L’histoire. Les groupes. Le mouvement.

yo ! révolution rap

Un (vieux) livre sur le Hip Hop.

Par David Dufresne, 16 mars 2003 | 169155 Lectures

DEF JAM

  • La rencontre de deux étudiants

Le nom magique. La success-story la plus folle du Rap. Le label qui va tout bouleverser dans le Hip Hop. Rick Rubin (Juif élevé à Long Beach, ville balnéaire de Long Island) est initié très vite au Rap par ses potes noirs de lycée (établissement qui connaît d’ailleurs quelques émeutes raciales) tout en adulant X, Black Flag ou des groupes de Hard Rock. A 20 ans, sans expérience (faut bien se lancer...), il produit le 45t It’s Yours (1982) de T-La Rock & Jazzy Jay tout en animant en tant que DJ des fêtes universitaires et réussissant ses études de philosophie puis de technique de cinéma et de télévision.
Au printemps 84, il fait la connaissance de Russell Simmons au club new-yorkais La Danceteria. Les deux se respectent par disque interposé. Simmons adore It’s Yours et Rubin aime Run DMC et Whodini que produit le premier.
Russell Simmons, né à Hollis (Queens), frère aîné de Joseph (le Run de Run DMC) et diplômé d’études de sociologie, n’est pas nouveau dans le Mouvement. Il organise des concerts depuis 1977 et se retrouve à l’âge de 27 ans l’un des managers les plus en pointe du moment : figurent sur sa carte de visite Whodini, Run DMC, Kurtis Blow, Dr Jeckyll & Mister Hyde, Jimmy Spicer, Spyder D & Sparky D ! Rick se souvient : « nous sommes devenus amis. Peu après, j’ai signé LL Cool J. J’étais décidé à entreprendre Def Jam tout seul : j’ai enregistré le premier 45t de LL Cool J, intitulé I Need A Beat. Je l’ai apporté à Russell, qui me dit : »c’est un tube« . Malgré ça, il ne voulait pas se lancer dans l’aventure d’un label. Il était manager et ça lui convenait très bien » (38). Finalement, Russell, fatigué de ne pas être payé pour certains de ses travaux antérieurs, investira $2000 - tout comme Rubin - et le capital de Def Jam sera constitué. Simmons déclare dans le Billboard (influent magazine américain destiné aux professionnels de la musique) : « l’objet de cette compagnie est de montrer aux gens la vraie valeur de la musique de la rue que personne dans le business n’ose distribuer ». Pourtant, Bill Stephney (vice-président du label), admettra plus tard qu’ils n’ont « jamais pensé en terme de musique populaire. Quand on parle de Blues, ce sont des gens qui sortaient du ghetto ou du Delta du Mississipi, qui ont eu la vie rude et qui se sont faits eux-mêmes pour arriver au sommet. Russell et moi sommes issus de la classe moyenne de banlieue. Mais en même temps, il y a une différence en Amérique entre les banlieues noires et les banlieues blanches. Dans les noires, on se serre les coudes. Tout le monde vit dans un communauté et s’entraide... Nous sommes donc ouverts à beaucoup d’influences différentes. Et pour nous, bien que la musique noire soit née du South Bronx à Manhattan et aussi à Brooklyn - ce qui est moins reconnu -, elle est arrivée à Long Island ». (165).

Quand on demande à Bill Stephney si Def Jam prend comme modèle des labels du passé, voici ce qu’il rétorque : « je ne pense pas qu’on puisse faire de comparaisons avec Stax, Motown, Atlantic, Verve ou Stiff. Je ne crois pas que Rick et Russell aient formé le label dans cet esprit. Bien sûr, tu peux faire ton truc et dire : »Bon, je veux diriger mon label ainsi, je veux être comme Phil Chess, comme Phil Spector, etc« . Mais ensuite, tu arrives à un stade où tu ne penses plus à obtenir consciemment tel résultat. Cela se passe selon la situation à laquelle tu es confronté » (165).

  • Fonctionnement

Parallèlement à la création de Def Jam, Rick Rubin rencontre les Beastie Boys qui lui demandent d’être leur DJ. Il accepte et atterrit bientôt avec eux en studio. En novembre 84, le Def Jam 001 (le premier single de LL Cool J qui n’a coûté que $700) s’écoule rapidement à 100 000 copies, avec une distribution assurée par plusieurs boîtes indépendantes. Un mois après, le maxi Rock Hard des Beastie Boys connaît un succès similaire. Mais les compères Rubin/Simmons comprennent rapidement qu’il leur faut trouver un seul et unique distributeur à l’échelle nationale. C’est CBS qui emporte le morceau : « je me suis quand même assez vite retrouvé le seul businessman du lot. Russell manageait les groupes (Rush Management). Et moi je faisais tourner Def Jam. Si j’avais étudié le droit au lieu de la vidéo, sans doute les choses auraient-elles été différentes. Nous avons signé notre contrat avec CBS sans le lire. Moyennant quoi, même dans ces conditions, Def Jam a montré qu’on nous ment : on peut fonder un label avec trois fois rien » (38). Le fonder, d’accord, mais tenir le haut du pavé, c’est une autre paire de manche : « quand tu es une grande corporation comme le sont les majors, précise Bill Stephney, tu n’es plus dans le vif du sujet. Tu es trop énorme pour pouvoir marcher dans la rue, être dans la rue, pour t’habiller comme nous nous habillons et pour écouter cette musique. Si tu travailles dans le centre de Manhattan, de 9h à 17h et que tu as 40 ans, avec les contraintes inhérentes aux grosses sociétés, c’est difficile de te sentir proche de ce qui bouge. Les Beastie Boys avaient cette attitude que la plupart des grosses boîtes ne comprennent pas. Parce qu’elles n’en ont rien à foutre des jeunes. Pour elles, les jeunes, ce sont des gens de 35 ans environ et non pas les 15-25 ans (...) Les labels indépendants, ceux qui essaient de se frayer un chemin, peuvent aller là où ça bouge. Parce qu’ils sont affamés (...) Remarque, à grandir tout le temps comme ça, on n’aura bientôt plus faim ! » (165).

Rick Rubin incarne le « rêve américain », auquel il croit dur comme fer. Il minimisera d’ailleurs à plusieurs reprises l’aspect politique et social du Rap, préférant mettre en avant son rôle de divertissement et, éventuellement, de caisse enregistreuse. Le fonctionnement de Def Jam est simple : celui qui signe un groupe s’en charge de A à Z. Et cette séparation des tâches va s’avérer rudement fructueuse : Public Enemy (P.E), Beastie Boys, LL Cool J, Original Concept, 3rd Bass, Davy-D, Jazzy Jay, Black Flames, Poppa Ron Love, Slick Rick, et bien d’autres. Rien n’est laissé au hasard comme le confirme Bill Stephney à propos de P.E :« nous travaillons beaucoup sur leur apparence du groupe, sur ce qu’ils disent, sur leur logo... Tout est cohérent dans une perspective politique (...) c’est ce qui a fait le succès de Def Jam et de Rush Management, chaque artiste a un concept particulier. LL Cool J, c’est l’homme de la rue pour tous les jeunes Noirs. Run DMC sont les rappers Hard Rock & Roll, Whodini sont des sortes de sex-symbols bourgeois dans le Rap. Public Enemy, des rappers politiques. Oran Juice Jones sont des gangsters sur une vieille musique R&B. Et puis les Beastie Boys : le bon vieux Rock & Roll pour faire la fête. Ce genre d’image est nécessaire et il faut l’entretenir parce que c’est ce qui parle directement aux kids. Si vous êtes un groupe qui a simplement un tube, les kids achèteront le tube, mais n’achèteront pas l’album » (165).

Dès 85 Def Jam se diversifie avec la production de soundtracks (Krush Groove que Russell Simmons reniera plus tard, puis Less Than Zero) ou même carrément la coproduction de film : Tougher Than Leather. Mais, on l’a vu, en dehors du rap, Rubin a un penchant prononcé pour le Rock blanc et ne va pas tarder à produire des groupes de Hard Rock ou mettre du Hard dans ses productions Rap, tandis que Simmons affectionne la Soul version 80’s (Tashan, Oran Juice Jones, Chuck Stanley). Des divergences musicales, ajoutées à des stratégies commerciales contradictoires et à une certaine lassitude peut-être, vont aboutir à une séparation à l’amiable entre les deux hommes (d’affaires) : « je continuerai vraisemblablement à produire des groupes Def Jam. Pour tout dire, Russel et moi n’avons même pas pris la peine de »divorcer« officiellement » (38).

  • Def American & Rush Management

Aujourd’hui, Rick Rubin est installé à Los Angeles et s’occupe de The Cult et de Def American (label tendance Heavy avec Wolfsbane, Slayer, Masters Of Reality mais aussi Rap avec les violentissimes Geto Boys).
Russell Simmons continue à Greenwich Village à tenir Def Jam (bien que le logo se fasse de plus en plus petit sur les pochettes) avec Public Enemy, 3rd Bass, LL Cool J, E.P.M.D., Slick Rick, Nikki D, Downtown Science, Desaz Tempo, mais aussi Rush management (60% de la crème new-yorkaise est sous contrat Rush) et Rush Associated Labels : maisons de disques rattachées à Rush comme No Face Rds (avec No Face, Bitches With Problems), JMJ Rds (Jam Master Jay Rds avec Famice et les Afros), Fever Rds (spécialiste du N.Y Latin Hip Hop avec Lisette Melendez), RAL Rds (avec Nice & Smooth, Sid & B-Tonn, The Don), Pro Division Rds (tenu par Chuck-D lui même avec Terminator X & The Valley Of The Jeep Beets, Sister Souljah), OBR Rds (Newkirk, Tashan, Black Flames, Alyson Williams, Big Mack) et True Blue Rds (sans artistes pour l’instant...). « J’essaie de déléguer pas mal, commente Russell. Personnellement, je n’aurais pas acheté le disque de Terminator X ou ceux de Fever Rds, mais ces labels, eux, y croient, alors ça va... » (117). Dernièrement, il a mis en place MuTel, un service téléphonique qui met en rapport les artistes avec les gens qui appellent - c’est le principe du « lien direct de l’artiste au consommateur » cher à Russell Simmons : « c’est rentable. Il y a des milliers et des milliers de kids qui veulent leur parler » (39) - et a annoncé enfin pour début 91 un show télé hebdomadaire financé par ses soins : le New Music Report.

  • LL COOL J
  • Déjà tout petit

LL Cool J a donc l’insigne honneur d’avoir été le premier artiste Def Jam. James T. Smith (LL Cool J signifie Ladies Love Cool James !) est né en 68 dans le Queens où il commence à chanter à l’âge de 9 ans. A 12, il enregistre sa première démo Rap dans la maison de son grand-père. Quatre ans plus tard, Cool J devient « le Prince du Rap » avec I Need A Beat : toutes les pistes sont au même niveau, ce qui crée une dissonance incroyable. Le disque a quelque chose de résolument nouveau. Une sorte de Hardcore Hip Hop qui s’affiche, se montre et explose. Le succès est tel qu’il s’enferme une seconde fois en studio. Il va aligner les tubes : l’époustouflant hymne I Can’t Live Without My Radio (« Je ne peux pas vivre sans ma radio »). Le son est cru : riffs de guitare toutes les quinze secondes et des scratches renforcent la violence de la voix du jeune LL Cool J. Un grand producteur - Rick Rubin - et un grand rapper - LL Cool J - émergent. Puis Rock The Bells (clochettes et férocité), You’ll Rock (trois styles en un : Hip Hop, Rock et Go-Go Music). L’album Radio (1985) englobe tout cela (I Need The Beat est cependant remixé par Jazzy Jay) plus I Want You (« Je Te Veux » parle d’une « femme qui était ma baby-sitter » : touchant, non ?) et I Can Give You More que l’on peut presque considérer, comparés aux autres titres de l’album, comme ses premières Rap-ballads : style qui le rendra mondialement célèbre deux ans plus tard.

  • Bigger And Deffer

Avant que cet album ne sorte, LL Cool J est déjà une star incontestée du Rap. Son look (Kangol, chaînes, bagues en or) est connu de tous. Ses tournées se succèdent, avec à chaque fois plus de monde et plus de dollars à la clé. Mais c’est avec Bigger And Deffer (B.A.D) qu’il atteint la cime de sa popularité. Au dos de la pochette : il est torse nu et frappe un punching-ball, les muscles sont saillants, la grimace du plus bel effet. Difficile d’être plus « viril ». Y a-t-il un second degré ? J’aime à le croire mais, franchement, le doute subsiste.
C’est fou d’ailleurs ce que le Rap aime faire référence à la boxe et à ses stars (Mike Tyson et LL ont d’ailleurs accepté une entrevue début 91) : percutantes, virevoltantes, vives, dangereuses, les deux pratiques nécessitent les mêmes qualités. « La chose que les rappers et les boxeurs ont en commun n’est pas leur couleur de peau ou quoi que ce soit. C’est la pauvreté », remarque Tyson (215).
A l’instar de Run DMC et de leur Raisin’ Hell, LL Cool J grossit et affine le son. Ça laisse penser que la technologie ou la maîtrise de celle-ci a particulièrement évolué dans les années 86/87. Question de moyens aussi sans doute. Ou d’expérience.
B.A.D donc. LL Cool J est un mauvais, un méchant, et le clame haut et fort dans I’m Bad, réponse du tac au tac au Who’s Bad du pauvre Michael Jackson. Le « call all cars » via le micro d’un policier - en intro - puis les sirènes sont d’un tel réalisme qu’on en est saisi. Et qu’on en oublie qu’il s’agit d’un disque. La voix est mieux posée, la basse prédominante, les scratches de Bobby « Bobcat » Erving (ex-délinquant, autre pionnier, un single et un Lp à son actif) des plus efficaces. I’m Bad a tout du tube.
Plus violents sont Get Down, The Breakthrought et Go Cut Creator Go (double hommage : envers Chuck Berry et le cutting). The Do Wop fait merveilleusement se rencontrer le Rap et les 50’s. Là et ailleurs, Cool J parle de lui, de lui et encore de lui. Toujours. Et soudain, ce type de 19 ans qui se flatte d’avoir toutes les filles du monde qu’il souhaite, d’être le plus ceci, le plus cela, soudain donc, nous avoue qu’il a besoin d’amour : I Need Love. Fini le côté macho, voici le romantisme version LL Cool J. Je parie que certains d’entre vous ont découvert le Rap avec ça. C’est à dire avec le premier slow-rap RÉUSSI. C’est devenu un genre à part entière mais personne n’est parvenu à une telle perfection. 5’22« de solitude, de true love, de voix douce. C’est le second hit de l’album. Mais ses fans les plus durs ne s’y retrouvent pas. Et certains rappers vont se moquer de lui. Joël Charpin, du magazine Backstage, racontait avoir vu Ice-T demander sur scène :  »Y a-t-il un frère dans la salle qui a besoin d’amour ? Laissez tomber cette merde, on veut de la chatte !".
Kool Moe Dee, qui reproche à LL Cool J de le plagier, va le provoquer dans un de ses clips : une Jeep écrase un Kangol (symbole suprême du Prince Of Rap). Un différend qui persiste encore aujourd’hui : KRS One racontait que LL Cool J a refusé de participer au maxi Self-Destruction du Stop The Violence Movement parce que Kool Moe Dee y rappait. Cool J se rattrapera en plaçant le logo du STVM sur son album suivant !
De toute façon, selon LL, l’individu prime sur la communauté, ce qui n’est pas du goût de tout le monde. Aussi, en 89, a-t-il déclaré : « bien sûr que j’ai une conscience. [Les problèmes], je les vois tous les jours aux informations, je marche à côté tous les jours. Je voulais divertir les gens et les éloigner de ça. Malheureusement, quand la majorité des rappers est sérieuse, la minorité qui ne l’est pas a l’air imbécile plutôt que légère » (40). Obligé de se justifier lors de toutes ses interviews, il ajoute : « Personnellement, je préfère des disques comme Me So Horny de 2 Live Crew. Ils ne rappent pas sur le fait qu’ils sont noirs, ils rappent sur le fait qu’ils bandent. A toujours travailler, les gosses s’abrutissent (...) Je suis fier d’être noir et je le ferai savoir à tout le monde, exactement comme Stallone dirait qu’il est fier d’être italien. En même temps, la musique est universelle, comme l’amour et le rire. Je touche à l’universel, la totalité » (41).

