C’était la faute des « non » si Sarkozy était de retour au gouvernement, la faute des « non » si Douste-Blazy était ministre des affaires étrangères, la faute des « non » s’il pleuvait au nord et si la sécheresse persistait au sud. Et déjà les reproches s’énonçaient au futur : ce serait bien évidemment la faute des « non » si Paris n’était pas sélectionné pour les J.O. de 2012, une belle idée dont ses promoteurs nous auront finalement dégoûté, en la traînant systématiquement dans la boue des instrumentalisations partisanes.
L’inébranlable mauvaise foi des oui-ouistes s’est traduite par diverses mesquineries. Comme à l’UMP, de ne pas nommer au gouvernement de ministres issus du « non » de droite (quand 25% de sympathisants de l’UDF ont voté « non », et 20% de l’UMP) ou comme au PS, en actionnant la guillotine pour Laurent Fabius. Voici donc le numéro 2 du parti redevenu, à l’instar de Lionel Jospin, un de ces simples militants qui finiront par faire la gloire du socialisme réformiste. Une grave erreur pourtant que ce lynchage assez peu dansant, qui piétine Fabius à contretemps, ou beaucoup trop tard ou beaucoup trop tôt... Enfin, voilà qui devrait faire, en théorie, du Congrès du PS le 18 novembre un congrès historique pour la gauche française et partant - dorénavant, tout étant lié - pour la gauche européenne, en délocalisant toujours plus l’usine à gaz du débat français sur le libéralisme.
la « ouitrification du monde »
A ce petit jeu du « ni oui ni non » qu’est toujours un référendum, ce paroxysme de la démocratie mise à nu par ses démocrates mêmes, les tenants du non seraient donc les grands perdants. En votant « non », ils se seraient pointés du doigt comme la France d’en bas, celle qui ne croit pas en ses chances, en sa réussite. Ils se seraient autodésignés dans le fond comme cette France typiquement anti-sarkozienne qui n’obéit pas bien. La France qui trouve illogique de se voir sommé de désigner un médecin traitant et d’être invité dans le même temps à voyager pour trouver du travail. La France mesquine qui a calculé qu’en accumulant un million d’euros par génération, ce qui n’est pas rien, il lui faudrait 39 générations, autrement dit une dizaine de siècles pour acquérir la fortune de l’ancien PDG de Carrefour. La France républicaine qui n’accepte pas complètement les attendus de la contre-révolution libérale, ce saccage systématique des droits acquis par la classe ouvrière depuis la Révolution de 1789. La France qui résiste au nom de l’Europe, et qui ne résiste plus seule désormais, mais qui résiste avec le peuple hollandais, et de toute évidence avec le peuple allemand, avec le peuple polonais, et bientôt, avec le peuple anglais. Comme l’écrivait ce brave Emile Pouget dans sa langue d’en bas : « Les Anglais, c’est des gars pratiques. Certes, ils sont moins théoriciens et spéculateurs que nous - c’est foutre vrai ! » Mais ça ne veut pas dire qu’ils aient moins de tempérament révolutionnaire : aujourd’hui, ils nous paraissent l’esprit rassis, incapable de rebiffe..., faut pas s’y fier !
Les Anglais ont déjà fait bougrement de révolutions - et ils en feront encore ! »1
Jean Baudrillard a trouvé un joli nom pour cet effet-là : il a parlé de la « ouitrification du monde ». Moins philosophe, moins moderne, plus politique et carré, le député suisse Jean Ziegler parle, lui, de « reféodalisation du monde ». Mais c’est finalement la même chose. Ce que l’on exige de nous, c’est notre servitude volontaire ; c’est que nous disions oui. Non ou la vaine gloire de commander...
1Emile Pouget, « Le Sabotage », ed. des Presses du réel, 8 euros.
Messages
21 juin 2005, 11:54, par Talou
Oui parfaitement d’accord !
Ras-le-bol de la culpabilisation !
