Grand Récit de l’Ordre Militaire, Médiatique et Marchand (GROMMM)

Terry Jones, un Monty Python contre l’Axe du Bien

Par Gédéon, 26 février 2006 | 10036 Lectures

  • « L’humour anglais souligne avec amertume et désespoir l’absurdité du monde. L’humour français se rit de ma belle-mère. »
    Pierre Desproges, Les étrangers sont nuls.
  • « Le diable est l’arrogance de l’esprit, la foi sans sourire, la vérité qui n’est jamais effleurée par le doute. [...] Le devoir de qui aime les hommes est peut-être de faire rire la vérité, faire rire la vérité, car l’unique vérité est d’apprendre à nous libérer de la passion insensée pour la vérité. »
    Umberto Eco, Le Nom de la rose.
  • « Et c’est ainsi qu’Allah est grand ! »
    Alexandre Vialatte, Chroniques de la montagne.

Une guerre contre un substantif abstrait

Depuis le 11 Septembre, l’Axe du Bien est en guerre, au risque de la plus absurde inhumanité. Guantánamo Bay, Bagram, Abou Ghraib... : « à l’ère du terrorisme, constate Terry Jones, le secret et l’arbitraire - armes habituelles des tyrans - sont appelés à devenir nos mots d’ordre. Si l’on veut que la “démocratie” survive face aux “ennemis de la liberté”, il nous faut donc entrer en totale contradiction avec nos propres traditions. Vous avez dit bizarre ? »

C’est sur le terrain du langage que l’ancien Monty Python contre-attaque, dans la grande tradition de satire britannique : « Il y a une chose, écrit-il, qui m’inquiète particulièrement dans la “guerre au terrorisme” du président Bush : c’est la grammaire. Comment livre-t-on une guerre contre un substantif abstrait ? Comment le “terrorisme” pourra-t-il capituler ? Les linguistes savent qu’il est très compliqué d’obliger un substantif abstrait à se rendre. »

Décryptant la vulgate messianique de Bush et Blair, poussant la logique sécuritaire du pouvoir dans ses retranchements, explorant l’absurde inhumanité qui envahit notre espace public et privé, Terry Jones nous invite à renouer les fils d’une réflexion trop souvent contaminée par le « novlangue » médiatique.

Orwell écrivait dans 1984 qu’en matière de mots, « moins le choix est étendu, moindre est la tentation de réfléchir ». Avec Ma guerre contre la « guerre au terrorisme », l’ancien Monty Python prouve qu’en ces temps d’anxiété politique, l’humour, l’ironie et la richesse d’une langue sont des antidotes souverains contre le venin des spin doctors, ces spécialistes du mensonge officiel. Un jubilatoire exercice d’hygiène linguistique et civique.

  • Terry Jones est l’un des fondateurs des Monty Python, qui ont révolutionné l’humour britannique dans l’Angleterre pré-thatchérienne. Il a mis en scène et joué dans Sacré Graal, La Vie de Brian et Le Sens de la vie. Également historien, documentariste et conteur, il vit à Londres.

Le nonsense de l’histoire

Ça a commencé en juin 2004, par un simple article en anglais, lu sur Rezo.net : « The war of the words ». C’était signé Terry Jones : un facétieux qui n’hésite pas à appeler un char un char, et qui sait faire rire ses quatre vérités ! Alléchés, nous avons eu besoin de nos dictionnaires bilingues pour extraire toute la substantifique poilade de son article. Et, de fil en aiguille, nos pérégrinations dans la meule de foin Internet nous ont mis sur la piste d’une série de textes venimeux, où l’ex-Monty Python passait au Kärcher l’horreur impérialiste et les douteuses innovations linguistiques commises dans le cadre de la « guerre au terrorisme ». Diable, diable !

Terry Jones
Terry Jones

Les attentats du 11 Septembre avaient donné lieu à une invraisemblable masse d’informations, gloses et commentaires, sur lesquels le désarroi et le besoin de comprendre nous précipitaient chaque jour un peu plus, jusqu’à la nausée. Singulier concept, au demeurant, que cette « guerre au terrorisme », mi-alibi, mi-épouvantail, organisant une savante confusion entre messies et lanternes, entre récits et balivernes... Tout ce brouhaha restait désespérément lettre morte, jeu de dupes pour cerveaux disponibles. Soudain, en rupture avec notre si commune habitude de parler pour ne rien voir, Terry Jones faisait « voler en éclats la bulle d’illusion et de duperie qui protège aujourd’hui la plupart de ceux qui nous gouvernent ».

Très vite, c’est devenu une évidence : il y avait là, discrète et disparate, une vraie œuvre, dans la lignée de Swift et d’Orwell. Par jeux d’échos et de miroirs, s’y dévoile peu à peu une pensée exigeante, qui dépasse largement le cadre de l’opposition à la guerre, pour interroger plus fondamentalement les mots d’ordre de notre « civilisation » occidentale. Une idée folle (comme toutes les bonnes idées) nous a pris, pour ne plus nous lâcher : partager notre plaisir de lecture en traduisant ces textes, et en les réunissant dans un livre. « Tu paries qu’on y arrive ? » Manière pour nous de secouer la chape d’impuissance qui nous étouffait depuis ce maudit 11 Septembre. Une voix dissidente nous invitait à troquer le rôle de spectateurs médusés pour un dérisoire - mais homérique - parcours du combattant, où nous allions nous improviser traducteurs, chercher un éditeur, et remonter la filière jusqu’à Terry Jones lui-même, qui accepta d’écrire une conclusion inédite pour ce livre...

Ça s’est fait lentement, sans qu’on ait rien prémédité que notre « chiche ? » de départ. Démarches, tâtonnements, pourparlers : nos naïfs bricolages de francs-tireurs laissèrent parfois nos inter-locuteurs songeurs ; mais cela ne fit qu’accroître notre exigence et notre détermination. Il nous aura fallu dix-huit mois de travail, entre difficultés surmontées et jubilation tenace, pour que ce rêve prenne corps. Au total, cette improbable aventure est sans conteste l’une des plus belles histoires qui nous soient arrivées. Ce livre délectable et dérangeant, qu’une sombre ironie protège des pièges de l’angélisme, et qu’un humanisme entêté préserve des ornières du cynisme, le moment est enfin venu de le partager avec vous !

Marie-Blanche et Damien-Guillaume Audollent

Rencontre avec Terry Jones
en avant-première de la sortie du livre :
Mardi 7 mars à 20 h
au Virgin Mégastore des Champs-Élysées (Paris)

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