  • Jack L’Eventreur & La Panthère

En attendant l’album suivant, Def Jam décide de sortir le maxi Jack The Ripper/Goin’ Back To Cali afin de contrer l’image sentimentale façonnée par I Need Love. Jack L’Eventreur rappelant la période Radio sera malheureusement un désastre commercial comparé aux scores précédents, bien que Goin’ Back To Cali (produit par Rick Rubin qui n’avait pas travaillé avec LL Cool J depuis 1985) soit au Rap ce que la mayonnaise est aux frites : le complément indispensable. Des cuivres comme seuls Stax ou Motown (qui, cela dit en passant, se lance dans le Rap avec MC Trouble, Rich Nice et quelques autres) savaient les faire sonner vingt-cinq ans auparavant. Des arrangements fantastiques, un phrasé exemplaire.
Qu’importe Walkin’ With A Panther, le troisième Lp de LL Cool J, est commercialisé en 1989. Au recto de la pochette, LL est assis sur un attaché-case avec, à ses côtés, le félin. Au verso, les mêmes, plus trois « vraies » panthères : des jeunes filles, mini-jupe et coupe de champagne à la main. « J’ai appelé cet album Marcher avec une panthère : je suis jeune, noir et légal. Je veux prendre part à la destruction des stéréotypes du Jeune Noir en Amérique » (42). Une panthère noire en Anglais se dit Black Panther...
Jusqu’ici, les disques de LL Cool J étaient produits par ses soins avec l’aide de producteurs extérieurs (Rick Rubin, le L.A Posse). Ici il tente l’aventure seul ; exception faite de Nitro et de It Gets No Rougher, et qui sont - comme par hasard - parmi les meilleurs titres du Lp : produits et écrits par Hank & Keith Shocklee et Eric Sadler. It Gets No Rougher commence par l’énumération de l’alphabet. Arrivé à « Z », Cool J avoue : « tout ça, c’est de la merde pour moi ». Oups ! Nitro sample Knee Deep de Parliament. Jingling Baby est très étonnant par sa voix, Dropping ’Em (guitares 60’santes). Smokin’, Dopin’, Your My Heart, One Shot At Love, Two Different Worlds (avec la voix de Cydne Monet) sont dans la lignée soft de I Need Love. Mais LE titre est sans doute I’m That Type Of Guy avec un énorme travail au son et surtout cette voix suave, narquoise, qui avertit : « T’es le genre de mec à pas savoir contrôler sa copine/Je suis le genre à faire toutes les filles miennes ».

  • Maman a dit...

Mama Said Knock You Out est le titre du quatrième 30 centimètres de LL Cool J qui voit LE Choc, LE Tête-à-tête, LA Rencontre du Prince du Rap et du premier grand producteur de Hip Hop : Marley Marl. La pochette est dans la lignée des précédentes : tout muscle dehors, torse bombé et mouillé, bagues, chaînes et le toutime. Sauf qu’elle est en noir et blanc. Superbe. Quant à la musique, elle est de moins en moins « évidente » (Boomin’ System, préalablement sorti en trois versions maxi, n’a pas la force commerciale de certaines vieilles chansons de LL Cool J) mais elle gagne en « constance ». L’album dans son entier est bon, fignolé, pensé, jubilatoire. La violence du rapping de Mama Said Knock You Out, le remix de Jingling Baby (remixé, oui, mais toujours tintant comme l’affirme la pochette), les 6 Minutes Of Pleasure et The Power Of God où LL croone comme jamais, les torturés Eat ’Em Up L Chill et Mr Good Bar, le live Murdergram, tout cela forme un disque qui ne craint absolument pas la concurrence (« le meilleur depuis ses débuts » selon la revue Spin). Comme quoi, si le Rap évolue toutes les dix secondes, certains (Run DMC, LL Cool J, etc.) tiennent la rampe. Avec une facilité déconcertante. LL fut, est, et restera un des géants du Hip Hop. LE colosse pour certains.

  • BEASTIE BOYS (Beasties pour les intimes)
  • Mise au point

Les fils-à-papa, les sales morveux, les imbéciles, les voleurs, les blancs-becs du Rap. Les Beastie Boys en ont entendu des vertes et des pas mûres (à propos du « crétinisme » des Beasties, j’aimerais savoir depuis quand la qualité d’un musicien se juge par l’évaluation de son Q.I ?). Evidemment, si KRS One ou Chuck D sont fascinants, c’est aussi (avant tout ?) parce qu’ils ont des choses à dire. Mais cela n’enlève rien à LL Cool J, Niggers With Attitude ou aux Beastie Boys. Leur propos est ailleurs. Chacun est libre de l’apprécier ou pas, mais le démonter sous prétexte que c’est« stupide » n’a franchement pas de sens....
Et toutes ces critiques sont dures car si les Beastie Boys n’avaient pas été là pour ouvrir des brèches, tout comme Run DMC (les seuls remerciés sur la pochette du premier Lp des Beasties) au même moment (en 86), le Rap serait certainement resté un truc totalement underground. Ce qui en soi n’est pas pour me déplaire. Mais admettons que, si tel était le cas, jamais nous n’aurions pu découvrir ces groupes en Europe, jamais les labels indépendants U.S. ou anglais ne pourraient survivre (le marché serait trop petit et sans espoir de tubes qui assurent une ou deux années de production) et le Rap ne pourrait pas jouer les trouble-fête dans l’industrie du disque et dans les banlieues (et ailleurs).
O.K., les Beastie Boys sont issus des classes moyennes (voire de la petite bourgeoisie dans le cas de King Adrock, fils du dramaturge Israël Horowitz). Mais Public Enemy aussi. Et Niggers With Attitude. La plupart en fait. Ce ne sont pas les Beastie Boys qui ont volé le Rap aux Noirs. C’est l’Amérique raciste, MTV et les autres, qui ne s’est aperçue du PHÉNOMÈNE qu’au moment où ce trio s’est mis à rapper. Nuance.

  • Ne dites pas à ma mère que je suis rapper, elle me croit guitariste punk

Le groupe vient de Brooklyn. Mike Diamond (futur Mike D) et Adam Yauch (pas encore M.C.A) démarrent en 79 en tant que Highschool Band dans la mouvance punk hardcore, se séparent et se reforment (avec Adam Herovitch, bientôt King Adrock) pour sortir un Ep Polly Wog Stew (Ratcage, 1982) avec Egg Raid On Mojo et Transit Cop (cet Ep re-sortira en 88 sous forme de 12" avec des inédits). Cookie Puss, édité l’année suivante par le même label, est composé d’énergie Rock, d’humour juif et entrecoupé d’appels téléphoniques. Le maxi comprend en plus Beastie Revolution, un Reggae, qui attaque gentiment Musical Youth et la culture rasta. La légende veut que la difficulté de jouer sur scène Cookie Puss avec tous ses bruitages aurait poussé les Beastie Boys à enrôler en octobre 83 un certain DJ Double R qui n’est autre que... Rick Rubin ! Si le motif n’est pas certifié, le résultat est là, Rubin fut bien leur DJ (il existe même des photos de lui en tant que quatrième Beastie Boy !).

  • Rock Hard

Avec Rubin, c’est le grand virage : ils passent au Hip-Hop. Leur culture Punk et Hard Rock, alliée à celle de Rubin, ne va pas tarder à se mélanger à leur Rap. Une parenthèse pour dire qu’il n’y a rien d’étonnant à cela : aux U.S.A., le Heavy s’adresse plutôt aux Blancs. En décembre 84, c’est la sortie du maxi Rock Hard/The Party’s Getting Rough/Beastie Groove sur la compagnie (Def Jam) que dirige leur ancien DJ (il est déjà parti, trop de travail... et remplacé par DJ Hurricane - Wendell Fite -, aujourd’hui dans les Afros). On pense à AC/DC sur Rock Hard et The Party’s Getting Rough et à Led Zep sur Beastie Groove. Enorme succès et apparition dans le film Krush Groove pour lequel ils enregistrent She’s On It et ses paroles machistes : « elle se mettra à genoux/Juste si on lui dit, s’il te plaît ». Peu de temps après, nouveau single : New Style (ce n’est pas faux) puis Fight For Your Right (To Party) qui va passer dans les pop charts américains et devenir n°1 au Billboard fin 86.

  • Licensed To Ill

Le succès de cet album n’a d’égal que sa fulgurante rapidité. On estime ses ventes à sept millions de copies à travers le monde, dont plus de la moitié réalisée dans les six premiers mois qui ont suivi sa sortie ! Aux U.S.A., le (grand) public blanc découvre le Rap coup sur coup avec Licensed To Ill et Raising Hell de Run DMC. Une année faste. Il faut souligner que jamais un groupe Rap n’a bénéficié d’autant de promo que les Beastie Boys, jugez plutôt : double pochette ; CBS France sort en 87 sept singles promo (soit les treize titres de l’album) reliés par un long sachet transparent en plastique avec la mention : « New Style était trop New, Fight For Your Right était trop Fight, maintenant vous allez quand même bien trouver un 45t à passer, non ? ». Est-ce à dire que chaque titre était un tube potentiel ? Je le pense. Dans le même temps CBS Angleterre sortait deux singlesSpecial Badge Pack avec chacun trois badges sous cellophane. Aujourd’hui Licensed To Ill est en nice-price (ce qui signifie que les interprètes comme la maison de disque touchent moins mais le consommateur dépense également moins).
Auto-indulgence, non-sens, trash culture, sexisme, égocentrisme et rigolade définissent les paroles des Beastie Boys. Quant à la musique proprement dite, elle est truffée de samples (Led Zep, Clash, Stones, etc.), elle est cuivrée, percussionnée et guitarisée (je sais, je néologise et après ?). Les voix nasales des Beastie Boys rappellent celles des Three Stooges (comédie ciné puis télé U.S., sorte de dessin animé rendu humain, qui a traversé les 50’s jusqu’aux 80’s). Cet album est incontestablement la réussite de Rick Rubin, en faisant coïncider guitares Rock et Rap. Les Beasties n’ont rien à dire. Ils sont là pour divertir, faire bouger, produire du BRUIT. Beaucoup. Vite et bien. Et le fait qu’ils soient blancs ne change rien : « je ne comprends pas, avoue Russell Simmons, pourquoi il n’y a pas plus de Rap blanc, c’est un mystère. La première phase du Rap était une expérience noire mais, depuis, un nombre considérable de kids blancs ont grandi avec cette musique. Tu ne peux pas débarquer sans rien connaître et faire un disque mais si tu fais partie du truc, où est le problème ? » (117).

  • Los Angeles et les Anges Perdus

En 86, le succès est si large qu’ils font l’ouverture de la tournée de Madonna, Like A Virgin. Milieu 87, ils tournent avec Run DMC. Après la promo de leur album, ils décident de s’accorder une année sabbatique. Adam Horowitz joue dans Lost Angels à propos duquel Spike Lee déclare : « j’aime bien Adam, mais il faut voir la manière avec laquelle il marche dans le film : on sent d’emblée qu’il veut jouer au black. Il y a plein d’acteurs blancs qui font ça, comme Richard Gere, vous voyez le genre ? C’est n’importe quoi. Qu’ils arrêtent leur char » (43). Les deux autres passent leur temps avec des fun-bands. Puis on commence à se demander s’ils font quelque chose, en dehors des voix, sur leurs Lp’s... On les traite de Sex Pistols du Rap (escroquerie, escroquerie...). Russell Simmons révélera en 89, à la suite des démêlés avec Def Jam, que Rush a construit et modelé l’image et l’attitude des Beasties. Pour d’obscures raisons, les Beastie Boys et Def Jam mettent un terme à leur contrat.

