1/ L’homme n’est pas bon. Point.
La cruauté et la douleur sont au cœur de la pratique du psycho.
Le monde du psycho est celui de la violence, violence des pulsions, violence du cœur, violence de l’esprit, que la violence historique et sociale fait résonner dans les actes des hommes.
La violence est inhérente au monde. Dans la nature, on ne compte plus ce qui relève de la violence. Les règnes minéral, végétal et animal sont soumis à un cycle ininterrompu d’éclosion, de destruction et de prédation.
L’homme, dès sa naissance, subit l’apprentissage de la violence. C’est un acte violent qui propulse le bébé hors du ventre maternel. L’accouchement est un maelstrom de secrétions, de merde et de sang, ponctué de cris, dont le dernier est celui que pousse le bébé afin de prouver qu’il est bien vivant.
Puis il y a une violence que secrète l’homme : sa part mauvaise.
Pratiquée par l’homme préhistorique du Paléolitique, vieux d’un million d’années, ou par le yuppie de American Psycho, la violence continue d’exercer les mêmes ravages. C’est une constante à travers les âges. L’homme a tué et tue de toutes les façons possibles et imaginables. La guerre bactériologique remonte au XVIème siècle ; les conquistadors espagnols distribuent des couvertures contaminées par la variole et déciment 800000 mexicains. Les colons d’Amérique du Nord appliquent une méthode identique avec les tribus amérindiennes.
Marc Aurèle, fin lettré, écrivain, et stoïcien, qui parlait de l’ « âme acropole », et qui ne comptait pas parmi les pires empereurs romains, après avoir fait trucider un gladiateur que sa femme trouvait désirable, n’hésita pas à faire baigner la malheureuse dans le sang du mort, puis à la rejoindre dans le lit conjugal trempé de ce même sang.
Dans le vivant, l’homme n’a pas l’exclusivité de la violence. A l’état de nature, sans l’impérieuse nécessité de se nourrir, les animaux se combattent entre eux, ils se disputent des conquêtes sexuelles ou des territoires. Chez les dauphins, mammifères réputés pour leur intelligence, un groupe de mâles peut attaquer une femelle, l’agresser et lui faire subir un viol collectif. Sous le joug de l’homme, on peut dresser un animal, le rendre plus féroce ; les coqs, les cochons, les chiens, font les frais de ces expériences. Il n’est nul besoin de dresser un homme, il suffit de le placer dans les conditions adéquates.
Il n’y a jamais eu de pureté. Au gré des circonstances, l’homme suivra la pente glissante de la violence. Dans les situations extrêmes, son humanité le quittera. Pendant les famines terribles que Staline imposa aux paysans ukrainiens, décimant quatre millions de personnes, le cannibalisme a resurgi, les survivants soulignent le désespoir total dans 1933, l’année noire, témoignages sur la famine en Ukraine : « Le four était allumé, de la viande cuisait dans une marmite. Sur un banc, une bassine avec des entrailles. Près de poële, le corps de l’enfant, ou plutôt ce qu’il enrestait, complètement dépecé. La plus jeune sœur mordillait les doigts de son petit frère. La mère était assise dans un coin et rongeait un morceau. »
On sait que la chair humaine a rassasié les appêtits infernaux d’un ex-dictateur africain. Des tueurs en série ont commis de semblables actes barbares, qui ont rendu fort célèbre un Japonais.
L’homme primitif assouvit ses pulsions, le bon sauvage n’hésite pas à fracasser le crâne de son voisin, le prêtre devient nazi, un directeur d’école tue à coups de gourdin clouté... L’innocence présumée de l’enfant est une connerie ; regardez-le martyriser le plus faible dans la cour de l’école ; instrumentalisé, l’enfant tue, comme l’a prouvé l’écrivain Ahmadou Kourouma dans Allah n’est pas obligé ; en bande, la sociopathie latente peut éclater avec plus de facilité.
De la violence, on est vite passé à la brutalité. Elle touche tout le monde, sans exception.
