Rétro-Fuzzy

Les Thugs font l’inventaire (et rien n’a disparu)

1983-1999

Par David Dufresne, 31 octobre 2004 | 10127 Lectures

Ce devait être en 1984, un entrefilet dans le plus minimal des fanzines, « Flah »1. Une brève avec une adresse à Angers. Ça parlait d’un nouveau groupe qui tuait le temps à coup de Gibson.

Ce fut une lettre. Puis une K7. Puis un premier article dans mon propre fanzine. Puis une rencontre, à parthenay ou Bressuire, ou qu’importe, les frères Sourice étaient là. On s’est regardé, salué, sans se douter que ça durerait.

Il y aura le foot, la Buddy Holly Cup, dans le van en tournée aux USA, les déconnades dans les bureaux de Bondage. Il y aura leurs concerts, majestueux, nombreux, impéteux/impeccables. Un « Road Closed » pour les amis à l’Olympia, et un stage-daving de quelques sur-excités, avec Rico, Saunier, et d’autres.

Il y aura les disques des Thugs, bande-son d’une jeunesse qui se brûlait. Les accolades d’Eric. Le regard de Christophe. Le sourire de Pierre Yves. Le rire de Thierry. Et ces guitares, Dieu, ces guitares. « Without Annie », « You Say Why », « I Need You », « I.A.B.F »., tous ces instrumentaux, déluges et flots, refuges et accompagne-solitude, et « PaPaPa », et « Strike », et ces slogans, cette esthétique noire et blanche, sépia, jaunatre, gros-grain, photocopie 77, 77 partout, 77 à 77, trois accords, tu parles, deux guitares, ils faisaient.

Se regarder dans un CD, et voir des rides en croyant qu’il s’agit de micro-sillons.

C’était leur monde, leur fratrie, une forteresse qu’ils ouvraient sans cesse, une bande d’amis qui se cherchaient des frères, ou l’inverse peut-être (oui, sûrement). C’était les putains de Thugs.

Le neuf novembre deux mille quatre, Crash Rds va publier l’intégrale de leurs disques : huit albums, huit DigiPack, remasterisés, avec des inédits, des notes. Sur la tranche, il sera écrit : « Inventaire ». C’est un joli mot, Inventaire. Le droit d’inventorier. Et le devoir d’inventer. Faire Taire le Vent. Et Inventer un autre temps.

Ils avaient cette chanson sur un gars qui siffle. Siffler au vent, siffler dans le vent, être ni devant ni derrière, mais à côté. C’étaient les Thugs, des entêtés, des entêtants.

Dans leurs bonus, fournis dans la collection, ils ont (re)mis leurs chœurs à l’ouvrage, comme ils faisaient souvent. Le cœur. C’était une de leur particularité. Ils en avaient tant d’autres.

Comme Christophe, leur batteur, il sifflotait, hurlait, criait, de derrière ses toms. Comme Eric, le chanteur, il sifflotait, hurlait, criait, d’à côté des autres, jamais devant (une devise ? - décidément). Comme Pierre-Yves, si jeune, bon sang, contre cruel de la jeunesse (qui passe, qui siffle). Et l’autre Grand, le Méanard, le Thierry, toujours rigolard. Et Gérald, qui partit avant qu’on passe à autre chose. « Welcome To The Club » ou « Gone » (reprise des Dogs) ou « Fiers de ne Rien Faire » (reprise des Olivensteins). « Inventaire », les salauds. Etre dans l’arrière-boutique, regarder devant, détourner le regard, refuser de voir le tiroir-caisse, courbé, être courbé, regarder au loin, où est passée ta force ?, tes dé-croyances ; inventaire-invention, tu te racontes quoi, depuis quand, et ta force de travail, à qui loues-tu, déjà ?

« Inventaire », disent-ils. Sacrés punks, hein. « Inventaire », comment savoir ; comment vouloir, comment pouvoir ? Se regarder dans un CD, et deviner des rides en croyant qu’il s’agit de micro-sillons. Ecriture automatique, petits riens du soir et rêves de grands soirs du rock, « Little Vera Song ».

Du fond des cœurs.
Merci lés Toègz.

1Une page A4 pliée en deux, et c’était tout, oui, TOUT. Flash venait de Clermont-Ferrand

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