  • Le bouclard de Paulo

Début 89, le trio d’origine new-yorkaise (il semblerait qu’il se soit installé en Californie) se retrouve réuni en studio, à Los Angeles, sous la houlette des producteurs-maison de Delicious Vinyl : les géniaux Dust Brothers (Michael Simpson et John King). Paul’s Boutique est le résultat de cette réunion.
L’album sort sur Capitol Rds en juin 89. Pour le célébrer, les Beastie Boys ont hissé un drapeau de cinq mètres sur sept à leur effigie le 29 juin 89 en haut de la tour Capitol. C’est l’hélicoptère du feuilleton Riptide qui, la veille, avait installé la hampe du drapeau. Star-system made in California. Frime ou connerie ? Ça amuse ou ça irrite. Au choix.
Là encore, la pochette est double et montre la Paul’s Boutique qui existe bel et bien : on peut avoir ses coordonnées en écoutant Ask For Janice sur l’album ! L’ensemble du disque est plus calme comparé au précédent. L’affinement du son s’est fait aux dépens de la brutalité de Licensed To Ill. Les samples se comptent par dizaines : Black Flag, Jam, Beatles, Kool & The Gang, Grandmaster Flash, Led Zep, plus voix de Dylan, de De Niro, du Captain Kirk, plus bruitages (ex : partie de ping-pong sur 3-Minute Rule). To All The Girls est une intro d’une minute dédiée « à toutes les Françaises, les Japonaises, les Italiennes, etc ». Shake Your Rump : le non-sens des Beastie Boys en action. Mille bruitages, boîte à rythmes franchement syncopée, voix rapides et criardes. Les Beastie Boys sont toujours de sales gosses. Egg Man  : « l’Homme-Œuf ». Ça me rappelle Yesterday qui devait s’intituler « Oeufs brouillés ». Ce que les Beatles n’avaient pas osé faire, les Beasties l’ont fait. A ceci près qu’il ne s’agit absolument pas d’une ballade... High Plains Drifter : ils doivent avoir mangé un truc pourri pour geindre ainsi. The Sound Of Science : je parlais des Beatles. On est pas loin ici des délires Lennoniens (époque Double Blanc). Hey Ladies est le seul tube évident du Lp. La vidéo, une caricature de Travolta, est à la hauteur de la chanson : H.I.L.A.R.A.N.T.E. Les Beastie Boys s’y adressent à nouveau directement aux filles. A genoux (pas les filles, eux !, les Beasties...). Avant ça, on a subi guitare et cris country (5-Piece Chicken Drummer), des guitares qui n’auraient pas juré sur leur debut-Lp (Looking Down The Barrel Of A Gun) ou le bien nommé B-Boy Bouillabaisse, véritable fourre-tout/chutes de studio mises bout à bout : Human Beat Box, bruits de jungle et de foule, Reggae, parodies en tout genre, etc.

Moins facile et plus travaillé que Licensed To Ill, Paul’s Boutique n’atteint pas les espérances de Capitol (il sera quand même disque de platine aux U.S.A.). De plus, le label promotionne les Beastie Boys comme des artistes Pop et non plus Rap. Leurs fans basiques ne s’y retrouvent donc pas. Russell Simmons a son idée : « j’ai bien aimé Paul’s Boutique, je trouve qu’ils ont une inventivité formidable. Pourtant, en général, les productions Delicious Vinyl sonnent plutôt pussy. Maintenant, je ne comprends pas pourquoi leur album n’a pas marché. Si tu veux mon avis, le design de la pochette a fait fuir les gens, c’était bien trop arty... » (117). Depuis, pas de nouvelles d’eux (ils continuent à être remerciés sur les pochettes des nouveaux groupes comme A Tribe Called Quest même si cela est moins fréquent que par le passé). Mais si les Beastie Boys ont décidé de nous faire attendre autant qu’entre leur premier et leur second Lp, il va falloir nous armer de patience et attendre... 1992 !

  • PUBLIC ENEMY (P.E pour les pressés)
  • Etudes, radio, Sécurité du Premier Monde

Dès son plus jeune âge, Carl Ridenhour (futur Chuck D) apprend par sa mère l’histoire des Noirs américains. A 10 ans, il assiste au séminaire « L’Expérience afro-américaine » à l’université d’Hofstra. De 69 à 71, c’est à dire juste après, il suit un programme universitaire couvrant toute l’histoire des black Americans. Petit-fils d’un Blanc (selon la légende), élevé à Long Island, Carl s’éveille donc très vite et cela lui servira quelques années plus tard pour conceptualiser Public Enemy. Il a aujourd’hui dans la trentaine (âge moyen du groupe).
William Drayton est surnommé par sa baby-sitter (décidément !) The Flavor Freak (intraduisible : le phénomène savoureux ?). Flavor Flav deviendra son nom de scène après celui d’animateur radio. En effet, il gagne la confiance de Bill Stephney - fondateur au début des 80’s avec Hank Shocklee, diplômé de hautes études commerciales, de Soul Rds (Sound Of Urban Listeners). Stephney est directeur des programmes de l’Adelphi University Radio de Graden City, New Jersey. Il l’invite à l’antenne : « il était encore plus taré à l’époque, il est plus posé aujourd’hui. Il faisait des ballades et du R&B » (44). Chuck D est étudiant en arts graphiques dans cette même université. Shocklee lui demande de dessiner des affiches pour les soirées qu’il organise. Le lien entre Chuck D et Flavor Flav ne tarde pas à se tisser. Les deux obtiennent ensuite une heure hebdomadaire sur ladite radio. Shocklee raconte : « on ne voulait pas passer le même titre deux fois dans un même programme et trois heures, c’est long. Il n’y avait pas assez de disques Rap. Alors on programmait quelque chose sur une boîte à rythmes et on improvisait à l’antenne. Comme on n’avait pas d’instruments, on se servait de la platine, et au chorus, on scratchait » (27). Les shows sont délirants et, semble-t-il, arrosés. « Lorsque Run DMC sont apparus, nous étions les premiers à les passer dans notre émission et je me souviens avoir dit : »c’est ça que nous cherchions« . Le beat était énorme. Auparavant, le beat et la ligne de basse étaient en retrait dans le Rap » (115). Un soir, un problème technique survient. Chuck D, en souvenir d’une embrouille chez son coiffeur, improvise Public Enemy #1. Le campus est sous le charme. Nous sommes en 85/86. La légende est en route. Stephney, entre temps embauché par Rush Management en avril 86 (avant de devenir vice-président de Def Jam), fait se rencontrer Russell Simmons et les désormais Public Enemy ; il se souvient de Dr Dré (celui d’Original Concept, aujourd’hui présentateur de Yo ! MTV Raps) qui « est venu après mon départ à la station et a encouragé le groupe à réfléchir et à parler des problèmes politiques qu’ils aborderaient. Ils demandaient pourquoi il y avait tant de divisions politiques et s’exprimaient par remarques sociales bien tournées » (44).
Les rangs du groupe grossissent avec l’arrivée du DJ Norman Rogers (Terminator X), Eric Sadler (programmeur et ami du tandem Hank & Keith Shocklee, les producteurs issus d’une famille de musiciens). Chose peu connue, Flavor Flav est un véritable musicien (la pratique de quatorze instruments est citée), et Chuck D possède une culture musicale très étendue : « c’est la combinaison entre notre background et notre amour pour la musique qui forgent notre son. Nous sommes tous d’assez bons musiciens » (46). Pourtant, Chuck concède : « personnellement, je n’avais même pas le désir de devenir rapper. Nous avons commencé par faire des émissions de radio dans notre université qui sont vite devenues populaires. C’est grâce aux cassettes de ces shows que les boss de Def Jam ont tenu à nous envoyer en studio. Nous, on planifiait plutôt de monter un réseau de communication dans le pays... » (47) et « [Notre but était de] former, d’ici 1992, 5000 leaders noirs potentiels, des gens capables d’être responsables, et aussi d’enseigner et de dire à tout le monde qu’il y avait pour nous une meilleure façon d’agir sans tomber dans aucun piège. Je ne pensais pas que ça arriverait si vite... Je savais que les seuls qui pouvaient faire bouger les choses, c’étaient nous mêmes. Nous avons donc fait en sorte de construire une stratégie soignée et, en gros, nous nous y sommes tenus » (48).
Richard Griffin, alias Professor Griff (élevé à Roosevelt, New Jersey) tombe à pic : il sera ministre de l’information au sein du groupe. Il démarre dans le Rap en 1986 en écrivant et en manageant plus ou moins les True Mathematics, Steve X Get III, Shabazz 516, Sugar Bear, Queen One (il produira plus tard les anglais She-Rockers et MC Duke). Mais c’est sa fonction de leader de la Unity Force dès 1979 qui intéresse surtout les Public Enemy naissants : un groupe d’études islamiques et une école d’arts martiaux, sorte de Fruit Of Islam local (Prof Griff raconte qu’il est membre de la Nation Of Islam depuis l’école primaire...), qui se transforme en Security Of the First World dont certains des membres sont Agent Attitude, James Bomb, Brother Mike Enfoncer, James One et Brother Roger. Voici ce qu’en dit Chuck D en 1987 : « les membres de ma crew, les S1W, ne mangent ni viande rouge ni porc, ne fument pas. Nous sommes très, très disciplinés » (48). Le S1W effraie. Sur scène, la chorégraphie est impressionnante, dure, et vous met mal à l’aise (ce qui peut avoir des aspects très agréables) : « L’idée des armes sur scène vient en partie des Black Panthers, qui demeurent une image forte dans la communauté noire. Ils étaient vus comme des terroristes par la communauté blanche, et des héros par la communauté noire. Les armes sur scène symbolisent pourquoi les Noirs sont dans la situation où ils sont aujourd’hui. Les Européens eurent des armes, nous arrachèrent de l’Afrique et nous envoyèrent en Amérique. Les flingues nous disent : »O.K., plus jamais notre culture ne nous sera enlevée comme ce fut le cas par le passé«  » (50). « La raison numéro un pour laquelle S1W fait peur, c’est que nous sommes noirs, en uniforme, et que nous contrôlons les événements. Je l’ai dit, je le répète encore, ce que les S1W signifient, c’est que nous sommes noirs, que nous venons des Etats Unis, et que nous combattons... Que nous voulons autre chose. Les gens n’avaient jamais rien vu de pareil » (51). Le critique S.P. XII, à priori très fan du groupe, n’est pas de cet avis : « si P.E. s’apparente à un groupuscule politique, avec ses mentors Malcolm X et Farrakhan, ça reste avant tout un groupe de »variétés«  ! Un produit de consommation ! D’ailleurs, P.E. porte le treillis militaire comme les Beatles la robe hindoue. C’est un look de music-hall dessiné par Chuck D (...) Il n’y a que les malheureux bien pensants pour y voir autre chose. Oh ! Les frissons... » (118).

  • Le grand saut & un bout de philosophie (I)

Début 87 marque la sortie du premier 12« du groupe : Public Enemy #1/Son Of P.E. TOUT ce qui fait la force et la grandeur musicales de P.E. est déjà là : le son concassé, fouillé, martelé ; la voix de baryton de Chuck D, celle survoltée de Flavor Flav : »Flav est volontairement hors ton !, commente Hank Shocklee, s’il s’accorde en chantant dans la tonalité, cela devient sirupeux, trop proche de la musique. Lorsqu’on ajoute du bruit sur du bruit, ça fait chier tout le monde ! Mais avec Flavor Flav, il devient le bruit, parce qu’il est exaspérant«  (116).  »C’était quelque chose de totalement impossible à programmer, rapporte Chuck D, puisque j’ai fait cette bande à partir de deux lecteurs K7 en collant des morceaux de ce disque. Quelques-uns de ces collages étaient décalés, mais le Rap était bon. La bande n’était pas parfaite. On pouvait entendre la mesure sauter et d’autres choses de la sorte. Mais lorsque je me suis à rapper par dessus, c’était parfait (...) Ça lui donnait une touche naturelle, comme si le batteur imparfait se tenait derrière«  (115). Et comme le disent si bien Georges Lapassade et Philippe Rousselot  »le techno-sound de Public Enemy constitue un modèle du genre : sa sophistication est tout entière au service du stress, du choc qu’ils veulent créer. Leur rime est une perfection«  (21). Désormais, le Rap ne sera plus jamais le même. On comprend qu’on a affaire à un groupe différent. Au-dessus de la mêlée. D’une part, musicalement, d’autre part, philosophiquement. Certains ont même vu en eux, avec une pointe de provocation, un groupe messianique, comme l’excellent article intitulé »J’aime Public Enemy qui ne m’aime pas« de Tyrano :  »personnellement, je ne pense pas qu’il faille, comme le font les journaux musicaux (...) séparer la musique et le « message ». Si la musique de P.E. est si excitante, si exubérante, c’est qu’elle contient cette charge religieuse revendicatrice, cette foi de Dieu qui déplace des montagnes (et les amplis, donc). Cette musique, comme les personnes qui la font, est intégriste, peut-être, et par conséquent intègre. Il est tout de même incroyable qu’au moment où l’Islam, cette religion encore religieuse, déclare ouverte la guerre mondiale, l’Occident danse sur P.E., sa représentation spectaculaire«  (52). Pourtant, quand on demande à Chuck D s’il est musulman, il répond :  »non, je crois en Dieu. Avant de suivre les préceptes de l’Islam et vous donner entièrement à Dieu, il vaudrait mieux savoir ce que Dieu attend de vous... Et il ne veut certainement pas que vous ne respectiez ni votre prochain, ni la planète, qui sont ses propres créations. Voilà ce que je crois«  (51). P.E. n’est pas un simple groupe. Encore moins un groupe simple. Avec de sacrés dérapages (cf. plus loin) et autant de bon sens, ils s’érigent en penseurs et en porte-parole d’une génération oubliée et livrée à elle-même :  »provoquer quoi ? On fait de la musique et en même temps on a un message pour redonner confiance aux laissés-pour-compte. Du monde occidental, nous avons subi la discrimination et l’esclavage qui s’est transformé maintenant en esclavage mental. Nous jouons notre musique et à travers elle, nous nous battons pour ce que nous revendiquons : ce n’est pas de la provocation (...) Nous avons un problème avec la société occidentale qui se dit civilisée«  (53). »Nous savons comment dribbler avec un ballon et danser et toutes ces conneries. Maintenant, développons nos esprits. Soyons effectifs sur 360 degrés parce qu’il y eu une époque, avant d’holocauste de l’Esclavage, où nous étions des êtres complets" (54). Un groupe aussi complexe à cerner que leur musique est immédiate.