« Moi, je ne gaspille plus de pensées à comprendre mes anciens avoisinants. » avoue Marie-Louise Kagoyire, « ( ... ) ces criminels-là sont un terrible mystère. », dit Jean-Baptiste Munyankore. Ainsi s’expriment deux des quatorze rescapés Tutsis, dont Jean Hatzfeld a recueilli les témoignages dans son livre Dans le nu de la vie. Si aucune explication ne déchire le voile de l’horreur, leurs paroles jettent une lumière livide sur les atrocités commises par leurs voisins Hutus, responsables du massacre de 50.000 personnes sur une population de 59.000, une performance accomplie en quatre semaines à Nyamata en 1994, soit une moyenne hebdomadaire de 12500 victimes, soit 1785 par jour.
Ils racontent les « enfants ( écrasés ) à coups de massue, en rang dans une cour », d’autres brûlés vifs, les femmes enceintes éventrées quand « Même la hyène tachetée n’imagine pas ce genre de vice avec ses canines. », les hommes embrochés sur des bâtons taillés en pointe, des atrocités commises par tous, paysans comme prêtre, bourgmestre, sous-préfet ou docteur...
Pendant la guerre d’Espagne, combattant du côté des anarchistes, Simone Weil a vu des actes inadmissibles être commis et elle relève cette vérité d’évidence : « Quand on sait qu’il est possible de tuer sans risquer ni châtiment ni blâme, on tue ; ou du moins on entoure de sourires encourageants ceux qui tuent. » ; le philosophe Wittgenstein, dans les tranchées de la 1ère guerre mondiale, déplorait la cruauté de ses compagnons et leur « méchanceté sans limites ».
La panacée humaine, la triste supériorité de l’homme, c’est l’ingéniosité et l’esprit d’invention qu’il met dans ses techniques de destruction de la vie d’autrui.
C’est, dans le récit de Paul M. Marchand, Sympathie pour le diable, une dépêche d’agence de presse relatant le martyr d’un soldat de 21 ans, Mirsad Curovic : « Les Serbes bosniaques lui ont coupé le bras gauche, lui ont ouvert le bras droit au couteau, lui ont enfoncé un clou dans l’œil droit, lui ont tiré une balle dans la tête, qui a traversé le cerveau, et lui ont donné des coups de couteau multiples. Apparemment laissé pour mort par les Serbes, le soldat est parvenu à regagner en rampant les lignes gouvernementales. Il a été opéré le 27 décembre 1993, et le HCR attendait pour l’évacuer que son état se soit stabilisé afin qu’il puisse supporter le transport. Le soldat risque de devenir aveugle, car les médecins ont dû lui enlever l’œil droit, et il pourrait perdre son autre œil, qui a subi des lésions graves lorsque la balle a traversé le crâne. Son bras droit, qui s’est infecté, risque aussi d’être amputé. »
Ce qui fait la joie de l’homme a disparu. La sensibilité, l’éducation, l’humour, l’empathie, la morale, l’éthique, la civilisation, ont volés en éclats. On m’objectera que les discours des chefs et une propagande minutieusement distillée ont instrumentalisés ces hommes coupables de brutalité. C’est ce que rapportent les enquêtes menées en Algérie, en ex-Yougoslavie, ou au Rwanda. Du sommet à la base, une chaîne de destruction relie les volontés. Que m’importe la hiérarchie ou le degré de responsabilité des divers maillons, il n’empêche que quelques individus ne cèdent pas à la pression collective, résistent, et ne passent pas à l’acte.
Instruit par l’histoire, apprendre que des saloperies continuent de se perpétrer ne devrait plus me surprendre, mais celà reste un constant motif d’étonnement chez moi, qui me laisse abruti ou ahuri de stupéfaction. Alors quel est l’état d’esprit des brutes qui accomplissent ces ignominies ? Comment s’oublie-t’on à ce point, tout en gardant son sang-froid, la maitrise de ses gestes, indifférent à la douleur de l’autre, et, parfois, être capable d’en rire ? Il ne s’agit pas d’un moment d’égarement, où l’être bascule dans un état second, celui que les eskimos baptisent amok, folie furieuse et meurtrière. Je sais que si je glisse dans mes profondeurs, je finirai par découvrir les mêmes dispositions froides et mauvaises, tapies dans un recoin sombre. Et, dans des circonstances identiques, quel déclic, inspiration, en dernier ressort, quand je lèverai le bras prêt à s’abattre sur ma victime pantelante de peur, m’empêchera de succomber, d’être privé de mon âme ?
