LES AVENTURES FICTIVES DE MAURICE UPIAN, LIEUTENANT À LA DCRI

« Tout ça échappe à l’Etat »

FEUILLETON

Par David Dufresne, 15 novembre 2014 | 1632 Lectures

Mais la bonne vieille règle de la Maison s’est confirmée : nos « blancs », personne ne les lit ; et quand on n’en produit pas, ça hurle aux loups. J’aimais pourtant le titre de mon dernier rapport, « Des sans-culottes aux sans-dents, la France au bord de l’implosion ». En pure perte.

Et voilà que devant la paysannerie qui la rejoue 1789, Calvar, le grand patron, a décidé de nous expédier au vert et que je me suis retrouvé à tenter d’expliquer la gravité de la situation aux gars incrédules, et largués, comme toujours, de la DZ, pour Direction Zonale du Renseignement Intérieur — chez nous, on dit « pas de zèle à la DZ », vu tous les coups qu’ils ont foiré, de Merah aux djihadistes.

Avant de partir filocher Perjols, j’avais griffonné des extraits de son discours guerrier, comme : « les bobos parisiens ont faim, paraît-il, cela leur fera du bien : nous ne verserons pas une larme pour ces gens qui chérissent les causes dont ils déplorent les effets ». Mais ce qui m’alertait allait au-delà des habituelles jacqueries, avec lesquelles la République a finalement appris à composer. Ce que le chouan annonce est un danger bien plus préoccupant pour la nation : s’affranchir des échanges monétaires, en privilégiant les échanges de gré à gré. Même l’incendie du Parlement de Bretagne à Rennes, en 1994, n’était pas grand chose en comparaison.

La DZ n’avait évidemment rien de solide sur l’individu. A 48 ans, Perjols s’est toujours tenu loin des organisations syndicales bien connues de nos services. C’est un sans-fiche, un intello bon teint, dans la permaculture, qui a longtemps rêvé tout haut et tout seul, au dernier rang des comices agricoles. Ses rêves d’hier, qu’il recycle dans « Anarchy » — « Il ne s’agit pas d’écologie politique, il s’agit d’humanité durable : notre monde paysan est en train de disparaitre devant l’agriculture industrielle ; bientôt celle-ci sera emportée par ses coûts et son mode de fonctionnement ! » — sont en passe de devenir réalité. La grande distribution est à terre ; les supermarchés déserts ; et l’influence de Perjols gagne dorénavant le pays. Jour après jour, l’homme grimpe dans le classement d’« Anarchy », récoltant des points en Vendée, parmi ses émules qui ont mis en place un service d’échange portuaire par voiliers interposés ; ceux qui ont voté l’extension de la période de la chasse (« toute prise revient au chasseur qui pourra juge bon de la troquer ou d’en faire don à la commune ») ; ceux qui développent un carburant à base d’algues vertes ; ou encore chez les collecteurs du biogaz dans les fermes.

Tout ça échappe à l’État et tout ce qui échappe à l’État, c’est pour nous. D’où ma décision de mettre Perjols sur écoutes. Et j’ai moi-même planqué une caméra-bouton dans le creux d’une souche sur la route qui mène à sa ferme. La DZ ira relever les images, et les plaques minéralogiques qui y figurent.

La suite sur le site d’Anarchy ou sur Le Monde

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