  • Yo ! Bum Rush The Show & paradoxes

Le groupe sert très vite de support-band aux Beastie Boys (« ils nous aiment », déclare Chuck D) et participent au Def Jam Tour de l’été 87 avec Whodini, LL Cool J, Doug E. Fresh, Eric B. Peu après, c’est la sortie de leur premier 33t au titre énigmatique Yo ! Bum Rush The Show. « Bum Rushing signifie que si vous ne parvenez pas à avoir quelque chose, il faut vous le procurer par n’importe quel moyen. Bum Rush The Show est une expression qu’emploient les gars qui sont dehors. Ils ne veulent pas payer [l’entrée du concert], ou n’ont pas l’argent, mais ils restent près de l’entrée en attendant une occasion de foncer à l’intérieur » (27). Il se vend à 300 000 copies aux U.S.A. Ce qui étonne tout de suite, c’est le son. Un véritable feu d’artifice, sans répit (les titres sont enchaînés les uns aux autres), bruyant, agressif, violent. Et bavard. Public Enemy parlent d’eux-mêmes, ma foi comme tout le monde, mais évitent l’ego-tripping. Sophisticated Bitch, par exemple, ne traite pas d’une belle salope que Chuck D aurait fait craquer. Non, ils nous entretiennent - avec un son Metal que ne renierait pas Rick Rubin - de la prostitution déguisée et des femmes qui l’exercent sans savoir qu’elles participent à un système qui les dépasse : « il y a beaucoup de jeunes femmes, rappelle Bill Stephney de Def Jam, qui vivent sur une base très matérialiste. Des »salopes sophistiquées« si tu veux. P.E. a voulu que ce disque soit très agressif sur ce point et il utilise le terme de Sophisticated Bitch. C’est sûrement ce qui a attiré l’attention sur eux et c’est ce qu’ils souhaitaient » (165). Dans Miuzi Weights A Ton, inspiré par l’incident qui fit un mort pendant un concert de Run DMC à Arena Beach, point d’apologie des armes à feu. Juste en parler parce que cela existe et afin que les médias le reprennent. Et comme le confie Chuck D : « le seul Uzi que je possède, c’est ma bouche » (un Uzi est un pistolet mitrailleur d’origine israélienne particulièrement mortel : rapide, maniable, petit. Arme préférée des terroristes - car faciles à dissimuler - et des gangs californiens). Too Much Posse ou la réinvention du rapping par Flavor Flav. You’re Gonna Get Yours, pétarade de motos, suivi d’une GROSSE basse, puis la voix de Chuck D - tout aussi basse, intense - attaque. Megablast : « c’est une chanson définitivement antidrogue » (49). Righstarter où s’expriment merveilleusement les mains prodigieuses de Terminator X sur fond de « notre solution est une révolution de l’esprit/(Tu) ne peux la vendre, tu ne peux l’acheter dans une potion ».
Evidemment, comme Clash ou Dylan l’avaient révélé auparavant, P.E. est confronté à une contradiction fondamentale. D’un côté, les paroles (accompagnées d’actes ; ils ont donné un concert gratuit dans une prison new-yorkaise ou ont participé à une collecte de fonds pour Jesse Jackson, à des concerts pour des sans-abri, etc.), de l’autre la machine du business, en l’occurrence CBS (Clash et Dylan furent, eux aussi, des artistes de ce même label, à croire que...). « Tu ne peux pas la vendre ». Pourtant, Public Enemy les vend bien, ses disques. C’est une question de choix personnel : soit l’on choisit de tout contrôler, d’être totalement indépendant, au risque de ne pas percer, donc de ne pas être écouté et de se retrouver tels des prêcheurs dans le désert. Soit, on s’accommode tant bien que mal de la contradiction, on se bat pour éviter les compromis et la censure (tant que vous rapportez des dollars, vous avez des facilités...) et plus les chances de voir votre message diffusé sont grandes. Pour S.P. XII, le combat est perdu d’avance : « La musique ne peut subvertir que la musique. Il n’y a pas de chants révolutionnaires. L’industrie du disque est une industrie blanche, occidentale, Japonais compris [allusion au rachat de CBS par Sony, NDA]. Il n’y a qu’une seule loi du marché. Peu importe la couleur des consommateurs. Dans la nuit de la consommation, tous les consommateurs sont noirs. Personne, jamais et nulle part, n’a échappé au marché, depuis que le marché est mondialement blanc. Tout est récupéré (...) Lorsque les Occidentaux traduisirent le Coran en 1142, le but avoué était de doter les Croisés d’une arme supplémentaire : mieux connaître leur ennemi. Développant cet exemple, Jean Genet déclarait à un interlocuteur palestinien : »Je crois malheureusement que vous êtes marqués par la culture occidentale et que vous êtes sous l’emprise de son modèle, ce qui veut dire que l’Occident vous a pris au piège. Il a réussi : il est votre miroir, il a gravé en vous un sentiment indélébile d’infériorité (...) Regarde à quel point les dirigeants, les intellectuels palestiniens se soucient de ce que les journaux racontent sur eux. Parfois, j’ai l’impression que leur conduite est dictée par le souci de plaire à cette presse et à son public« . Public Enemy n’échappe pas à ce constat. La presse américaine les a contraints à ravaler leur antisémitisme. Business is business but war is war (...) Chuck D [a déjà perdu] dans les colonnes de la presse blanche » (118). Overlord X, pièce maîtresse de la scène anglaise Hip Hop, a son opinion : « P.E. parle par métaphores en général. Ils veulent dire quelque chose mais ils savent qu’il leur faut obtenir des passages radio. Sur certains sujets donc, ils parlent par métaphores, par une sorte de code que seuls les rappers et les gens qui connaissent leur musique comprennent. (...) Est-ce un compromis ? (...) Pour faire passer ton message aux gens, il faut réfléchir à une façon de le faire. Dans un sens, il n’y a rien de mal dans ce »compromis« parce que tu trompes les médias... » (67). Et comme à l’accoutumée, il est aisé de dénoncer les failles d’un groupe franchement engagé. Que peut-on trouver à redire aux chansons d’amour ? Aux stars qui chantent la solitude entourées d’un staff de vingt personnes ? Rien. De toute façon, Public Enemy n’est pas dupe : « la vie est un cycle/Ce qui est neuf est vieux », invectivent-ils dans Timebomb. Et pour conclure sur l’album, un mot sur Yo ! Bum Rush The Show (le morceau), pur joyau de studio : le point d’exclamation est traduit par une vingtaine de cordes de piano désaccordées comme frappées par un objet lourd. LOUD. Démentiel.

  • It Takes A Nation Of Millions To Hold Us Back

Chuck D, Eric « Vietnam » Sadler, Hank et Keith Shocklee mettent très vite leurs services de producteurs pour les True Mathematics (After Dark, 1988) qui ne laissera pas un grand souvenir au Rap mais qui ouvrira la voie au Bomb Squad (nom qu’ils ont adopté pour ce genre de travail) et avec succès (cf. plus loin).
It Takes A Nation Of Millions To Hold Us Back est le nom du deuxième Lp de P.E., considéré par nombre de leurs fans comme leur chef-d’œuvre. Les ventes triplent par rapport à Yo ! Bum Rush... Les dérangements (synonyme Public Enemyien d’arrangements) sont signés par les mêmes précités. Fab 5 Freddy et Harry Allen (journaliste, intime de P.E.) viennent faire les chœurs. La pochette montre Chuck D et Flavor Flav derrière des barreaux. Ils se libéreront sur vinyl. « La pensée de cet album : notre force, c’est nous-mêmes » (50). L’intro provient d’un début de concert (3 novembre 87 à Londres) : sifflet, bruits de foule, un speaker : « Are You Ready For The Def Jam Show ? Let me hear you make some noise for P.E.? ». Sirènes de pompier. Le concert (le disque) démarre : « too black too strong ». Puis « Bass ! How low can you go ? ». Bring The Noise, tempo rapide, véritable gimmick scénique, fait allusion à Farrakhan : « Maintenant je suis en taule parce que mes disques cartonnent/Parce que moi, ton frère, je dis »Well... Farrakhan est un prophète et je crois que tu devrais écouter ce qu’il peut te dire/ce que tu devrais faire« . Chuck D admettra en 90 que cette chanson fut un  »moment clé«  dans leur carrière, tout comme Don’t Believe The Hype ( »Ne crois pas à l’intox« ) où Chuck D se défend d’être raciste en s’en prenant aux médias et en expliquant qu’il n’a jamais eu de flingue. Sujet grave, musique entraînante. Le corps et la tête ne font qu’un. Comment ne pas succomber à ça ? Flavor Flav nous fait son numéro avec Cold Lampin With Flavor (superbe piano en fond), puis c’est au tour de Terminator X d’épater la galerie (Edge Of Panic), montage électronique torturé à souhait dans Mind Terrorist (et ses cris de guerre  »Get Down ! Bass For Your Face ! Ye-Ooh Boooyyy ! Take That Shit !« ). Les thèmes abordés par P.E. sont divers et variés, mettant toujours le doigt sur un sujet sensible. Louder Than A Bomb : »Le FBI a mis mon téléphone sur écoute/Je ne vis jamais seul/Je ne marche jamais seul«  avec - fait rarissime - une participation de Prof Griff au micro. She Watches Channel Zero : l’histoire d’une fille noire qui perd tout contact humain, à force de lavage de cerveau télévisuel ; plus un homme ne peut l’approcher :  »Elle va de chaîne en chaîne/A la recherche d’un héros/Elle regarde la chaîne zéro« . Night Of The Living Baseheads, vie et destruction des dealers. Mise en garde contre la drogue et ses effets sur la communauté noire. Black Steel In The Hour Of Chaos : refus de se plier aux obligations militaires, ne pas être esclave du gouvernement, émeute de prison. Party For Your Right To Fight : inversion du Right For Your Right (To Party) des Beastie Boys ? dans lequel sont cités Malcolm X, Luther King, Muhammad, Cleaver, Newton, etc. ; et enfin un des plus grands morceaux de Rap selon moi : Rebel Without A Pause qui fait bien sûr référence au film Rebel Without A Cause ( »Rebelle sans cause« devient »Rebelle sans pause« ). Ce cult-movie (traduit en France par La fureur de vivre) mettait en scène un des plus grands mythes de l’Amérique blanche : James Dean. Et comme le dit la chanson :  »la Soul et le Rock & Roll deviennent comme un rhino« . Public Enemy va faire de la destruction des grandes légendes américaines une véritable spécialité (cf. Fight The Power). Pour être complet, Rebel Without A Pause fut enregistré en une nuit, en pleine tournée 87 :  »nous avions programmé ce drôle de son rauque qui détonnait affreusement. Il avait été échantillonné pour avoir un son propre mais le feeling n’était pas bon. Aussi nous avons raccourci ce son de sirène et l’avons ré-échantillonné avec une vitesse de sampling très lente ; ce qui a eu pour résultat un son pourri. Nous l’avons bouclé à un certain endroit où il n’était pas parfait. Le disque s’en est trouvé plus Soul, plus Funk" (115)

  • Un bout de philosophie (II) & scandales

Elevé au rang d’idole mondiale, P.E. doit en assumer les conséquences. Chuck D, véritable leader du groupe (voix principale et surtout parolier), semble prendre plaisir à s’investir pleinement dans ce rôle. Voyez ce qu’il dit de l’identification du public blanc sur les stars noires du Rap : « je suppose qu’on pourrait appeler ça l’émergence du nouveau super-héros noir. Le véritable super-héros noir est différent du sportif car un joueur de ballon n’est capable que de faire des choses physiques, de dire quelques mots et de s’en aller. Avec le nouveau super-héros noir, je serai toujours devant tes yeux et tu vas te souvenir de ce que je dis, tu vas te souvenir de ce que j’ai dans la tête, pas de ce que fait mon corps » (54). Seulement, il y a les glissements. Pire, les dérapages. Ceux, homophobes, de Flavor Flav :« je ne hais pas les pédés. Je ne hais personne, j’aime tout le monde. Je ne les hais pas mais je suis complètement contre ce qu’ils font. Beaucoup de mal vient de là, comme le sida, tout ce genre de trucs. C’est une punition de Dieu. Le bien ne vient pas des actes mauvais » (55), et ceux, antisémites, de Prof Griff.
Le 28 mai 1988, le Melody Maker (Angleterre) publie une interview du ministre de l’Information : « si les Palestiniens prenaient les armes, envahissaient Israël et tuaient tous les Juifs, ce serait parfait parce qu’ils ne devraient pas être là » (56). Le reste de l’interview est fait d’apologie d’Amin Dada, de révision historique de la constitution de l’Etat d’Israël, etc. Cette interview longue, invraisemblable de sous-entendus, ne suscite étonnamment aucun commentaire. Quasiment un an après, jour pour jour, le Washington Times fait paraître le 22 mai 1989 une nouvelle interview aux répercussions quasi nucléaires. Si en 88, P.E. ne touchait pas encore un public très vaste (le gros de leurs fans étaient des B-Boys résolus et voués à la cause du Hip Hop), en 89, leurs fans qui se comptent par millions sont aussi bien noirs, blancs que jaunes. P.E. a la cote auprès de gens bien différents. La situation a quelque chose d’effrayant pour leurs détracteurs. Le Washington Times, faut-il le rappeler, appartient au Révérend Moon, fondateur milliardaire de l’Unification Church, responsable d’un suicide collectif parmi ses fidèles. Précisons que le Washington Times, à ne pas confondre avec le Washington Post (qui permit la révélation de l’affaire du Watergate entraînant la démission de Nixon), a depuis nommé rédacteur en chef David Mills (le journaliste noir qui a rencontré Griff) et a applaudi l’arrestation d’un disquaire de Floride qui vendait un disque de 2 Live Crew. Que raconte donc l’interview ? Griff y fait un jeu de mots entre Jew (Juif) et Jeweller (Joaillier). Le Ku Klux Klan fait « JerUSAlem » et Le Pen « Durafour-crématoire ». Le reste est tout aussi odieux. Selon Griff, « la majorité de la pourriture qui règne partout sur le globe » est imputable aux Juifs. L’édition française de Rolling Stone d’avril 90, titrant rapidement et de manière irresponsable : « Public Enemy : les rappers antisémites », raconte que Mills et le reste du groupe eurent un entretien ensemble avant la publication de l’interview de Griff. Voici ce qui reste de cette discussion pour Chuck D : « nous lui avons expliqué que ce n’était pas du tout notre ligne » (57) tandis que Mills annonce : « ils sont d’accord avec ce que dit Griff, ça fait partie de leur système idéologique » (58). La suite va tenter de vous montrer ce qu’il en est. Griff n’ira pas par quatre chemins pour décrire David Mills : « je compare ça à Jésus et Judas, dans un degré moindre, parce que Judas était l’ami de Jésus. David Mills n’était pas le mien mais, dans la communauté noire, il est considéré comme un Judas. Parce qu’il a trahi l’homme » (59). Griff sera toutefois intelligemment piégé par Sonia Poulton un an plus tard :
Sonia Poulton : « l’article du Washington Times vous montrait clairement antisémite. Si vous ne l’êtes pas, pourquoi ne l’avez-vous pas poursuivi ? ».
Prof Griff : « c’est une question difficile. Ça ne m’a jamais traversé l’esprit ».
Sonia Poulton : « ça a sûrement dû vous traverser l’esprit puisque vous dîtes que cela a sali votre réputation ».
Prof Griff : « il a changé ma vie, c’est une assez bonne raison. Mais, vous savez, je n’ai jamais vraiment pensé à ça, même jusqu’à aujourd’hui » (60).
Dans les jours qui suivent l’interview au Washington Times, on découvre un tireur isolé en face des bureaux de Def Jam. La Jewish Defense Organization annonce qu’elle manifestera devant la maison à L.A de Rick Rubin qu’elle considére comme un « traître » pour avoir lancé P.E. Mordechai Levy, son porte-parole déclare que « la JDO allait descendre en flammes Public Enemy » (61). Mi-juin 89, Chuck D tient une conférence de presse : « la communauté noire est en crise, notre rôle de musiciens est de trouver des solutions... Les déclarations de Griff ne correspondent pas à notre vision politique. Nous ne sommes pas antisémites (...) Griff nous a sabotés, c’est une question de discipline interne dans le groupe et nous aurions préféré la résoudre en privé, mais cela n’a malheureusement pas été possible » (62). Chuck D déclare avoir viré Griff. Un porte-parole de Rush annonce la dissolution du groupe dans un souci de « paix sociale ». Les bruits courent que le reste du groupe - qui reproche à Chuck d’avoir viré Griff - le pousse à faire en sorte que P.E. ne splitte pas réellement. Il est même accusé à mots couverts de sacrifier Griff pour sa propre carrière de businessman, Chuck D est en effet alors en pourparlers avec CBS et MCA pour son propre label... Sordide, non ? « J’ai juste dit que nous faisions un pas de côté, que nous voulions sortir du business musical. Et les rumeurs sont allées bon train : »Alors, les mecs, vous avez splitté ? » Non, ce n’était pas ça. Nous faisions un pas de côté«  (48). Le 24 juin au soir, sur WBLS, Marley Marl lit un mystérieux message de Chuck (qui n’est en réalité qu’un rappel) annonçant : »nous avons un but à atteindre : 5000 leaders pour 1992« . Rush fait circuler la rumeur que P.E. pourrait resurgir, sans Griff. Une manifestation est organisée le soir de la première du film Do The Right Thing contre Public Enemy, qui n’y assiste d’ailleurs pas, le groupe étant »gelé« . La presse, y compris celle acquise depuis longtemps à P.E., commence à mettre en doute la sincérité du groupe. Sont-ils politiques pour réellement aider la communauté noire ou sont-ils de  »great marketing men«  comme Chuck D se définissait en 88 : »ils se « markettent » eux-mêmes à la perfection« , avoue Russell Simmons (117) ? Certains émettent même l’hypothèse que seul Griff est sincère, malgré ses méthodes condamnables :  »tu sais ce qu’ils m’ont dit ? « Griff, ce qu’on essaye de te dire c’est qu’il s’agit d’argent » Alors je leur ai demandé : pourquoi mentez-vous aux Noirs ? Qu’est-ce que c’est que cette merde de Black Power dans laquelle ils se reconnaissent s’il ne s’agit que d’argent ? Dans tous ces disques et pendant toutes ces tournées, ils n’en pensaient pas un mot. Ils sont plein de merde, vraiment, surtout Hank Shocklee" (63). Finalement Chuck réactive le groupe en réintroduisant Griff tout en le bâillonnant, semble-t-il.