Et maintenant c’est aussi sur l’air de « Vous voyez bien qu’il n’y avait pas de plan B », « crise, l’Europe est à terre », « l’une des pires périodes pour l’Europe »
Evidemment, puisque ceux qui croient faire l’Europe sont ceux qui la voient sous forme de marché « social » économique... Ceux qui se sont trop engagés pour une Europe libérale et ne peuvent pas revenir en arrière. Ainsi, ils font preuve de la plus malhonnête mauvaise volonté pour construire l’Europe désormais. Ils savent parfaitement qu’elle doit se faire sans eux, donc, ils n’ont pas intérêt à renégocier, ou à écouter les votes...
21 juin 2005, 13:26
A ce sujet je conseille à tous de ré écouter la tribune du cher Val sur France inter d’hier, édifiant !
De bétise, de mauvaise foi... si ce n’est qu’ils sont dominants par voie de presse.
A chaque instant france inter, libération et autres ne manquent pas de nous rappeler que si des mauvaises choses arrivent ce sera à cause du non.
Nous devrions promettre de ne plus recommencer, et surtout si par malheur la canicule tuait encore de faire pénitence, car bien sûr ce sera à cause du non des ignorants !
Ca me rapelle, lorsque j’étais tout petit, ces cons qui disaient que les saisons dis^paraissent à cause des fusées. Si ce n’est que les Val ne sont pas cons, ils sont angoissés que le monde puisse tourner sans eux.
Chiche !
Voila il est temps de boycotter cette presse sans couleurs ni idées, et de voir ailleurs.
Jacques
21 juin 2005, 21:00, par noodles
Val n’a pas de talent c’est pour ça qu’il est arrogant ! Noodles qui a dit non.
22 juin 2005, 17:59, par robidou
Moi c’est terminé depuis longtemps, libé, le monde, inter, ockrent&co... même charlie hebdo s’y était mis ! (m’en fout je le lisais plus) Reste plus grand chose en fait... le diplo... le canard...
23 juin 2005, 02:05, par MC
...le Diplo, le Canard, mais aussi : Politis et CQFD. Abonnons-nous massivement à ces journaux.Ils ont besoin de nous. Nous avons besoin d’eux. De la lecture intelligente. Des articles très bien écrits et bien documentés. Loin des paillettes, de la fatuité et de l’arrogance de ces « élites » médiatiques qui réservent leur morgue pour les sans-grade et affichent sans vergogne leur servilité vis-à-vis des influents.
24 juin 2005, 11:17, par hcanan
Et bien moi, je trouve les pro-non aussi arrogants que les pro-oui.
Cette arrogance de ceux qui savent et ont tout compris.
Il y a une autre france d’en bas qui a simplement compris que tout n’était pas noir ou blanc, oui ou non. Que l’Europe était complexe (25*france).
24 juin 2005, 23:04, par mARC
Pathétique, la naïveté qui consiste à prendre MM. Mélenchon et Fabius pour les nouveaux phares de la pensée française.
La complexité était (plutôt) du côté du oui. Le simplisme démagogique a fait des ravages à gauche. Merci les gars, bien joué, Sarkozy est sur orbite pour 2007...
27 juin 2005, 21:07, par Pasc
Le Oui était au service d’une cause anti-démocratique et anti-sociale et pour rappeler le texte qui était proposé :
1) Integration de politiques dans une constitution. 2) Soumission des droits des gens aux droits des entreprises. 3) Confusion des pouvoirs legislatifs, executifs et judiciaires (rien que ça était une rupture fondamentale des principes des grandes démocraties, européennes et américaines)... 4) Laxisme évident par rapport à des risques de criminalité étatique (répressions meurtrières de populations autorisées sans garde-fous sérieux, attaques contre le « vagabondage » termes fleurant bon les logiques liberticides des états au 19eme siècle, etc).. 5) Mise au centre du dispositif le marché libre et surtout la liberté de circulation des capitaux.. 6) La quasi-impossibilité concrete de modifier les éléments du texte, etc...
Les Français en votant non ont mené une bataille pour la démocratie. Dans la foulée en votant non ils ont également desaprouvé la plus grande partie des textes qui avaient été signés auparavant et integrés dans ce pavé constitutionnel.
Les Français ont donné une leçon d’alphabetisation à une série de gens de « pouvoir » qui ne s’étaient pas donné la peine de lire et analyser ce qui était proposé, pour indiquer des raisons quelconques de voter pour ce texte.
