29 Mai. A voté.
Partout, comme une jacquerie en Chiraquie
Partout, des N., des O., des N
Ici, à Bastille la rouge. Là, à St Cloud la tricolore ou encore à Millau la verte.
Un front du refus ;
Un front confus ;
Frondeur et multiple à la fois.
Net, et flou comme ces visages.
Un homme, une voix
Un vote, mille porte-voix.
Ceux de la France d’aujourd’hui, en crise.
Et ce profil droit et doux d’un non de gauche.
29 Mai 2005 - Minuit.
Place de la Bastille.
La France vient de dire Oui au Non.
27 Mai. Ultimes manoeuvres.
Dans quelques instants, ce sera le Prime Time Referendum.
D’ordinaire, on ne voit pas ce pupitre.
D’ordinaire, d’ailleurs, on ne voit pas non plus ces feuillets.
D’ordinaire, on ne voit que ça.
Un plan serré sur une veste sérrée qui joue serré.
Un Chirac Chiraquien, ce jeudi soir comme souvent,
Qui promet et qui appuie sur les mots.
Mais cette fois, il y a du brisé dans le visage.
On le regarde comme un petit retard, gros ratage,
Comme un Plan A devenu Plan T.
Comme si, déjà, c’était rideau noir à l’Elysée.
Quand, soudain, on veut être bien sur, l’oeil remonte...
Une pince à linge.
A l’ancienne.
A l’Elysée.
Rayon bricolage et mauvais sondages.
26 Mai. Jour de final(e) en vue.
Voici venue l’heure délicieuse des arrets de jeu. L’heure où l’on ajuste ses tirs comme d’autres leurs votes.
Mains serrée, résultat ric rac.
Offensif / Défensif. Ce n’est plus un jeu.
C’est le match d’une vie et d’un continent.
Ca rentre, ou ca ne rentre pas. C’est oui ou c’est non.
Lèvres pincées, Liverpool / Milan
match sans retour et regard sans nom, en un tour, pour toujours.
Une finale comme un référendum.
Avec ses coups bas, ses coups francs, ses coups de poker, ses coups pour coups, et de tonnerre qui sait...
C’est l’heure où le foot rend enfant.
C’était hier. En Turquie, comme quoi.... Math d’anthologie, en attendant dimanche. A 22h, à l’heure du pénalty.
25 Mai. Une inconnue devant quelques panneaux électoraux.
Le oui, le non. Compte à rebours et pas alerte.
Dans le flou, la France indécise.
Dans le flou, le visage anonyme de ces 22% de silhouettes qui pourraient changer d’avis et d’Europe.
En face, partout, des qui-savent, des non, des oui, des panneaux à l’envers comme des arguments qu’on retourne. Des affiches miroirs de la France 2005.
Le oui est un non mais...
Le non est un oui mais...
Le je ne sais pas, un appel pour dire... l’Europe, t’es où ?
Et, là haut, une statue qui nous fige, qui nous toise
Va voter, va savoir.
Référendum. Ultimatum. Barnum.
Et, elle, au centre, printemps brun qu’on regarde, à la fois encore là et déjà ailleurs. Ni avenir apprivoisé ni rétroviseur. Entre doutes et débats, quand tout est possible.
18 Mai. Au lendemain d’une télédéclaration premier-ministérielle.
Une rue à Rennes.
Une rue de votants potentiels qui ont vu, peut être, Raffarin à la télé, mardi soir.
Raffarin, c’est comme au cinéma.
Un petit côté gentillet façon comédie à la française
Un petit coté « mon petit doigt me dit » qu’il n’y a pas de plan B
Raffarin, acteur studio et ministre studieux
Qui parle d’avenir et d’Europe sans qu’on l’écoute vraiment
Comme s’il était à l’affiche d’un film qui parlerait des derniers jours d’un premier ministre
Une rue à Rennes, ce mercredi.
Et Raffarin last days , qui, al veille, nous a parlé comme un Papa à sa fille patrie de « force continentale », de « guerre des emplois » d’ « alliance des continents », d’ « énergie des étoiles ».
On aurait dit la Guerre des Étoiles - Dark Referendor le retour.
Et eux qui attendent, qui veulent savoir, qui veulent comprendre enfin. Il est où ce foutu côté obscur de la force ? Dans le oui, ou dans le Non ?
13 Mai. A propos d’un jour férié à venir...
Un vendredi 13 mai, quelque part en France.
Chaudes couleurs et fleurs crépons.
Un vendredi de poisse bleu foncée pour Raffarin.
68% des Français qui disent refuser que le gouvernement maintienne le lundi de pentecote travaillé.
Et l’oeil qui glisse, et la vie qui continue, orange vif, les peintures d’école qu’on aggraphe, les jours de la semaine qu’on devine et qu’on égrène...
Jeudi, vendredi, samedi, dimanche... bientôt pencote mais , non, soudain, cette petite écriture toute en attaché, comme disent les enfants, cette écriture simple d’une maîtresse, quelque part à Caen, Calvados...
