ce qui m’inquiète. Ulcéré par le désordre dans la Capitale, le militaire me dit agir par « sens du devoir ». Il voudrait « sécuriser Paris pour permettre aux mouvements politiques de se mettre d’accord sur une transition jusqu’à l’élection du prochain chef d’État. » Au téléphone, l’officier m’a détaillé son plan. Il est simple : bloquer les flux de fauteurs de troubles — un truc qu’il a appris des terroristes. « Installons des postes de contrôle aux portes de Paris. En communiquant bien sur nos intentions aux citoyens, nous aurons le soutien du peuple. » Je me suis alors mis à bailler, et mes yeux à chercher ailleurs. Au dos de la boite « Whiskas Suprême Chicken », soudain, j’ai découvert un petit mot manuscrit : « Sacrifice de poulet, ton jour ». Signé : les hackers en colère. Je savais quoi faire.
La suite sur le site d’Anarchy ou sur Le Monde