La question maintenant est de savoir pourquoi une grande partie des gouvernementaux, des dirigeants de journeaux et de médias de concession d’état (comme les radios et les télés) se sont fourvoyés dans des aboiements anti-démocratiques...
La continuité du discours essayant de passer en force, l’emballement médiatique, l’accelération anti-sociale et securitaire du gouvernement (le sécuritaire étant là pour detourner un vote populaire), le délire rampant à la tête du PS (certains de ses dirigeants injuriant l’électorat du PS qui represente lui la gauche) pose un vrai probleme...
25 juin 2005, 20:59, par AL
comme si Sarkozy n’était pas dèjà « sur orbite 2007 » bien avant ce référendum !
28 juin 2005, 12:44
Sarkozy s’est mis sur orbite tout seul et s’il devient président, ce sera grâce au PS, qui une fois de plus n’aura pas entendu le peuple de gauche, et non pas grâce à ses “amis” politiques.
Ces derniers feront tout pour lui mettre des bâtons dans les roues. Parce qu’il n’a aucune envergure. Et parce qu’il est bien trop arrogant.
28 juin 2005, 14:17, par Ducon
Comment se fait-il qu’après la déculottée des Oui-ouistes , il n’y ai pas au gouvernement un seul noniste pas même comme secrétaire d’état . Le gouvernement représente bien le peuple Français , ou alors il représente exclusivement le Président ? Si c’était le cas cela frise la dictature et avec Sarko en prime , bonjours les dégats .
29 juin 2005, 15:43
Le gouvernement est issu d’une majorité de députés élus sur la base d’un mandat représentatif.
29 juin 2005, 22:24, par Laurent H
Vu la cacophonie lors de la bataille oui/non, il n’y a aucune raison d’allier la carpe et le lapin au gouvernement, dans la Vème République. Au mieux, c’est une cohabitation. Ou alors, changeons de système, faisons une grosse proportionnelle, mais alors il faudra accepter les extrêmes, voire les regarder gouverner (les exemples suisses ou autrichiens ne me semblent pas concluant).
J’aurai préféré des élections présidentielles ou législatives anticipées, après le 29 mai.
Voir en ligne : mon blog
3 juillet 2005, 13:57, par Ducon
C’est vrai que des élections générales après le 29 Mai auraient été plus logiques. Cependant Sarkozy qui se prend déjà pour Dieu , aurait été élu par ses moutons . Alors les présidents de droit divin , très peu pour moi ... J’espère que ses sympatisants deviendront vite ses plus fervents détracteurs lorsqu’ils se rendront compte que ce sinistre individu , n’est qu’un imposteur égocentrique et mégalomane . Laurent Fabius disait justement Samedi a Rouen : « Notre société a besoin de valeurs » « Les nôtres ne sont pas celles du ministre de l’Intérieur qui, sous couvert de sécurité, porte le désordre là où il passe, s’agite plus qu’il n’agit, confond autoritarisme et autorité. Notre boussole, ce n’est pas le modèle communautariste et américain, c’est le modèle laïque et républicain ».
5 juillet 2005, 01:52
Laurent, il va finir par se persuader qu’il est vraiment de gauche !
Espérons. Espérons que les convictions vont au-delà de la noblesse et de la justesse des mots.
Il faut pourtant que quelqu’un rassemble cette gauche qui a repris goût à la politique et qui a rejeté massivement la politique ulta-libérale en France et en Europe.
Il faut que quelqu’un émerge VITE, quelqu’un qui nous donnera les garanties suffisantes pour appliquer une vraie politique de gauche, avec toutes les forces progressistes qui se sont élevées ensemble contre le TCE.
Les libéraux sont en train de replacer leurs pions à la va-vite pour contrecarrer toute opposition.
C’est pour cela qu’ils laissent Sarkozy se répandre en propos de Café du Commerce, indignes d’un ministre de la République : ils pensent ainsi ramener en leur sein les électeurs déçus du PS qui, par désespérance ou par dépit, s’étaient tournés précédemment vers la droite ou le FN.
Cette fois-ci, ils diront NON ! Non aux libéraux de droite et NON aux libéraux de gauche.
Pourvu que quelqu’un sache leur, nous, redonner l’espoir en présentant un projet de politique de gauche cohérent, et en s’y tenant une fois élu.
Mais qui ?
MC