Une indécision qui entache la renommée de Public Enemy. Mais céder aux pressions signifiait un échec auprès des fans et de la communauté noire (il faut bien se rendre compte du quasi-stade de héros nationaux des membres de P.E.), bien que cela eût été bien vu par quelques personnes (CBS, Def Jam, distributeurs, etc). Malheur à celui par qui le scandale arrive. Et revient. Parce que Griff va refaire des siennes dix mois plus tard dans le bureau de Russell Simmons où se trouvent les nouveaux venus, et magiques, 3rd Bass. Sur leur premier Lp, 3rd Bass disent « Like Professor Griff, we’re outta there » (leur façon de dire amicalement ce qu’ils pensent de son « départ »). Mais c’est surtout leur vidéo Gas Face qui met le feu aux poudres puisqu’ils y parodient le S1W (en présence de Flavor Flav !). Pete Nice, un des deux 3rd Bass, relate l’incident : « on discutait tranquillement avec le S1W et on leur expliquait qu’on ne se moquait pas d’eux, que c’était une plaisanterie (...) Griff s’est avancé vers nous et a dit à Serch qu’il allait se le faire et qu’il autoriserait ses mecs à en faire autant. Puis je me mets devant lui et il me dit qu’il allait m’avoir aussi (...) et puis il m’annonce »Va te faire foutre« et à Serch »Enfoiré, espèce de bâtard juif« . A partir de là, ça a été une grande engueulade au milieu de tous ces gens » (64).
Excédé, Russell Simmons met Griff à la porte et déclare : « la répugnance que m’inspire Griff ne remet pas en cause l’admiration que j’éprouve pour Flavor Flav et Chuck D ». Ceux qui connaissent 3rd Bass sont très étonnés de voir Griff s’en prendre à eux puisque, non seulement ils sont totalement intégrés au monde noir, mais en plus ils prennent position en sa faveur en de multiples occasions. MC Serch, en tant que Juif, ira même défendre Griff auprès du chef de la Jewish Defense Organization.« Ils ont fait des erreurs et nous en avons commis aussi, admet Serch. Chuck D est un homme essentiel pour moi et il m’a soutenu dans le passé (...) Nous avons discuté des heures hier soir, on s’est dit qu’on devait amener les communautés noires et blanches à être plus proches » (65). Des propos similaires de Chuck D envers MC Sherch ont été tenus dans Spin. Serch trouvera même des excuses à Griff : « Griff a perdu les pédales. Il est dingue, complètement largué. Parfois un frère doit savoir qu’il a été trop loin. Mais en dépit de ce qu’il m’a dit, j’ai toujours eu beaucoup de respect pour lui. Il a beaucoup d’hostilité en lui, et à juste titre à cause de la façon dont l’Amérique a traité les Noirs et je lui souhaite de la chance dans sa carrière solo » (65). En écho, Griff regrette « les mots et le ton que j’ai employés. J’étais submergé par l’émotion » (66).

Tout le monde, journalistes, sociologues, musiciens, émet son avis sur l’affaire. La place manque pour les reproduire tous (la plupart n’était qu’un ramassis de préjugés et de conclusions hâtives). En voici tout de même quelques-uns. Chuck D d’abord, qui fidèle à son Don’t Believe The Hype, accuse la presse : « la plupart des journalistes se disent »comment prendre ce type en faute sur un dérapage ?. Tu peux toujours dire trente choses positives, c’est le seul truc négatif qui te fera perdre le jeu. Tu n’entendras parler que de la chose négative. C’est un pays de gros titres. Si ceux-ci disent que P.E. est raciste, alors la majorité des gens le croiront«  (54) et ailleurs  »c’est vrai que toute cette controverse autour de Prof Griff aurait pu être évitée par des démentis répétés. Mais j’ai été élevé de telle sorte qu’on m’a appris à ne jamais m’excuser pour une faute que je n’ai pas commise. Et puis, il y a tellement à dire que nous n’allons pas perdre notre temps à opposer des droits de réponse. Nous serons toujours réduits en pièces par les médias traditionnels«  (47). Au-delà des médias, Chuck D pousse la réflexion sur la censure :  »les signes les plus inquiétants de ce que seront les années 90 sont ceux de cette chasse aux sorcières maccarthiste en faveur du conservatisme. Mais je la comprends. L’Amérique a accumulé trop d’ordures sur le tapis, a dit trop de mensonges sur les Noirs et sur elle-même. De telle sorte que toute constatation que nous faisons prend la forme d’une accusation, ce qui constitue une grand part de la crainte qu’inspire le mouvement Hip Hop«  (121). Pour George Lapassade et Pierre Rousselot,  »le grand avantage pédagogique de l’affaire, c’est que pour la première fois, le rap s’attaquait à un tabou non plus proprement américain, mais international. Le Rap se révéla tel qu’en lui-même sur la planète entière. On s’aperçut à Paris ou ailleurs que le rap n’était pas une simple danse. Il avait des paroles«  (21). A ceci près qu’on ne décèle pas de propos antisémites dans les textes de P.E. Hervé Deplasse, représentant de Def Jam en France, (r)assure :  »dans tout l’entourage de Public Enemy, y compris au niveau de Rush management et de Def Jam, il y a une proportion importante de Juifs. La personne qui s’est occupée du marketing de Public Enemy, et qui est une des personnes les plus proches du groupe, est juive aussi«  (26). Overlord X rappelle qu’il a toujours soutenu ce que disait P.E.  »mais un jour j’étais à une session et Griff parlait de Blancs et il racontait qu’ils avaient attrapé une femme noire enceinte, qu’ils lui avaient ouvert l’estomac, que le bébé est tombé et qu’ils lui avaient écrasé la tête. Ça, c’est trop hardcore. C’est TROP. Je me suis dit : « que fait ce type ? Non seulement il effraie les Blancs, mais il effraie aussi les Noirs ! ». Griff portait du tort à Public Enemy et ils le savaient » (67). Résultat : le 23 mars 90, Professor Griff fait sa dernière apparition sur scène en tant que membre de P.E. à la Brixton Academy (Angleterre). C’est James Bomb qui prend sa place de Ministre de l’Information, le S1W restant avec P.E. « Le groupe ne se sépare pas tant que Flavor et moi sommes là. Nous serons un groupe, avec des gens qui entrent et qui sortent (...) Je souhaite à Griff mes meilleurs vœux, tous les frères l’aiment, nous sommes une famille, même si les choses se sont un petit peu tendues ces derniers mois » (68). Par ailleurs, Chuck D affirme rester ami avec Griff « parce que nous avons le même objectif commun qui est d’élever la cause noire et rétablir l’homme noir dans son droit » (51).

  • Last Asiatic Disciples

Tandis que Flavor Flav et Chuck D enregistrent deux titres avec George Clinton : Tweekin’ et (She Got It) Goin’ On pour son Lp The Cinderella Theory (« Je ne vois pas comment George peut être un de mes fans. Je ne suis là que pour une minute, lui, c’est une légende » (54)) ; Prof Griff entame sa carrière solo. En 88, Griff a enregistré Rap Terrorist mais il devra attendre d’être éjecté de P.E. pour le graver sur vinyl. Au même moment, il forme les Last Asiactic Disciples avec Sean Peacok (Life), Seam Smith (Patrick X), Jason Wicks (JXL), Robert Harding (B-Wyze) et le DJ John Michael O’Brien (Obie), tous de Long Island. « Nous sommes les disciples d’une discipline non violente, comme ceux qui sont venus avant nous, nous faisons connaître à la nation la civilisation noire américaine » (69). Griff ne tarde pas à trouver un allié en la personne de Luke Skyywalker, propriétaire du label du même nom et leader de 2 Live Crew (alors frappés de plein fouet par la censure pour obscénité) : « nous sommes des gens dangereux. Laissons-le dire ce qu’il a à dire. Je ne sais pas d’où il sort certains trucs - par exemple que les Blancs sont une race bâtarde parce qu’ils baisaient avec des chiens. Imaginez ça sur un disque » (70). Luke, comme Griff, est conscient que l’association de leurs deux noms suffira pour obtenir une couverture médiatique impressionnante. Pourtant, si l’album Pawns In The Game est plus riche qu’on ne pouvait le supposer, on ne peut pas dire qu’il s’agisse d’un grand disque. Griff se confond en excuses publiques : « je me sens plus beaucoup plus sage. Beaucoup plus mature, mentalement, intellectuellement. Je ne suis plus le même depuis le 9 mai 1989 [date de l’interview-scandale avec le Washington Times]. Traverser un truc aussi difficile que ça, ça te fait étudier, ça te rend beaucoup plus conscient. J’ai plus de sympathie envers les façons de lutter des autres. Avoir des oeillères et ne voir que la lutte noire - être noir - je n’avais jamais fait vraiment attention aux luttes des autres, sur une échelle plus grande » (59). Il tente une approche plus pacifiste et plus fraternelle du monde. « Nous ne sommes pas des pions ! Pawns In the Game [ »Pions Dans Le Jeu« , NDLT] n’est pas un problème de Noirs et de Blancs, même si les pièces sont Noires et Blanches et que l’échiquier l’est aussi. C’est un problème global. Qui veut contrôler qui ? On pourrait dire que 85% des masses - ce qui comprend TOUS les gens - sont utilisés comme des pions » (59). Sur l’album, il s’en prend aux médias, au système éducatif américain, au gouvernement, aux valeurs de la classe moyenne noire, au trafic de drogues, à Def Jam (« Some labels won’t let us talk, that’s why we chose to Skyywalker » dans The Verdict). Il fait tout pour se racheter et puis, soudain, il cite sur trois minutes tous ses héros : ça va de Malcolm X à Angela Davis, en passant par Public Enemy, Jimi Hendrix, Martin Luther King jusqu’à Khomeyni, Fidel Castro ou Kadhafi. Si chacun est libre de remercier qui il veut et de l’exprimer, chacun est aussi libre de ne pas être d’accord. Cela va parfois même plus loin : n’a-t-on pas appris très récemment que JXL, B-Wyse et X ont quitté les Last Asiatic Disciples. Départ dû, selon Professor Griff, aux pressions qu’il subit lui-même (et par voie de conséquence, le groupe tout entier. Voir l’annulation de leur tournée U.S. de 1990...).