Si je suis du côté des victimes, je dois connaître ce qui anime les coupables.
Dans le catalogue infini des souffrances que l’homme est capable de faire endurer à son semblable, les seules limites à quoi se heurte le bourreau sont celles de son imagination dépravée et celles de la résistance de sa victime.
Dans un de mes rêves, un homme m’apprenait que la douleur était une vibration, on pinçait une corde sensible, et qu’on pouvait maîtriser ces vibrations et annihiler la souffrance.
La violence est une drogue, une addiction. Mais la répétition, c’est la mort, Freud l’avait très bien diagnostiqué. Pendant ses rituels sadiques, le bourreau s’accoutume, son plaisir s’émousse. L’usage de la force va crescendo. Hélas, celui qui s’y livre ne meurt pas d’une overdose de violence. Cependant, il se place en-dehors de la communauté des hommes, hors du monde, il s’est rayé lui-même de la carte des êtres vivants, il a signé sa disparition de l’espèce humaine et du monde vivant. Il n’est plus rien.
Et après avoir commis l’irréversible, le rachat comme le pardon me paraissent impossibles. La réparation est inconcevable. En tant qu’être humain qui ne peut plus être déclaré l’égal de son prochain, le châtiment doit être à la mesure du crime et, alors, une seule sanction s’impose à celui qui s’est lui-même exclu du cercle humain ; et je n’en vois qu’une, exceptionnelle, la suprême : la peine de mort.
Cette mesure doit être exemplaire, elle doit donc être rare. Alors on rappellera l’antique sagesse des tribunaux de Judée qui estimaient que 70 ans entre deux sentences de morts n’était pas une durée suffisante.
Messages
5 décembre 2003, 11:05
Juste une reaction en forme de sentences... Louis Siffert disait que la plus belle ruse du Diable est de faire croire qu’il n’existe pas ;Jacques Prevert affirme lui plus simplement que <>
12 juillet 2004, 14:07, par Bernard
Tu dis : « Et après avoir commis l’irréversible, le rachat comme le pardon me paraissent impossibles. La réparation est inconcevable. En tant qu’être humain qui ne peut plus être déclaré l’égal de son prochain, le châtiment doit être à la mesure du crime et, alors, une seule sanction s’impose à celui qui s’est lui-même exclu du cercle humain ». Pourtant comme l’ont montré les allemands après la seconde guerre mondiale les nazis n’ont pas tous été tué loin de là. Les allemands ont même bati la légende d’une génération qui a su reconstruire un pays dévasté, ce qui est vrai. En France ceux qui tuent des enfants sortent au bout de 20 ans de prisons ... . Pour finir je te parlerais de ma situation. Les Etats-Unis ont déclaré une guerre secrête à la France et de toute évidence l’Etat français va me tuer. Des tas de gens dans mon entourage sont au courant, hormis ma famille qui devrait également être tuer. Je sais c’est invraisemblable, pourtant on doit être des dizaines en France dans ce cas. Si les Etats-Unis ont été capables de souffler une telle barbarie aux français imagine ce dont sont capables nos chères démocraties. On l’a entrevue au Vietnam ou en Irak, le pire est peut-être à venir. Autrement je suis d’accord avec toi ce n’est seulement que lorsque on exclurera tous les assassins plutôt que de se comporter comme eux que l’on pourra éradiquer la violence. Mais si on se réfère aux Etats-Unis qui pratique la peine de mort, là-bas c’est plus un moyen d’éliminer les minorités, en particulier les noirs, qu’une véritable sanction contre les auteurs de crimes atroces. Le tueur en série dit de la rivière verte n’a t-il pas été épargné ... parce qu’il était blanc ?
Voir en ligne : Mon blog, pas très bon mais fait avec les moyens du bord
3 novembre 2006, 19:55
Bonjour, je pense que le tueur de la riviére verte n’a pas été epargné, pour la bonne raison qu’il merite plus que la peine de mort.