Garage Punk Rock 60’s

Les Remains. Ou : le rock, une musique de vieux (finalement).

Par David Dufresne, 24 avril 2006 | 5899 Lectures

Tes 15 ans, dans le fanzinat. Et une lettre jaune, jaune-soleil, hein, pas jaune-jaunie, pas encore, qui venait de Boston, au début des 80’s. Elle était signée Vern Miller Jr. Le bassiste. Et le voilà qui est là, face à toi. Un bon cent kilos, une bonne barbe, une bonne bouille, vingt ans après, exactement. Vern Miller Jr, une de tes premières interviews. Ta vie qui bascule. Le collège, premières filles, Fender Tentations, My rocker is not rich. Et tous ces souvenirs qui remontent. L’ami disquaire qui prévient qu’il n’y a pas que les Beatles dans la vie, même si ceux-là, les Remains, ont joué avec eux en 66. Le zine toulousain Nineteen qui parle de garage-rock, comme s’il s’agissait d’une drogue dure, avec un label parisien, Eva Rds, qui en refourgue, quasi-clando, et eux, putain, eux, les Remains, quasi-riens, qui ont touché le Sublime. I Believe in You. Eux : Boston, 1964/66. Toi : Poitiers-Pourri, 1984/86. Eux et nous : Paris, 2006, au Trabendo.

«  You got a heart time coming.  »

Remains
Remains
Trabendo, Paris, 14 avril 2006

Les Remains. Synthèse quasi parfaite de la poésie fuzzy et de la British Pop Invasion. Les Yardbirds, les Beatles, Les Stones, et le blues1. Les Remains et leurs gueules d’anges perdus qui savent que la vie ne donnera pas ce qu’elle devrait. You got a heart time coming. T’as quinze ans, te voilà prévenu. Les temps seront durs. Tiens bon.

Le Trabendo. Dix ans déjà que t’as pas foutu les pieds dans un concert. Dix ans, vraiment, et des têtes familières partout, des noms qui ne reviennent pas, et des gueules, aussi, qui ne devaient pas te revenir à l’époque, mais du temps a passé, alors... Et des sourires en coin, comme pas sûrs, et des retrouvailles en pagaille. Eric Débris, chanteur et homme de Métal Urbain, qui raconte, plein de joie, leur nouvel album, enregistré avec Jello Biafra, le Dead Kennedys pas mort. 2006, les 30 ans du Punk et v’là Débris, l’un des inventeurs de l’électro-Punk, en forme. Et puis Yazid, inlassable attaché de presse, l’un des rares à valoir le coup. Il est au Coca, non, non, je reprends une bière. Et Christian Eudeline, petit frerot de Patrick, auteur d’un bouquin à paraître ces jours çi, les Anti-Yéyé2, avec Polnareff et Ronnie Bird en guest stars. Heart chantent les Remains. A la fin, finalement, c’est ce qui reste. Du cœur. A l’ouvrage. Ou du cœur tout court. Heart, basta - le reste c’est du chiqué.

Remains
Remains
Trabendo, Paris, 14 avril 2006

Le Trabendo. Et un voyage dans le temps, un retour simple, sans aller, vers le Rex-Club, il y a vingt ans. Fuzztones, Fleshtones, Tell-Tale Hearts, Creeps. C’est le fardeau du rock. Sonics, Swamp Rats, Remains. Revenir par intervalle régulier. Kills-White Stripes-Vines-Hives. 66-86-06, on appelle ça le garage-rock, petit.

Dans la salle, des filles affolantes, mini-jupes et danses du bassin. Du noir, du blanc, du noir et blanc et des mecs pas en reste, plein d’attitudes sur-faites, et drôles. Se croire Brian Jones quand on est que CPE. Why do I cry. On appelle ça le rock, petite.

Ces soirées ont un nom : Gloria. Elles sont bien faites, ces soirées. Avec des tout-jeunes et des déjà-vieux. Merde. Ils sont jeunes, je suis mort. Et on dirait que je n’ai pas bien vu l’accélérateur sous mes pieds. QU’EST-CE QUE TU FOUTAIS, MEC ? ricanent les jolies donzelles, déjà le regard ailleurs. Merde, c’est vrai. Qu’est-ce qu’on a foutu ? Du Net ? Tu te rends compte du ridicule... En face, les Remains. Un look pas possible d’Américains en goguette à Eurodisney. Sneakers et casquette blanche pour Barry Tashian, l’homme à la voix roucoulante de When I Want To Know. Moi, à dire vrai, je ne veux plus tellement savoir. Les Remains ! Les Retraités ! Les Retirés ! Ils se reforment ! Ce soir chez Michou le Trabendiste ! Ce soir dans votre ville, dans votre Maison de retraite. Et merde ! Débris, un demi !

