FuturePerfect Ö Festival, Suède, août 2012

Contribution de 
Julian Assange au forum des Droits et de l’Activisme

Par David Dufresne, 17 septembre 2012 | 3043 Lectures

Vaxholm, Suède, 26 août 2012 : Contribution de 
Julian Assange, l’éditeur en chef de WikiLeaks, au forum des Droits et de l’Activisme au FuturePerfect Ö Festival. N’ayant pas pu assister au festival en Suède, ni participer à un vidéo-chat en direct, Assange a participé via un enregistrement audio, aux côtés de John Manoochehri, Jennifer Robinson, Richard Reynolds, Tom Strömberg, Samuel Jarrick, et Blaine O’Neill.

Hey, Ö Festival, mon nom est Julian Assange et je vous parle depuis l’ambassade d’Equateur à Londres. Cette ambassade qui est devenue mon lieu de résidence temporaire est aussi un lieu de travail bien occupé. Il est donc possible que vous entendiez des bruits de bureau, et je vous demande pardon si l’audio n’est pas de bonne qualité. Je suis ravi que ce festival existe toujours en Suède, alors que ce n’est une surprise pour personne que je sois malheureusement au regret de certains des changements politiques survenus en Suède au cours des 20 dernières années. Je suis content que des festivals comme celui-ci, qui représentent le meilleur aspect des traditions suédoises, soient encore possibles. Aujourd’hui, je ne veux pas parler des difficultés auxquelles je fais face. Si nous devons changer notre société, pour en faire une société meilleure, une société plus civilisée, alors nous devons tout d’abord comprendre quels sont les ingrédients principaux de la civilisation. Avec civilisation, je ne veux pas parler d’”industrialisation”, je veux parler de la partie “civile” qui repose dans la civilisation.

Les organisations de média deviennent inévitablement une partie du gouvernement qu’elles sont censées surveiller.

Donc je dis que si nous nous intéressons de près à ce terme de “média”, et à ce que cela devrait vraiment être, et ce que c’est dans son essence, nous arrivons à la conclusion qu’il n’y a pas de civilisation, qu’il n’y a pas de société sans média. Ce qui veut dire : enlevons tous les médias, enlevons tous les “médiums”, enlevons toute aptitude pour les êtres humains de communiquer entre eux dans le présent, et cela aussi nous apprendra à partir des expériences passées à comprendre le futur. S’il n’y a pas de communication entre les gens, si toute personne est isolée comme un arbre au milieu de la forêt, clairement il n’y a alors aucune civilisation et il n’y a pas de société. En ce moment, nous utilisons l’air pour communiquer avec nos amis, quand nous les rencontrons en personne, c’est le medium d’une communication humaine ordinaire ; nous utilisons internet pour communiquer dans la distance, les lignes de téléphones, le courrier, la presse écrite, les chaînes de télé, etc, et par dessus tout, les bibliothèques, pour la communication à long terme. Nous comprenons clairement que si toutes ces communications sont supprimées, la société s’effondre complètement et nous sommes réduits à une errance individuelle, d’animaux isolés sur la planète. Nous n’avons pas la capacité d’apprendre l’un de l’autre comment nous en sortir dans notre monde, et aucune capacité à apprendre du passé comment s’en sortir avec le monde dans lequel nous vivons, et le monde dans lequel nous vivons est le seul que nous ayons, et c’est avec ce monde que nous devons nous en sortir.

La qualité de nos médias, la qualité de notre communication, la qualité de notre habileté à apprendre chacun l’un de l’autre, et à apprendre de nos expériences passées, afin de mieux nous adapter au monde dans lequel nous vivons, c’est donc cette qualité des médias qui doit être optimisée. Avec la meilleure communication possible, avec la meilleure capacité à apprendre de nos expériences, nous avons une chance – de ne pas simplement faire un truc idiot -, nous avons la chance d’être plus civilisés les uns par rapport aux autres, nous avons la chance d’éviter les embûches qui ont été révélées dans le passé. Le média est donc extrêmement important. Maintenant, bien sûr, la description classique du média, fréquemment utilisée, se réfère à une industrie, à un corps industriel et à un lobby industriel. Tous ces gens qui vivent et qui profitent de leur propre interposition dans les communications entre un groupe et un autre. Maintenant un média, aussi loin qu’il ait du succès et qu’il soit profitable et largement distribué, il est, en tant que corps industriel, par nature corrompu. Et pour comprendre d’où vient la corruption, en tout premier lieu, voyons qu’un corps industriel, une organisation qui devient puissante pour en influencer d’autres, se trouve capable de produire le consentement et de supprimer la dissidence. Comme résultat, les gens qui travaillent à l’intérieur, et ces propriétaires qui la détiennent, sont invités à s’asseoir à la table du pouvoir et ils obtiennent certaines concessions sur leurs modes de vie et sur leur façon de faire du business. Ils deviennent de cette manière une partie du gouvernement qu’ils sont censés surveiller. Ceci est inévitable, c’est un fait inévitable pour toutes les organisations de médias qui deviennent importantes et puissantes, et qui le font ainsi pendant plusieurs années. Elles deviennent inévitablement une partie du gouvernement qu’elles sont censées surveiller.

Nous approchons rapidement d’une société de surveillance globale ; en fait, pour la plupart des Etats nous y sommes déjà. Nous approchons rapidement d’un état de guerre permanent ; en fait, la plupart des pays Occidentaux ont été engagés maintenant dans des guerres au cours des 10 dernières années, et ils le sont de plus en plus. Nous constatons une énorme croissance du nombre des agences de renseignement. La frontière entre la police et l’armée commence à s’écrouler, avec l’armement de la police, l’augmentation croissante de l’arsenal corporel que la police possède.