  • Fight The Power

Comme on l’a vu, le film Do The Right Thing sort en plein tapage Prof Griff. Non seulement, le film va avoir un impact colossal pour la communauté noire mais il va de plus faire éclater le nom de Public Enemy au monde entier. Après Do The Right Thing, on ne peut plus les ignorer. Leur chanson Fight The Power qui illustre le film est aussi importante qu’un personnage ou les citations finales de Malcolm X et de Luther King (Cf. « Rap & Cinéma »). Elle crédibilise le film. Chercher à savoir qui du film ou du groupe contribue le plus à promouvoir l’autre n’a en soi que peu d’importance. L’un va avec l’autre. Et réciproquement. Aussi c’est un Spike Lee enthousiaste qui réalise la vidéo du titre (été 89) : « je ne suis pas toujours d’accord avec ce qu’ils affirment, mais c’est un de mes groupes Rap préférés. Je ne porterais pas ce que j’ai autour du cou, autrement... C’est un des meilleurs logos jamais conçus pour un groupe : vous savez ce que c’est ? Un jeune Noir dans la cible d’un fusil à lunette de la police. Ça résume parfaitement la situation des Blacks aux U.S.A., la pression qu’ils ont sur le dos ; cette agressivité permanente » (43). Bill Stephney en dévoile plus sur le logo de P.E. : « ces kids sont la cible et c’est totalement injuste. Ils ne sont pas responsables de la situation dans laquelle ils vivent » (165). Quant à savoir si une telle image peut être dangereuse suivant les interprétations que l’on en fait, Stephney s’en moque : « nous nous en foutons. Le droit des artistes est protégé. Nous pensons que ce que nous faisons est de l’art. De Botticelli à John Coltrane en passant par Norman Mailer, nous sommes des artistes tout comme eux. Ils ont le droit de s’exprimer et nous aussi » (165).
Pour mettre en lumière ses dires, Spike Lee demande à Tawana Brawley d’apparaître dans la vidéo : « le 28 novembre 1987, rappelle Bérénice Reynaud, une jeune Noire de 15 ans est découverte dans une poubelle, couverte d’excréments et d’inscriptions racistes, racontant qu’elle avait été enlevée et abusée par six Blancs. Une enquête conclut qu’elle mentait pour dissimuler une fugue. La presse noire se déchaîne, accusant l’Attorney General de »perpétuer la suprématie blanche« . Tawana Brawley se réfugie auprès du leader musulman Louis Farrakhan. Au moment de la sortie de Do The Right Thing, peu de gens, même dans la communauté noire, continuent de croire que Tawana »dit la vérité«  » (71). Dans son film, Lee filme même un graffiti : « Tawana dit la vérité ».
La vidéo est impressionnante, à tel point que les autorités brûlent de l’interdire pour « trouble de l’ordre public » (une cassette vidéo sera mise en vente, Fight The Power - Live, son succès sera tel qu’aujourd’hui tout groupe qui se respecte en produit). Lee filme un défilé où arts martiaux (S1W), écriteaux (portant les noms de leaders noirs et des membres de P.E.) et musique s’entremêlent avec efficacité. L’ultime chef d’œuvre, l’hymne des hymnes. Le « J’accuse » du Rap. Le concept de « Combattre Le Pouvoir » n’est pas une question de flingues ou de révolution violente, c’est une question de business qu’il faut surmonter, de réseaux qu’il faut construire et de légendes qu’il faut détruire : « Elvis était un héros pour la plupart/Mais je n’en ai jamais rien eu à chier/Ce branleur n’était qu’un raciste de première/Rien à ajouter/Qu’il aille se faire foutre, lui et John Wayne/Parce que je suis noir et j’en suis fier ». On revient à l’éternelle contradiction que j’évoquais plus haut... Utopistes ? Provocateurs ? Faux ou vrais révolutionnaires ? Heureusement, leur génie supporte et dépasse tous les doutes et les critiques qu’on formule à leur encontre.

  • Un bout de philosophie (III)

Suivent six mois de rumeurs. Un album et un maxi sont annoncés, respectivement : Fear Of A Black Planet et Welcome To The Terrordome. Public Enemy a de la suite dans les idées. Et il faut un sacré courage (la Foi ?) pour assumer tout cela. Une dose d’inconscience, diraient certains. Quand l’album sort début 90, Chuck D et Flavor Flav sont bombardés de questions. « Peur de la planète noire », qués aco ? « Chaque fois que des hommes créent quelque chose, ils font de l’ombre au voisinage. Dieu est religion, les hommes fabriquent les religions. Il reste toujours une chose sur laquelle les hommes ne se mettent pas d’accord, c’est partager également la planète entre tous, dans le respect de celle-ci et de son environnement, dans le respect de ses frères et sœurs êtres humains » (51). « Cet album a pour but de montrer la vision eurocentrique pour ce qu’elle est. Dans une civilisation blanche, le produit d’un mariage mixte est considéré comme noir. Surtout dans ce pays. Il existe une loi là-dessus. Une quelconque trace de sang noir en toi, et tu es noir. Alors tu te dis que si tu es blanc, tout ce dont tu as envie, c’est de procréer davantage d’enfants blancs, tu n’y réfléchiras probablement même pas parce que tu es programmé pour respecter un shéma, pour coller à ta race. Néanmoins, ta pensée est raciale plutôt qu’humaniste. Si le monde devait véritablement s’organiser autour de la paix et de l’amour, alors on aurait une population mixte, on ne maintiendrait pas un pouvoir de base blanc comme un club exclusif qui maintient les Noirs dans la misère. Fear Of A Black Planet parle de la peur que tous les gens qui ne sont pas blancs soient noirs et contagieux... » (72). Ces idées, Chuck D les tire de son enfance, de ses études, de ses expériences et de ses voyages : « je peux dresser des parallèles entre la lutte des Noirs américains et ce qui se passe en Israël ou en Irlande du Nord. Il faut voir beaucoup d’endroits pour saisir la vraie situation de ce qui se passe dans le monde » (54). Et Bill Stephney d’ajouter : « il nous faut réparer les injustices du racisme sans en créer d’autres. La discrimination inversée peut être aussi une injustice. C’est cette idée qui nous fait paraître conservateurs, mais nous sommes contre cela » (165).

Mais Public Enemy commet un nouvel écart, passé sous silence jusqu’à ce que le démasque l’Entertainment Weekly du 27 avril 90. : certains journalistes américains (leur nombre et leur nom sont tenus secrets) ont reçu avec l’album une brochure The Cress Theory Of Color-Confrontation And Racism (White Supremacy) signée par le Dr Frances L. Cress Welsing. Cette dernière, ex-membre de la faculté de Medecine de Howard à Washington, est décrite dans l’introduction comme « communément reconnue comme le plus controversé et discuté des medecins africains en Amérique ». Def Jam et CBS se déresponsabilisent et ne font aucun commentaire. Ce qui fera dire à Chuck D qu’il s’attend à « un soutien continu de CBS et de Def Jam, avec un relâchement final, ainsi qu’à des tentatives de la part de certaines personnes dans le business du disque, pour rendre la musique et les vidéos de Public Enemy plus écoutables pour les acheteurs blancs » (121). Une des théories de Cress est que « la qualité de la blancheur est en fait due à une insuffisance génétique, à un état de déficience génétique relative ou à une maladie fondée sur l’incapacité génétique à produire le pigment cellulaire de la mélanine qui est responsable de toute coloration de la peau ». Partant de là, Cress affirme que les Blancs se sentent inférieurs et que c’est la base de leur agression envers les autres races. On sait où ce genre de doctrine peut mener... Heureusement, l’introduction du pamphlet promotionnel, rédigée par Harry Allen (celui-là même qui fait les chœurs sur le second Lp et qui semble désormais chargé des relations publiques de P.E.) tempère la prose du fascicule de Welsing en le décrivant comme « l’un des écrits les plus forts et les plus pertinents jamais réalisés sur le racisme, le radicalisme, l’oppression et autres problèmes raciaux ». Si Chuck D nous explique que ce texte doit être vu comme l’une des influences majeures de Fear Of A Black Planet :« Cress Wesling démontre que ce qui empêche les Blancs et les Noirs de s’assembler, c’est une croyance raciste, instaurée il y a des centaines d’années comme quoi la race blanche est en quelque sorte pure, et que cette pureté va diminuer si elle se mélange avec d’autres races, jusqu’à ce que la soi-disante race Blanche s’éteigne. Elle appelle ça la théorie de l’anéantissement génétique Blanc » (54) ; Harry Allen s’empresse de nuancer : « l’idée que l’album met en pratique TOUTE la théorie de Cress Wesling est grotesque... le pamphlet est, de l’aveu général, un travail provocateur... » (73). Sur l’invitation du Dr Anderson Thompson (professeur à la Northeastern Illinois University de Chicago), Harry Allen et Chuck D sont allés présenter le 11 octobre 1990 une étude sur la réaction de la presse blanche au mailing de la Cress Theory réalisée par P.E. dans le cadre de la conférence Institute For The Study Of White Supremacy mise en route par le Dr Thompson.

  • Peur de la Planète Noire

Sur l’album sont invités Ice Cube (en mal de Niggers With Attitude avec qui il vient de se séparer et dont le Bomb Squad s’apprête à produire le premier Lp solo avant celui des Young Black Teenagers) et Big Daddy Kane. Prof Griff, à l’époque de l’enregistrement et même de la sortie du disque, est toujours membre de P.E., on l’entend rapper sur un des titres bien qu’ayant déjà signé avec Luke Skyywalker ; ce qui étonne Kool Shen du groupe français Suprême NTM : « dans P.E., tout est très bien calculé. Avant l’album, on fait un bon scandale. Griff sort un Lp très rapidement, c’est louche. Il devait avoir ses morceaux avant » (166). Fear Of A Black Planet est dédié, entre autres, à Ice-T avec la mention This One’s From Me, clin d’oeil au This One’s For Me dans lequel Ice-T prenait la défense de Public Enemy et rappelait leur droit à s’exprimer. La musique de Public Enemy a évolué tout en conservant cette intensité angoissante héritée du premier Lp et cette incroyable vitalité live du second mais ici chaque espace est REMPLI (plus de deux cents samples, dix-sept rien que dans les dix premières secondes de Fight The Power. Huit mille albums traîneraient sur les étagères du local du groupe...). Si Terminator X ne scratche pas ou si Flavor et Chuck ne rappent pas, l’espace sonore est continuellement comblé par des samples et autres bruitages. Pas de silence. Aucun. Vingt titres et autant de torpilles. Un son jamais vu, jamais entendu.
L’album s’ouvre sur le merveilleux Contract On The World Love Jam : « vous entendez cette voix dire : »There is something changing on the face of this planet today : Public Enemy« . Boum, boum, boum, introduction des samples, puis boum ! En plein dans le mille comme au basket, quatre passes et un panier ! » (115). Il y a le jovial 911 Is A Joke (911 est un numéro d’urgence pour la communauté noire. Une sorte de Samu qui oublierait de passer les vitesses) ; le funky Brothers Gonna Work It Out ; le calme Pollywannacraka (sur le mélange des races et des réactions qu’elle engendre et où la voix de Chuck D est un summum) ; le frénétique War At 33 1/3 : « 128 temps par minutes. Un véritable record dans ma façon de rapper, confie Chuck D. J’avais l’intention de l’amener à 155 mais je crois que la limite aurait été dangereusement dépassée. Même en travaillant sur ma diction, aucune parole n’aurait pu être distincte » (115) ; Anti-Nigger-Machine (manière déguisée et sinistre de dire Fuck the Police, une uncensored extended version existe en maxi) ; le violentissime Burn Hollywood Burn (vif cri de colère contre le système hollywoodien qui ne laisse aux comédiens noirs que des rôles de figuration ou d’arrière plan. Hommage à Spike Lee) ; le vengeur Who Stole The Soul (sur l’exploitation par le show biz blanc de la musique noire. CBS y est implicitement attaqué : « c’est une claque à CBS ; ils vont en faire de l’argent. Tu vois, j’aime utiliser les media, en leur laissant croire qu’ils ont le dessus, mais ils jouent avec de la dynamite », précise Chuck D) ; l’incroyable Incident At 66.6 FM  : « ça s’est fait sur une radio américaine où les auditeurs appelaient pour dire s’ils étaient pour ou contre Public Enemy. J’étais dans le studio. J’ai compilé ces appels et j’en ai fait cette chanson » (68). On y entend notamment d’imbéciles monstruosités comme « pourquoi passez-vous ces singes à l’antenne ? » et autres « retournez en Afrique ». C’est sûr que ces gens-là ont peur de la Black Planet ; ou encore le Raggamuffin’ - déglingué - vu par P.E. (Reggie Jax) plus les titres des maxis précédents : Fight The Power (bippé...) et Welcome To The Terrordome. Ce dernier résume en quelque sorte la démarche du groupe : « c’est la vision d’un correspondant noir sur l’année 1989. Je ne vois pas 1989 de la même façon que le New York Times. Je ne vois pas 1989 comme cette enfoirée de MTV. Je regarde 1989 comme un frère de ce putain de block pour voir comment 1989 m’a affecté moi et l’Amérique noire » (54). Chuck D explique qu’il a écrit cette chanson après le meurtre de Huey Newton (ex-leader des Black Panthers) avec qui il était en contact : « quand il a été assassiné, ça m’a vraiment fait chier. Je suis en contact avec beaucoup de frères. C’est important pour nous. Nous ne sommes pas des professeurs, quoi qu’en disent certaines personnes. Nous redonnons l’information. La jeunesse regarde vers nous pour trouver le vrai professeur. Et quant aux gens qui étudient depuis cinquante ans, nous les montrons du doigt et nous les laissons seuls juges » (53). Quatre rimes (« La crucifixion, ce n’est pas de la fiction/Les soi-disant élus, gelé/Je m’excuse auprès de qui veut/Et pourtant ils m’ont eu comme Jésus ») vont causer de nouveaux remous entre le groupe et certaines ligues juives : « je suis un artiste et ceci est l’imagerie que j’emploie, je ne peux pas me laisser influencer simplement parce que j’anticipe les mauvaises interprétations. Je parle d’abord d’une crucifixion médiatique (...) CBS a essayé de faire pression mais je leur ai dit : »Vous ne m’aimez pas, vous me censurez et je me casse de là demain. Mon prochain Lp sera un disque d’or pirate« . Mais ils ne veulent pas passer à côté d’un disque qui se vendrait à plus d’un million de copies » (50). Des articles et même des débats télévisés traitèrent de cette chanson avant même sa sortie. D’où sont venues les fuites et pourquoi ? Cela reste un véritable mystère. Quelques temps plus tard, pour calmer le jeu et montrer sa bonne foi, Chuck D s’est rendu à Los Angeles, sur l’invitation d’un leader juif, pour visiter un musée consacré à l’holocauste. Peu avant, le 17 juin 90, P.E. assista à une manifestation devant la Maison Blanche pour lutter en faveur des droits des Noirs en compagnie de 5000 personnes dont Jesse Jackson, Bobby Seale et Malika Shabazz, fille de Malcolm X..

Pour finir sur l’album Fear Of A Black Planet, sachez qu’un triple-maxi réservé aux radios U.S. : Terminator X DJ Performance Discs est sorti, regroupant tous les titres de l’album (plus un inédit : Radio Beat) revus et « corrigés » par Terminator X et qu’un 45t (remixé à Londres façon Dance par S&P/Jerv Production) de Can’t Do Nuttin’ For Ya Man est paru aux U.S.A. à l’automne 90 (tandis que Flavor Flav vient de finir la mise en boîte de son premier Lp solo : The Life-Styles Of Rich & Poor).
Lors de l’enregistrement de Fear Of A Black Planet, les Sonic Youth (groupe hardcore de New York) enregistraient dans un studio mitoyen leur Lp Goo. Aussi Chuck-D y fait un speech sur Kool Thing. On l’a encore vu aux côtés des incendiaires 2 Black 2 Strong (la pochette de leur maxi Burn Baby Burn, chez In-Effect Rds, montre la bannière étoilée se consummer...). Ces derniers se sont eux-mêmes surnommés les MMG pour Militant Manhattaan Gangsters...