Barry et ses Retraités

Remains
Remains
Trabendo, Paris, 14 avril 2006

Et puis, premier geste, premier riff, première phrase, en Français. « Merci beaucoup ». Barry et ses Retraités sont des gens bien, des gens heureux qui vont sourire et donner du oui « it’s coming », ça vient, ça vient, à chaque réclamation, à chaque chanson demandée. Ils sont là, rigolant, doigté et dextérité, des Chuck Berry inversés, pas là pour la thune, mais le fun. No thune, my babe, no thune to be alone... On remet ça, les gars, allez juste avant l’Ultimate Tour ? La fin approche, le concert démarre, c’est plus vrai que bien des groupes de jeunos. Ça ne joue pas, là. Ça ne fait pas semblant. Ça ne se déguise pas. Y a urgence, Diddy Wha Diddy. L’Ultimate Tour, les Adieux, le line up originel3. Devant 400 personnes, quoi ? 500 ? All Good Things, tu parles. Les regarder, et se surprendre à larmoyer. A ne pas y croire. A sourire aux anges et aux souvenirs. Tant qu’Il y Aura Du Rock, papier jauni désormais, Jello Biafra, Les Fleshtones à Orléans, première fugue/début de la fuite, G-L-O-R-I-A, 86-Devaquet-Oussekine, You Got A Hard Time Coming, 2006-Villepin.

« Don’t look back »

Remains
Remains
Barry Tashian

Le public est poli, il applaudit tout le temps, et même pendant les nouveaux morceaux. Ceux des années 704 ou ceux d’aujourd’hui. Du boogie Woogie façon Ralph et les MagicTones. Rien de grave. Chacun ses faiblesses. Et puis, ça permet de souffler. Une danse ? Dit la fille, qui parle de sa copine, qui dit qu’elle voudrait bien danser, elle, et qu’elle s’appelle Virginie et sa copine Julie. T’es où, là ? Dans un rêve. Sur scène, les Remains enchaînent comme si c’était leur dernier concert. Et si ce n’était pas une clause de style. Les Remains ! Ce soir dans votre ville, pour la première et dernière fois ! Les Remains ! Ce soir dans votre Retraite à vous, bande de vieux ! Julie, tu dis ?

Remains
Remains
Fin du concert

Vern s’éponge tout le temps. Chip est si heureux, si extatique. Bill, pénétré, un brin embêté, on dirait. Et Barry, oh Barry... sais tu qu’un jour j’avais pris ton prénom et celui de Case, l’homme des Plimsouls, pour me faire un pseudo : Peter Barry. Je sais, ça vous dit rien. Peter Barry, c’est moi. Et on se fait face. Why do i cry ?

Deux rappels. Un Kinks au milieu, All Day and All Of the night. Et puis, c’est fini. C’est l’apothéose. C’est ce que le rock a fait de mieux, les Remains chantent Don’t look back. Ne te retourne pas, ne regarde pas derrière, avec son pont scandé, comme du talk-talk-talking blues, du pré-rap. Les Remains finissent là-dessus. Hey, les gamins. Don’t look back. Une leçon.

1voir My Babe, reprise à vie, hymne à la joie depuis toujours, à tue-tête en moto.

2ANTI-YÉYÉ . Une autre histoire des sixties [2006] , 448 pages + 16 p. hors texte, 17 ill., sous couv. ill., 150 x 230 mm. Collection X-trême, Denoël -doc. ISBN 2207257312. Parution : 06-04-2006. 23,00 €

3Barry Tashian (guitare et voix), Bill Briggs (claviers, harmonicas, chœurs), Vern Miller Jr (basse, chœurs) et Chip Damiani (batterie)

4Quand les Remains firent leur premier come-back.

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Messages

    • lu à une reprise par un humain - Un grand merci, à défaut d’y avoir été, on s’y croirait ! Putain, en 2016 cette fois, j’y vais.  : )
  • Putain Duf, t’es chiant...En pleine dépression de notre époque, 3 kids au compteur, d’aventures militantos/musicales plutot moins réussies (je dois etre un des seuls rockers post alterno rock à etre tombé dans la techno) et tu fais le truc ultime, à faire chialer.... allez à totbien (meme si on s’est jamais parlé ou rencontré, moi j’étais la fraction lyonnaise gougnaf mvt/gymnote mission)

  • Hello Peter Barry ! y a des trucs qui me reviennent comme ça... si je te dis Morgane ??? Bref...on ne se connaissait pas à l’époque mais je me suis construit sur ( autour ?) de TQADR....si si ...et Stop It Baby aussi...

    Bref, les Gloria continuent et le 22 juin y aura les Yardbirds ! et The Rising Storm ( qui reprenaient les Remains en 67 !) et tu seras Terriblement gentille

    Les infos sont là : www.gloriaclub.fr

    c u there ?

    Amicalement, david

  • le meilleur groupe du monde !

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