A présent, grâce à internet, nous pouvons tous publier un instant de vérité. Bien sûr, cela peut retomber avec le temps, cela peut être difficile de faire une chose que WikiLeaks a fait, qui a publié des centaines de milliers de documents sensibles, mais nous pouvons tous en publier un. La réponse à cette menace est de brûler la vérité dans des proportions sans cesse croissante de propagande, de telle sorte que les organisations de médias soient influencées de telle manière qu’elles s’autocensurent en termes de volume. Par exemple, il est clair que la plupart des sources des médias dominants en Suède sont capables de publier un article plein de vérité sur même la plupart des sujets les plus controversés. Mais ce qu’ils ne peuvent pas faire, c’est de montrer aucun signe d’un agenda institutionnel qui y est destiné. Ils ne peuvent pas publier en volumes sur ces sujets. Bien évidemment, quand nous avons affaire au politique, nous avons affaire à des perceptions en masse. Et les perceptions en masse sont affectées par des communications en masse. Ce n’est pas suffisant de simplement révéler la vérité dans un seul article isolé ou dans un tweet isolé. Ce qui est important, c’est de voir la vérité révélée en masse, où les gens peuvent la voir en masse et où les opinions peuvent être affectées en masse.

C’est donc le mur auquel nous sommes confrontés. C’est comme lutter avec une pompe à incendie ; c’est la taille du tuyau qui importe, ce n’est pas le fait que tu aies une pompe ou pas. Ce dont nous avons besoin, c’est de nous tenir ensemble et de créer une pompe aussi grande que possible, pour pomper et faire sortir la vérité dans un volume suffisamment important pour étancher le feu. Nous devons comprendre la gravité de la situation à laquelle fait face la civilisation. Nous approchons rapidement d’une société de surveillance globale ; en fait, pour la plupart des Etats nous y sommes déjà. Nous approchons rapidement d’un état de guerre permanent ; en fait, la plupart des pays Occidentaux ont été engagés maintenant dans des guerres au cours des 10 dernières années, et ils le sont de plus en plus. Nous constatons une énorme croissance du nombre des agences de renseignement. La frontière entre la police et l’armée commence à s’écrouler, avec l’armement de la police, l’augmentation croissante de l’arsenal corporel que la police possède. A travers le monde, nous voyons un effondrement de la règle de la loi, une justice politisée et arbitraire, avec les listes d’assassinat des Etats-Unis approuvées par le Président en secret, sans processus exigé, la détention continuelle d’enfants sans accusation dans la baie de Guantanamo depuis 10 ans, sans espoir de libération. La surveillance de masse ayant été introduite dans tous les pays sans supervision effective de la part de la population.

La jonction entre les compagnies internationales et les réseaux de gens influents parmi les professionnels des banques, tous ces gens prenant le contrôle démocratique et électoral des bases de leurs populations respectives. Quand la loi devient arbitraire, il n’y a rien à faire, aucun endroit où tu puisses aller pour que ta famille soit protégée, où les choses qui te tiennent à cœur puissent être protégées, car à cause de sa nature arbitraire, cela peut affecter chacun de nous. Nous entrons dans une période de guerre permanente, nous avons vu la plupart des pays de l’OTAN à présent engagés dans une guerre au cours des 10 dernières années, et cette guerre est sur une pente ascendante, et d’autres guerres commencent, par exemple la poussée au conflit avec la Syrie, la participation aux conflits en Somalie, etc. En Suède, l’industrie de la guerre a atteint un tel niveau que la Suède est désormais l’exportateur de bombes numéro 1 par habitant dans le monde, c’est presque le double d’Israël qui était jusqu’à présent le fabricant numéro 1 par habitant.

Nous faisons face à une crise globale sérieuse, nous devons donc comprendre que ce n’est pas un choix concernant la bonne chose à faire, ce n’est pas un choix concernant le fait d’être moral ou pas, ce n’est pas une question de savoir si on se fait des amis, ou si nous sommes reconnus en tant que membres de la société. Nous sommes confrontés à la question de savoir si nous aurons une civilisation qui sera civile ou pas. Nous faisons face à un choix pour savoir si nous avons quelque chose à proposer, non seulement pour nos petits-enfants, mais aussi pour nous-mêmes. La proximité de la civilisation globale a un caractère dystopien et se rapproche rapidement. Il suffit pour cela de seulement regarder les avancées technologiques déployées par les armées et les services de renseignement, et l’appui législatif. Pour chaque morceau de législation que nous menons à terme, cinq autres sont en train de lever et de se mettre en place.

Alors pour la question de savoir ce que l’on peut faire, en tout premier lieu, nous devons comprendre le problème, nous devons comprendre la sévérité du problème, nous devons avertir les autres de la sévérité du problème, nous devons expliquer que ce n’est pas un choix, que ce n’est pas quelque chose dont nous pouvons sortir, qu’il y a un vrai risque de voir apparaître une dystopie globale technologique et politique, que les éléments-clé de cette dystopie sont déjà apparus et qu’ils nous affectent déjà dans un sens négatif. Alors nous devons ensemble avec les gens nous unir dans une même compréhension, nous devons inventer de nouveaux sens technologiques pour lutter contre le feu avec notre propre forme de feu, nous devons avoir une unité et une détermination absolues dans la réponse. Si nous regardons en arrière vers les luttes de résistances antérieures, des phénomènes similaires qui se sont produits dans le passé, c’est ce qui a été décisif pour le dernier jour. L’unité, la détermination, la compréhension et la créativité, cherchant tout lieu possible où les forces de l’obscurité puissent être tenues à distance, c’est le seul moyen par lequel nous pourrons tous survivre cette menace qui avance et qui est contre tous.

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