War At 33 1/3

Public Enemy a bouleversé le Rap. L’odeur de soufre qui les accompagne a indéniablement contribué à leur succès : écouter P.E., dans certaines situations, relève pratiquement de l’acte politique et reste un fantastique plaisir pour le corps et l’esprit ! Hervé Deplasse nous expliquait fort bien l’attitude et l’ambiguïté du groupe (cf. son interview). Francis Dordor, redacteur en chef de Best, ne se trompait pas sur la valeur du groupe quand il écrivait : « nous ne vivons pas de situation à la hauteur de machins aussi infernaux que Welcome To The Terrordome ou Burn Hollywood Burn ; nous n’avons pas d’espoir, ni de volonté qui puissent se hisser au niveau de Brothers Gonna Work It Out ou Fight The Power (...) Nous sommes désespérément pauvres en énergie agonisante (le consensus, le consensus). Voilà pourquoi nous méritons la médiocrité d’un Johnny Clegg, cette sinistre parade du bon blanc qui aime ces pauvres négros opprimés, qui lève la jambe aussi haut que le zoulou (et qui passe à la caisse avant lui). Notre compassion, Public Enemy nous la renvoie en pleine gueule » (74). Mais, si je peux me permettre, il a fallu attendre trois Lp’s, deux mini-tournées françaises (etc.) pour que P.E. fasse la couverture de Best alors que Johnny Clegg...

La question est de savoir combien de temps P.E. pourra continuer à jouer avec le feu, autrement dit à se renvoyer la balle avec les médias. Des média qui, pour reprendre l’expression d’Hervé Deplasse, « ne relèvent que les conneries, comme pour éviter les vraies questions » (75). Car, au-delà des scandales et des provocations, qui se soucie réellement des problèmes que soulèvent mieux que quiconque P.E.? Leur provocation n’est pas gratuite, elle sert la réflexion. Avec un pur génie musical, Public Enemy nous jette à la face la réalité.

  • ORIGINAL CONCEPT

Les rappers Doctor Dré, T-Money, Rapper G, DJ Easy G Rockwell (champion du monde en 85) se réunissent au milieu des années 80 sous le nom d’Original Concept. Ils viennent de Westbury à Long Island. Fin 85, ils signent chez Def Jam et sortent leur premier single Knowledge Me/Can You Feel It ? en février 86. Bien que Can You Feel It ? soit honteusement samplé des dizaines de fois, que leur second simple Bite ’n My Stelee/Pump That Bass fasse rire des milliers de gens, Original Concept devra mariner plus de vingt-quatre mois avant de sortir leur premier et unique Lp, Straight From the Basement Of Kooley High ! (Kooley étant un lycée mais aussi une allusion - peut-être - à un film du début des 70’s).
Plus de huit homeboys viennent « crier-en-studio » et deux guitaristes plaquent leurs accords sur quatre titres (un batteur joue sur deux d’entre eux). Le disque - très osé et très en avance en ce qui concerne les arrangements - pâtit du triomphe des autres groupes Def Jam qui remplissent les stades, et ce malgré les titres Johnnie Wuza Gangsta (à rapprocher de Run DMC pour les grosses guitares, l’histoire d’un trafiquant tué à 16 ans), de Can You Feel It ? 88 (réenregistré pour l’occasion) ou Total Confusion (et ses voix qui s’éloignent petit à petit). Autres grands moments : She’s Gotta Moustache et Fatlady (à classer parmi les titres les plus irrévérencieux envers la gente féminine) ou encore Get Stupid dans lequel Dr Dré rappe comme chantait John Lennon dans Sgt Pepper’s Lonely Heart Club Band. Depuis, plus de nouvelles, hormis pour Dr Dré (à ne pas confondre avec Dr DRE, le producteur des N.W.A.) qui anime une fois sur deux l’émission qui fait la pluie et le beau temps Yo ! MTV Raps et qui fut DJ pour les Beastie Boys lors de leur tournée américaine en 88. Le reste du groupe semble s’être désagrégé, Original Concept n’est annoncé nulle part.

  • SLICK RICK

Ricky Walters, Ricky D, est né en Angleterre où il vécut ses quatorze premières années. Emigré à New York, il ne tarde pas à s’incruster dans la scène Hip Hop. Dès 85, il participe à l’écriture de certains titres de Doug E. Fresh avant de rencontrer DJ Vance Wright avec lequel il fonde Slick Rick. En 1988, Def Jam sort leur premier Lp : The Great Adventures Of Slick Rick. Un disque auquel prennent part Hank Shocklee et Eric Sadler (producteurs et codépositaires de six des douze titres) et Jam Master Jay, producteur de The Ruler’s Back : une des chansons les plus cool de l’année 88. Deux ans après, elle n’a pas pris une ride - un exploit dans le domaine du rap. Une trompette, profonde, revient toutes les quinze rimes. La voix de Ricky D est un pur joyau. Il ne faut pas s’attendre au torrent sonore de Run DMC ou de P.E. mais à un disque drôle, joliment bien ficelé, bourré de scratches légers et bien sentis. La voix si chaude de Ricky D se prête au demeurant fort bien aux « paroles explicites » (ce qui est finalement assez rare chez Def Jam) de Treat Her Like A Prostitute qu’on retrouve dans le film Tougher Than Leather, de Lick The Balls (« Lèches les boules » !) ou d’Indian Girl. Cette dernière est sous-titrée An Adult Story. Tout l’esprit de Slick Rick est là : ça démarre comme un dessin animé rappé où Ricky D se prend pour « Davy, Davy, Davy Crockett » mais les paroles s’écartent vite du cartoon pour kids. Children Story est une autre chanson, plus « responsable » celle-là, racontée du bout des lèvres, sur la drogue et le destin des dealers. Le piano et les cuivres tristes sont du plus bel effet. Alors que Def Jam annonce un nouveau Lp (qui, espérons, connaîtra un meilleur accueil, et des journalistes, et du public), on apprend que Ricky D « est impliqué dans une affaire de meurtre (...) il est soupçonné d’avoir tenté d’éliminer deux hommes dans un drive-in du Bronx - l’affaire remonte à l’été 86. Il s’agirait d’un règlement de comptes » (214). An adult story ?

  • 3rd BASS

De la « relève Def Jam », les 3rd Bass sont sans doute les plus virtuoses et ceux qui apportent le plus au Rap. Pourtant, première surprise, ils sont blancs. Le Rap est, par essence, une création noire. Le ghetto, l’histoire noire, la Soul, le Funk, etc., voilà que 3rd Bass envoie balader tous ces clichés et prouve à tous ceux qui ne l’avaient pas encore compris que le Rap est avant tout une VISION, un esprit. « Nous ne sommes que des rappers, que nous soyons Blancs ne devrait pas faire la différence » (76). Ce n’est pas la première fois qu’un groupe blanc fait du Rap. Il y a eu les Beastie Boys et sur... le même label en plus ! Ce qui, j’enfonce le clou, empêche toutes critiques raciales envers Def Jam. Mais 3rd Bass déteste être comparé aux Beasties : « ils ne disent rien dans leurs paroles, nous, si » (77). « Les Beastie Boys et nous jouons dans deux ligues différentes. Ils n’ont rien à voir avec nous (...) j’aime une grande partie de la musique de leur dernier album, mais je n’aime pas du tout leurs paroles. Je n’aime pas leur son » (78). Cependant, 3rd Bass affectionne le non-sens et l’humour chers aux Beastie Boys mais là s’arrête la comparaison : la démarche de 3rd Bass est plus « intelligente » que celle du trio brooklynien. Leur musique est aussi plus riche, plus étoffée.

Seconde surprise, MC Serch et Prime Minister Pete Nice se haïssaient avant de fonder 3rd Bass avec DJ Richie Rich, qui lui est noir. D’origine juive, Michael Berrin (MC Serch) était membre du groupement islamique Five Percenters, avant de devenir rabbin. Ses débuts dans le Rap se font avec l’enregistrement de Maelissa pour Warlock Rds puis la création d’Idlers Rds avec Tony D. Pete Nice débute avec Hey Boy/Go White Boy puis une version de In The Name Of Love de Todd Terry. Son manager tente de l’arnaquer, il le vire et se met à travailler avec Big Daddy Kane, Salt ’n’ Pepa et Doug E. Fresh. C’est par leur intermédiaire qu’il rencontre Sam Seyer (producteur de Mantronix, Tashan, etc.) qui fait la liaison avec Pete Nice et ensemble, ils enregistrent Wordz Of Wisdom (Sam Seyer fut même un temps le troisième membre de 3rd Bass). Avant d’en arriver là, Peter J Nash (Prime Minister Pete Nice) fut élevé à Brooklyn. Son père entraînait l’équipe de basket du quartier. Pete est ramasseur de balles et discute souvent avec les joueurs, noirs pour la plupart. Ce sont eux qui lui font découvrir le Rap. A la Columbia University où il étudie (licence d’anglais, les remerciements sur la pochette du Lp : Anden, Byron, Joyce, Hubert Selby viennent de là. Il les cite lors d’interviews), le jeune Peter anime une émission Rap sur la radio du campus, invitant des artistes non encore signés comme Jungle Brothers, Big Daddy Kane.« En fait, on ne s’aimait pas du tout, je refusais toujours de passer le disque de Serch dans mon émission (...) et nous avons même eu quelques heurts. Je me souviens qu’une fois, nous avions décidé de nous rendre ensemble dans un club et une fois arrivés, pour une raison quelconque je ne pouvais pas rentrer et il m’a laissé sur le trottoir ! A chaque fois que quelqu’un nous proposait de nous réunir, ce qui arrivait assez souvent, on faisait toujours non de la tête » (79).

Leur nom est plus ou moins lié à leur croyance mystique et numérologique en « l’unité, la formation du cercle, la Réunion des trois religions : la Christianisme, le Judaïsme et l’Islam » (76). MC Serch commente la philosophie pro-black et antiséparatiste de 3rd Bass : « nous voulons briser les stéréotypes qui ont été installés à propos de la communauté noire, et je pense que nous le faisons d’une façon intelligente. Nous ne te mettons pas un coup de poing dans la gueule, en affirmant que nous sommes noirs. Nous ne sommes pas noirs, nous sommes blancs, mais notre amour et notre respect pour la communauté noire sont profonds » (65).

  • The Cactus Album

Fin 89, c’est la sortie de The Cactus Album : « ça s’appelle ainsi parce que le cactus survit dans un environnement où d’autres faneraient ou mourraient. En fait, il fleurit dans le désert. Notre situation est similaire. Nous avons grandi dans des environnements noirs, nous avons absorbé et adopté la culture puis nous avons été dans des quartiers où ils ne considèrent même pas les noirs comme des être humains » (80). Le disque atteint rapidement la sixième place du Billboard et approcherait le million de ventes aux U.S.A.
Une ambiance cool, des influences Jazzy çà et là, des extraits de films des 50’s, un xylophone (samplé ?) et un phrasé d’excellente facture caractérisent le disque. Le Jazz, disais-je, comme le piano piqué à Jerry Roll Morton dans Gas Face : « Les chats noirs portent malheur/Les mauvais garçons portent du noir/Ce doit être un Blanc qui a inventé ça/Faites un »Gas Face« à tous ces petits mensonges blancs ». Qu’est-ce qu’un « Gas Face » ? « C’est une grimace de dégoût, une expression que tu utilises quand tu entends ou que tu vois le genre de connerie qui ne nécessite aucune réaction verbale. C’est un morceau drôle, mais avec un message sérieux. Ça parle de certains frères que nous connaissons qui se sont fait jeter de maisons de disques et de la façon dont les Noirs sont stéréotypés et dont les situations sont manipulées » (79). Le Blues moderne flotte aussi avec cette imitation de Tom Waits avec Flippin’ Off The Wall Like Lucy Ball : « c’est venu après avoir samplé cette ligne de cuivres d’une chanson de Tom Waits. Serch est entré dans la cabine, il a commencé à chanter par dessus et on a fini par enregistrer six minutes de son chant et de son rire sauvages. Nous n’avions pas l’intention de l’utiliser mais tous ceux qui l’ont écouté ont trouvé ça vraiment drôle, alors on s’est dit : »O.K., on va le monter et le mettre dessus« . Malheureusement, Tom Waits est devenu fou quand il a écouté une copie du morceau, il disait que Serch l’imitait et se moquait de lui. Il a même refusé de nous laisser expliquer qu’il ne s’agissait pas de se moquer de lui (...) Dès que le disque est sorti, Waits a exigé une somme astronomique et a menacé de nous poursuivre en justice. Bien que nous soyons maintenant parvenu à un accord, dont une partie précise que Lucy Ball ne figurera pas sur le second pressage du disque, cette histoire nous a mis très en colère. Cette image d’artiste-qui-crève-la-dalle n’est qu’une énorme tromperie » (79).

Et puis, il y a le total non-sens de Stymie’s Theme, Hoods, Episode #3. 3rd Bass s’est même fendu d’un étrange You Don’t Understand The Size Of It... En réalité, les textes de 3rd Bass ont souvent une double lecture possible comme l’illustre Oval Office : « à un niveau, ça ne parle que de sexe, mais à un autre niveau, c’est une satire de la politique de Guerre. Le sexe et la politique marchent main dans la main de toute façon » (65).
Et je ne peux finir sans mentionner l’excellent The Cactus guilleret à souhait. Un mini-Lp remixant sept titres de l’album (plus un inédit 3 Strikes 5000) est sorti fin 90 sous le nom du Cactus Album Revisited (Marley Marl, Prince Paul et 3rd Bass sont les retoucheurs) tandis que le véritable second Lp vient d’être enregistré et devrait sortir en 1991. En compagnie de Slick Rick, Marley Marl, Terminator X, Flavor Flav et Run DMC, 3rd Bass apparaît dans la première vidéo des Afros.

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Messages

  • Les Editions La Brèche Clandestine Orléans présentent : Rap et révolution / Défi de la jeunesse noire américaine Brochure au format PDF 1,1 Mo en bas de cette page !

    Pour la petite histoire, je suis un disciple de Georges Lapassade ! Je prépare un travail sur les ateliers de poésie urbaine en France.

    Salutations les plus amicales.

    *** Karim ***

    Voir en ligne : LCR Orléans / sommaire... photo Public Enemy pour tout l’été !

