Je ne me souviens pas de la date, pas même de l’année, comme si ma mémoire avait évacué le souvenir. Il aurait pu mourir vingt fois, un vrai multi-carte de la mort possible, il était : OD, CC (crise cardiaque), CG (cancer généralisé), BSS (blessure sur scène), GFN (grosse fatigue nerveuse), il présentait le choix. C’est une bagnole qui l’a renversé, lui qui conduisait si mal. « I wanna be a dead boy », qu’il chantait. C’était fait. Ou le Grand Saut du Punk. « I wanna be a dead boy/Je traverse la rue/Dead, dead, dead, I wanna be/Ouch, me v’là allongé sur la chaussée/I’ll die tonight ». Quelqu’un l’a ramené chez lui. Refus de se faire examiner : mal de tête, aspirine, paralysie du cerveau. Dead, le Stiv Bator. Mort, l’ami.
Venus expréssement à Paris de leur Ohio natal, ses parents tenaient à l’office religieux. Le prêtre : « Toi, Stiv, qui a apporté tant de bonheur à ceux qui t’écoutaient chanter, toi qui réchauffa tant de coeurs ». Que quelqu’un prévienne Saint-Pierre, un punk déboule au Paradis. Sid Vicious serait-il dans les parages ?
Dans l’église, j’étreignais très fort la compagne de Stiv. Nos pleurs se mélaient à des rires nerveux - « Toi qui fut si bon, Stiv » et voilà comment l’Eglise canonisait un foutu punk de la première heure. Levez-vous, dites amen, vous pouvez vous rasseoir, précisait le prêtre aux blousons de cuir, ignorants du rituel. Le bide, comme Stiv n’en avait jamais connu. Pas un rappel, juste l’envie de chialer et de vomir. Mon premier enterrement. Ce jour-là, ma jeunesse m’a lâché.
« Vous vous promenez ? » me demande mielleusement un type qui me file le train depuis dix bonnes minutes. Je lui réponds par un hochement de tête, sans le regarder. Au loin, le colombarium, magnifique de silence. « Ça vous dirait qu’on discute un peu ? » poursuit l’effiminé. Et moi qui tue le temps parmi les morts, voilà qu’un dragueur me prend pour cible. Il insiste. Escalade : « Si ! Vous me dérangez. Je viens voir la tombe de ma mère. » Il s’excuse. J’avance vers le colombarium en me promettant de téléphoner à ma mère prochainement, histoire de vérifier qu’elle est toujours vivante. Les plaques funéraires défilent. « Monsieur Bresson - 1902/1961 », « Madame Yvette, épouse Bresson - 1905/1981 », « Monsieur Turine, mort pour la France - 1922/1973 », « Madame Casoni - 1921/1994 », etc. Je cherche vaguement l’urne de Stiv Bator. Et je me souviens du jour de son incinération, des Doors hurlant dans les enceintes de la chapelle. Et des deux petites boîtes pleines de cendres. L’une pour sa femme ; l’autre pour ses pieux parents, si dignes dans leur malheur, chics comme peuvent l’être des gens modestes de l’Ohio. Je me souviens de son père me serrant la main, de sa mère me remerciant de ma présence, et je me souviens de moi, couillon et pétrifié de froid, qui restait bouche-bée - et pas seulement à cause de la barrière de la langue. Ce jour-là, nous étions une cinquantaine, des quidams, des amis, des rock-critics qui n’en étaient pas à leur premier enterrement, des groupies pas de toute fraîcheur.
Et lui, là, qu’est-ce qu’il veut, à me proposer de discuter ? Plus jamais je n’irai au Père-Lachaise.
François Nemeta, Boulevard des hits (2008) avec François NGuyen et Benjamin Peurey
Messages
24 avril 2006, 16:48, par Avalyn
Salut Je viens de lire votre texte sur la mort de Stiv Bators ainsi que son inhumation. Je cherche désespèremment à trouver sa plaque au colombarium du Père Lachaise mais sans résultat. Connaissez vous précisément son emplacement ? Je vous remercie par avance pour votre aide. Audrey
24 avril 2006, 20:49, par davduf
Hé bien... sauf erreur de ma aprt... Il n’y a pas de plaque au Père Lachaise.
Si me ssouvenirs sont bons, certains dans l’assistance avaaient souhaité disperser quelques cendres de Stiv sur la tombe de Jim Morisson. Une urne est, je crois, restée en France ; une autre est repartie dans son Midwest natal.
Voila...
22 novembre 2006, 01:30, par muss
Bonjour, au hasard de mes pélégrinations je suis à la rechreche de la tombe de SID ? Thnks for help and hope to see u the ’bad’ date
21 octobre 2007, 16:26
Bonjour, je suis en ce moment en train de lire un livre de patrick eudeline, « goth : le romantisme noir de beaudelaire à marilyn manson ». Il ya une partie sur les années batcave où figure une photo de Stiv Bator, la légende indique « [...] Ses amis ont sniffé ses cendres. » Ayant lu votre récit je me demandai si cela étais vrai ou s’il s’agissait d’une banal rumeur 0_o voilà, merci ^^
21 octobre 2007, 17:23, par davduf
pure spéculation ! pure rumeur ! pure légende !
16 février 2008, 11:17, par DORIAN DESEISSENTES
Merci sur votre article sur Stiv Bators on a dit tellement de choses après ses obsèques et j’ai moi même chercher la plaque soit disant mise près de la tome de JIM MORISSON au Père Lachaise et bien maintenant je sais qu’il n’y a rien hormis le souvenir. Je regrette Stiv, je le revoie toujours sur sa moto dans Paris, ou dans les concerts. J’aimerais savoir où il habitait dans Paris et qu’est devenue sa compagne de l’époque je crois Caroll Ayach. Merci pour une nostalgique de ce Paris. DORIAN DESEISSENTES
Voir en ligne : STIV BARTOR, WANNA BE A DEAD BOY
5 février 2015, 00:11, par Zan
Cette légende est exacte, pourtant.
21 février 2008, 12:12, par DORIAN DESEISSENTES
SUITE A L’ARTICLE DE DAVDUF SUR STIV BATOR J’AIMERAIS TROUVER UNE BIO OU UN LIVRE AVEC DE BONS PASSAGES SUR LUI.
MERCI DORIAN DESEISSENTES
28 février 2008, 16:41, par davduf
Bonjour,
Je n’en connais pas, ce qui ne veut pas dire qu’il n’en existe pas...
Cependant un blog vient de lui consacrer un article. Voyez peut etre avec eux ,-)
6 juin 2009, 16:47, par Cesi
where can I find the stiv bators’ gravestone in pere lachaise ?
7 juin 2009, 11:17, par davduf
You don’t, there’s no gravestone. Only ashes.
9 juillet 2009, 16:57, par Cesi
ANd the plaque ? No plaque ? No gravestone ?
20 juin 2009, 14:25, par julien thiollay
Sympa l’article et triste souvenir.. Rock In Peace Mr Bator !