Un mot doux, comme un défaite,
Pas classe - lundi - grève
Un mot comme un refus de printemps, un non poli.
19 Avril. Raffarin dans les studios d’une radio périphérique.
C’est l’heure où la nuit s’en va.
Quand la France grimace dans la glace.
L’heure des voix à la radio et des brosses à dents
Des voix réveil, des voix connues, codées, identifiées.
L’heure où l’interviewer a le sourire en coin des bons matins.
Et l’index qui fait menace, qui fait non, qui fait référendum.
Sur les écrans, la vie qui va, les infos qui vont, les dépêches qui tombent, et lui, tout pareil.
veste tombée, lunette abaissée, épaules rentrées.
Par mesure de sécurité, dit l’affichette, merci de s’abstenir de fulminer.
C’était ce mardi matin, quelque part à Paris, sur une radio périphérique. Jean-Pierre Raffarin vient rappeler à l’ordre Dominique de Villepin, ministre des dérapages.
Dans le regard du 1er ministre, pourtant, il y a comme de la fatigue et du loin. On dirait un après 29 mai.
14 Avril. Chirac, quelques heures avant son grand débat avec la jeunesse sur TFCoca 1
Perron de l’Élysée, à l’heure du déjeuner et des rictus militaire et des rites de poignée de main de fer.
Perron de l’Elysée, comme un vestiaire d’avant match
Scruter ce cliché lentement, fébrilement, comme , les boutons qu’on défait, les arguments qu’il faudra contrer, le temps qui passe, la journée qui file.
A quoi ça pense au juste un joueur avant la télé bataille ?
Avant le match d’une vie qui s’annonce ?
A quoi ça sourit exactement un partisan du oui qui joue gros, qui joue des non partout ?
Palais de l’Elysée, bientôt PPDA et les autres.
Regarder cette photo d’un grand gagnant souadien et d’un peut-être grand perdant français.
A gauche, deux parapluies. Comme de possibles avis de tempête.
Une photo comme un mystère. D’où vient cette force de sourire ? Et, nous, on serait comment, en pareil cas, avant le grand oral - petit orage du soir ?
6 Avril. Un commissaire en goguette parisienne.
Bleu Europe. Bleu eaux troubles.
Quelque part à Paris, ce matin.
Un homme face à la presse.
Pour lui, c’est l’heure de régler ses comptes à la France.
De dire à certains : je ne comprends pas bien vos critiques.
Vous avez voté mes textes, maintenant vous vociférez.
Jusqu’ici, on voyait mal le visage du personnage.
On se trompait sur son prénom.
Monsieur Directive quelque chose.
Quant à son nom, c’était l’enfer.
Bolkesteine / stin / stinne / stenne
Alors, ce matin, il est venu. Seul. Dire dans un Français impeccable qu’il fallait l’entendre, que son nom, c’est Bolkestenne, pas Frankestein.
On l’écoutait et comme lui, on tendait l’oreille. On appréciait même son courage d’être venu. La différence, c’était l’écho. Il semblait défendre et en tendre le oui ; son nom continuait à dire non.
24 Mars. Sarkozy/Hollande, en meeting, même estrade.
Il y a quelques jours à peine, c’était oui.
Oui pour la même cravate, la même veste, le même sourire, la même Europe.
C’était oui à tout, tout de suite, à l’Union européennene et au mariage de raison politique. La Une de Paris Match, et puis... maintenant, au Mans, lors du congrès de la FNSEA, ceci
Un couple qui fait mine de s’ignorer. Deux visages, deux moues. C’est un peu forcé, pas mal pressé : le Non est passé par là.
Sarkozy à gauche, Hollande à droite, si on peut dire. On dirait le jeu des 7 erreurs de Pif Gadget, avec ses pièges, comme ce même mouvement négligé de jambes droites, et ses détails pas du tout anodins.
Speedy Sarko et sa manie de toujours casser le poigné, comme pour mieux voir tourner sa montre présidentielle.
Hollande et sa façon de s’éparpiller. De laisser traîner décisions et sanctions internes.
On les regarde, on sourit, on se demande où est la com’ là-dedans et voilà qu’on ne voit plus que lui. Le Non. Au centre du débat, dans le fauteuil du milieu. Un non qui leur a volé le micro, au premier plan.
22 Mars. Travaux d’avant sommet
L’homme a la position du pilier qui va foncer dans la mêlée. Mâchoire serrée, front marqué.
On ignore s’il sourit ou si il souffre
S’il dit oui, ou non.
En face, le même volontarisme
A genoux, marteau en main.
Nous sommes à Bruxelles, ce lundi, à l’heure des préparatifs du Grand sommet de demain.
A Paris, c’est l’heure de l’Euro Bricolage et des mauvais sondages et des étoiles qui filent vers le non.
Panique dans les États majors, dit-on.
Le drapeau du oui semble tâché, plissé, froissé.
Et, eux, l’Europe d’en bas qui continuent à faire comme nous. Qui tapotent leurs doutes comme des petits clous. Un Bokenstein là, trois pactes de stabilité ici. Ca doit être ça, la construction européenne.