    • Bonjour, Je souhaiterai juste entrer en contact avec Karim voir l’auteur de ce livre.G kiffer le petit article,la petite histoire comme il le dit si bien ki reste pour moi la culture hip hop une grosse histoire ss fin.Kan a moi je travail ds une asso ki a pour but de promouvoir les Kultures urbaines. Nous fezons de la promotion d’artiste,street marketing,évènementiel et je mokupe paralèlement d’1 artiste rap Fredy K menbre actif du groupe ATK je vous laisse mes coordonées en l’attente de votre réponse.Tisso 06/64/50/62/67 Mon mail urbankulture@hotmail.com trés bonne continuation . PS:Je souhaiterais de tou keur propozer kelkes idées et pkoi pa partager ou discuter d’1 projet ki me trote ds la tête depuis un bout de temps voir si la personne serait interesser pour son proch1 livre merci. Mes sincères salutations.

    • Salut Tisso j’ai lu ton message pour le livre j’ai vu qe tu t’occupe de freddy k je conai par rapport à l’album d’atk. Je chante en français et en américain un peu à la jaheim dc si ça interresse ton artiste je te laisse mon mail : street.poet@caramail.com

      Elijah

  • Bonjour Davdfuf

    Mon prénom c’est Mel, je suis étudiante en histoire contemporaine à la Sorbonne. Et pour ma maîtrise j’ai choisi d’étudier « le mouvement Zoulous dans les représentations et la société de la région parisienne ». Même si mon mémoire portera plus sur les déviances « à la française » ( et sur leur médiatisation tendancieuse), la Zulu Nation c’est forcément une histoire de hiphop. Or tes connaissances en la matière n’ont plus à être pouvées vu le succès de ton livre, donc si jamais tu avais quelques instants à m’accorder, j’aimerais que tu me parles des années 90.

    Bonne route à toi. elverra@hotmail.com

    • Bonjour, je suis Queen Candy, une des fondatrices de la Nation Zulu Française te si tu veux, tu peux me contacter afin de ne pas écrire n’importe quoi sur les Zulus. Peace

    • Salut, cec est un message personnel à Queen Candy avec qui j’essaye de rentrer en contact depuis quelques temps deja. On se connait depuis l’origine de Spray Can Mag, époque ou nous correspondions ensemble pour le mag, mais depuis j’ai perdu toute trace de notre Queen. Les années ont passés et j’ai meme essayé d’écrire à SCM (cité Picasso) mais la lettre m’est evidemment revenu. Voila si aujourd’hui on peut rentrer en contact à nouveau ça me ferait plaisir. Merci de transmettre ou de me donner ses coordonnées. Mon nom d’époque était KEN et j’habitais à Montrabe (pour me resituer). olivier.armengaud@laposte.net

    • bonjour, on m’apelle vii, je cherche à entrer en contact avec des ’vrais’ zulus pour le projet de création d’un site web qui devrait servir de tremplin aux gens qui ont, comme moi-meme, le désir et la foi de faire revivre la lumière et la réelle lutte, qui se souviennent que le hip hop c’est pas uniquement la benz et trois meufs en string....merci de me contacter au princez@wanadoo.fr PEACE-VII

    • Chere Queen Candy !!

      Travaillant a NY j ai pu voir a quel point la culture hip hop est puissante comme l impacte de la zulu nation contre le « bling-bling » J ai pas mal de questions a te poser sur la zulu nation france ? Comment pourrais-je te contacter ? Vive the true hip hop peace Jay E

    • Queen Candy !!!!

      J ai pleins de questions au sujet de la zulu nation france. Comment puis je te contacter ? Vive the true hip hop ! peace Jay E

    • message pour Queen Candy bonjour j’ai fait qques photos a un concours de graf que tu avais organisé a la courneuve j’aimerais avoir la date : 88 / 89 ?

      si y’a moyen

      merci

      pascal boissiere

      pascal.boissiee@yahoo.fr

    • Bonjour Pascal, c’est Candy. Faut l’faire : ce n’est qu’aujourd’hui que j’ai découvert ton message sur le site de Daveduf ! S kil n’y aurait pas une erreur d’orthographe à ton adresse e.mail ? boissiee ou boissiere ? Manque pas le R ? Quoiqu’il en soit, tu peux m’écrire sur : queencandy@neuf.fr

      À bientôt !

    • Ce message s’adresse à miss Queen CANDY (fondatrice de TZL, Spray can mag... Reine ZULU de Paris !

      je graf depuis 87 et taff sur le projet d’un livre sur le graffiti mais aussi sur une émission de télé sur le net sur la culture HIP HOP (classiqhall) prévu en juin 2008

      je cherche à rentré en contact avec CANDY, mais le mail que j’ai trouvé ne marche pas...

      jetant une bouteille à la mer...

      Merci de me contacter si nouvelle :

      artcoreshow@gmail.com

      Cordialement COMER

    • Salut, C’était en 89 et le thème du concours portait sur la liberté. Y’avait même un graff dédié à mandela qui devait sortir de taule.

    • par hasard je tombe sur cette page en cherchant le nom des sapes trés colorés, style ,le groupe TLC et j’ai lue vos com et suis tombés sur ce message de Queen Candy....et quand j’ai vue le sujet du concours de graff de 89,ça m’a rappelé un souvenir de ouf....j’avais connaissance d’un graff« LIBERTE » de la zulunation....en 89 qui était passé dans une revue de presse nationale et j’avais refait le meme graff dans ma ville.....alors je repense a Candy a Zulu Letter...etc ...a ce jour mon surnom est « lecompasman » et sur you tube vous trouverez des vidéos « lecompasman » ou « le traceur de cercle »ou « cercle sur le sol »si ça vous dit,ayant pratiqué plusieurs discipline de la culture hiphop depuis le millieu des 80 ....respect a Candy et l’époque ou le mov« était »culture hiphop« .....meme si tout n’était pas clean......comme james dean.....on avait »la fureur de vivre" un truc vrai de rue,inventif,créatif.....dommage pour ce que c’est devenue....je m’y recconnais plus depuis plus de 15ans...

  • Salut à tous !

    Je tenais à vous dire que j’ai adoré votre livre (A quand une réédition ?). Nous avons décidément de bons auteurs sur le hip-hop et le rap en France (Georges Lapassade et Philippe Rousselot pour leur magnifique essai « Le rap ou la fureur de dire », SBG et Desse pour leur « Freestyle », Olivier Cachin…) J’officie moi-même sur un site internet consacré au hip-hop avec un pote, webmaster : www.scarla-webzine.com . Mon pseudo, c’est Zili Spike. On se démène comme on peut, entre cours, soirées et repas de familles (sic) pour régulièrement mettre à jour notre p’tit bijou. Donc voilà, je venais ici pour faire un peu de pub et élargir notre cher (et rare) public, qui, je l’espère, appréciera notre boulot. Je serais également heureux d’avoir l’avis du maître sur mes articles. J’ai fait des news et des dossiers en rapport avec l’actualité hip-hop à mes débuts, plus ou moins pompé sur des papiers de Groove ou Radikal, mais on a maintenant trouvé notre véritable identité, et on se concentre plus sur des sujets qui n’ont pas encore été mis en exergue (les relations entre rap et rock, rubrique « articles & dossiers »), des idées qu’on pense originales ou des artistes peu médiatisés, qu’ils soient américains ou français (Dead Prez).

    Je lance pour finir un appel à des rédacteurs, traducteurs, chroniqueurs, et pourquoi pas dessinateurs, caricaturistes qui, comme nous, ont envie de bosser sérieusement (et sans rendement bien sûr, mais aussi sans salaire…) pour le simple plaisir, ou parce qu’ils rêvent de voir un jour leur nom en bas d’un article de la presse spé hip-hop. Avis aux intéressé(e)s ! Contactez-nous à l’adresse suivante : support@scarla-webzine.com.

  • Re-Salut !

    C’est encore Zili Spike. Je viens annoncer à mon cher (et un peu moins rare)public que le site change d’hébergeur (mais ça, vous vous en foutez) et de nom : De scarla-webzine.com, on passe à www.scarla.net @ bientôt les homies !

  • Bonjour je m’appelle nath je fais des études pour être musicien intervenant en milieux scolaire et je fais un mémoire sur le beat box je récupère toute les info possible sur ce sujet:expérience personel,méthode pédagogique avec les enfants les ados,expérience farfelue,fusion avec différent style...Merci d’avance. nath_bianconi@hotmail.com

  • Ce livre est disponible au rayon « musique » de la médiathéque d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais).

    Voir en ligne : http://perso.wanadoo.fr/lepierretor...

  • peace akhi

    Je rebondis juste sur les saluts à l’encontre de Queen Candy (ça me rapelle désirée aussi) et autres amis de la zulu nation, aux anciens de ticaret, Lionel-D, D-Nasty et consors et juste pour demander une faveur, je recherche désespéremment la video du clip « ndodemnyama » chanté par le crew « hip-hop artists against apartheid » juste avant la libératoin de Mandela de 1990, dans lequel deux rappeurs français venaient se joindres aux grands noms de l’époque, j’ai retrouvé la musique originale mais sans les deux couplets français :(

    Si quelqu’un a un quelconque moyen de me retrouver ça, je lui serait grandement reconnaissant.

    merci à toutes et tous

  • Salut tout le monde ! Je suis étudiant en anthropologie et je dois rédiger pour septembre un mémoire sur le mouvement hip hop sénégalais. Si quelqu’un possède des infos sur ce sujet, peut-il me les envoyer ? Merci à tous.

    Mon mail : julienlandreau@hotmail.com

  • bonjour ! je suis un éducateur spécialisé, j’ai des ateliers de danse hip hop j’intervien dans le milieu scolaire (milieu instutionnel). En décembre je dois faire une conférence sur le mouvement hip hop dans un lycéé j’aurais besoin de plus de renseignement sur la ZULU Nation on peut me contacter sur Paul.filippi@neuf.fr et Merci

  • Bonjour a tous ! Moi, c’est Younes du 90, je suis tombé presque par hasard sur le site...bref, moi je suis étudiant en physique chimie, je sais que ça n’a rien a voir avec le rap mais j’ai vu des aritcle qui m’interesse tout de même non par leur structure moléculaire mais par l’intérêt que je peut leur porté : pourquoi ? très bonne question tout simplement parsque je suis chanteur de rap à côté ! et oui !!! donc si quelqu’un peut ou veut me donner un coup de pouce tout simplement en écoutant mes morceau dans un premier temps pour ensuit envisager la suite....merci nessyou21@yahoo.fr 0609987323

  • Bonjour, je suis un élève de première L et réalise mon TPE sur le thème : Le rap, un moyen d’expression. Merci pour les infos de votre livre. Si le travail fini vous interresse, je pourrai vous le passer. Si vous le voulez, laissez un commentaire ici et je vous expliquerai comment vous l’envoyer. Merci encore pour les infos ! Valentin

    • bonjour a tous, je m’interresse depuis quelque temps ou rap et a un peu tous ce qui tourne autour, j’aimerai bien avoir le maximum de document parlant du rap, donc si vous avez quelque truc (pdf, site internet,...ou autre) merci de me le dire, voila mon adresse mail : ultradelasud1992@hotmail.fr

      merci d’avance ;)

  • salut, pour vous dire que la culture hip-hop a évolué, quelle se réduit de plus en plus à un bizness qu’elle perd son essence et ses valeurs, bref le rap nique tout avec une bande de branleurs qui ne visent que la guez la villa et les bitchs<...FUCK IT ! les résistants ne passent pas dans les médias mais heureusement ils sont là (surtout en provinve), une culture plus qu’un faux moyen de vivre, les vrais ne mesurent que leur art (le reste on verra...) Donc nique tout le « pseudo mouvement » caillera qui vise les dollars en jouant les « victimes », va au bled mec, et tu verras s’il tient ton putain de fond commerce à la calimero, boy bas toi et ne te plains pas de ce que tu fera aux autres si ça marche pour toi un jour....T’aura une marque de sape, tu feras travailler des minos du tiers monde en disant « j’ai pas l’choix ! » FUCK IT... Le hip-hop vrai devient rare et peut-être que c’est pas plus mal (dieu reconnaitra les siens...) bon bah boujou les gars (positif-impakt@hotmail.fr) et big up à la Nuance Subtile (hip-hop 2 Hot-Normandie)...

  • Pour des raisons pratiques, je me suis permis de convertir les pages en fichier global PDF (sans signets). Si autorisation davduf.net, il est dispo en téléchargement sur demande ==> fandilule@tiscali.fr

    • hey hey...

      Bonne initiative ! Peux tu m’envoyer une copie pdf que je vois ce que ca donne ? Merci !

      D.

    • Hé bien, voilà, le fichier est pret. Yo Revolution Ra en PDF

      Un garnd merci à Fandidulé pour tout le mal qu’il s’est donné !

    • Oh le lien pour le fichier pdf ne marche plus !!!

      J’ai pas eu le temps de le conserver dans mon ordi... est-ce que quelqu’un pourrait me l’envoyer par mail please ???

      merci à tous...

      et souvenez-vous : Peace, Unity,....etc

      Bises,

      Marion

      mail : mayleen71@yahoo.fr

  • la médiocrité des mélodies pop africaines de johnny clegg ?? passe ton bac d’abord, cultives toi, ensuite tu parleras sur la médiocrité, pauvre (h)urluberlu ! Ensuite tu feras du sport et t’essaieras de lever ta jambe au dessus de ton bras de fauteuil.

  • bonsoir je souhaite connaitre le titre de l album de la rappeuse DA BOSS année 1992/1993 merci

  • bonjour je voudrai savoir a partir de quel age vous prenez les perssones qui font de la musique car moi je tien un groupe de rap et j’aimerai me faire entendre alors reponder moi sil-vous play. aurevoir et repondez nous vite merci..

  • OK Franck. J’ai pourtant bien supprimé ton nom depuis un bail. Je ne vois pas où il apparaitrait...

    Pour information, il s’agit d’un livre qui date de... 1991.

  • Bonjour David. Je suis curieux de votre lecture de cet article sur l’électro hip hop.

  • Bonsoir,

    J’avais rencontré au siècle dernier Candy gràce à mon ami musicien Fred Montabord alias Docteur Fred. Avec un ami Olivier Brial (rip) nous avions produit Africa Bambata en concert au Place et à SOS Racisme avec un big band dont Sydney à la basse , Dcteur Fred et Edddy Emilien aux claviers, Yves Njok guitare, Brice Wouassy battereie... Ma question que devient Candy ? Texaco et Mariam me connaissent du temps où je manageais pour Africa Fête en France le goupe de hip hop ragga sénégalais Positive Black Soul de 93 à2000 (PBS que nous avions aidé à la signature en maison de disque : Mango/Island UK et chez Polygram musique pour les éditions ) Merci d’avance pour votre réponse

    Salam-Shalom

sous-culture

yo ! révolution rap

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