Jérôme Thorel : PRISM, « L’injonction au bonheur sécuritaire », et après ?

Par David Dufresne, 3 novembre 2013 | 2519 Lectures

Jérôme Thorel est une vieille connaissance, un copain, de ces journalistes indépendants qu’on aime lire et dont on se demande bien pourquoi ils sont la marge ; et les autres, le tout-venant.

Depuis que je suis né, en 1994, avec ma première connexion Internet, Thorel a toujours été là, dans l’ombre, en embuscade, travailleur acharné contre la société de surveillance. Avec d’autres, il a lancé les Big Brother Awards. Il agissait souvent comme le prophète de malheur, aussi utopiste que nous, mais autrement plus réaliste.1

En début d’année, bien avant le scandale PRISM, Thorel a signé une somme aux éditions La Découverte, fruit de vingt ans d’activisme et de surveillance des surveillants : « Attentifs ensemble ! L’injonction au bonheur sécuritaire ». Son livre est un voyage dans ce qu’il appelle « la surveillance généralisée, nouvel eldorado du capitalisme policier ». Un périple, parfois savoureux, toujours ténébreux, chez les « marchands de contrôle », où l’on pénètre dans de bien belles officines plus ou moins officieuses de conseils en sécurité ; et où Thorel s’adonne, à cœur joie, à son sport favori : le dégommage des« paravents éthiques et les garde-fous illusoires comme la CNIL ».

De passage à Paris, on s’est rencontré dans un café du côté de Montparnasse. J’avais prévenu Thorel, on ferait ça en vidéo. Alors, Jérôme Thorel est arrivé comme il est : timide, déguisé, dérisoire, malin, visible invisible pour mieux tromper l’ennemi.

Table des Matières et vidéos en conséquences

1. Le consentement au « progrès ». Histoire d’une propagande industrielle

Les expositions universelles à la gloire du progrès technique Les luddites, premiers « obscurantistes » Le machinisme, une « dépossession » des savoir-faire Les canuts contre le règne de l’ingénieur Marx contre Orwell Le chemin de fer et les « biocatastrophistes » De la « neutralité » des machines à l’ère de l’informatisation De la neutralité de l’informatique à ses « usages » préfabriqués La « sociologie des usages » pour anesthésier la « technophobie »

2. Le langage, rouage du consentement à la surveillance

Vidéoprotection ou vidéotranquillité ? La « novlangue » orwellienne et la « double pensée » La LQR, novlangue de la technocratie française Les mots de la LTI 2.0 Le couple sécurité-liberté Le « fichier », un gros mot repoussoir La malédiction des acronymes Détournements, évitements, euphémismes et anglicismes... Les mots de la CNIL pour faire avaler la pilule

3. Architecture défensive et sécurité urbaine. Le conditionnement au quadrillage des populations

L’« architecture de prévention situationnelle » contre « l’insécurité urbaine » Espaces défensifs, espaces dissuasifs « Semi-privatiser » les espaces pour « prévenir le crime » Gérer les « flux » de l’« ennemi intérieur » : vive l’APS « intelligente » Les mots de l’urbanisme sécuritaire Des voisins « vigilants » aux citoyens « volontaires » « Veille citoyenne » et « partenariats locaux » : « coproduire sa propre sécurité » Du travail social « de gauche » au contrôle social « de droite »

4. L’injonction à la transparence des correspondances

Le mythe du « secret » des correspondances Criminaliser la cryptographie pour rendre illégitime la correspondance privée Surveiller le contenu ou analyser le « trafic » d’une communication ? L’illusoire efficacité d’une « surveillance préventive » des données techniques « Deep Packet Inspection » : une surveillance de masse dissimulée

5. Réseaux sociaux et fichiers tentaculaires.

« Assujettissements subtils » des identités numériques à la machinerie panoptique Conditionnements disciplinaires des médias sociaux La dictature des fiches : soumission au suivi informatisé des existences Fichiers de police ou police des fichiers ? Gouverner par les fichiers : gérer des « identifiants », pas des « individus » De la « gestion » à la « discipline » Les fausses vertus de la statistique et de l’expérimentation Acceptabilité sociale et « culture du soupçon » Les acteurs du travail social, complices involontaires ? Biométrie : soumettre les corps à l’autocontrôle

6. Stratégies d’influence du capitalisme sécuritaire et formatage précoce des jeunes cerveaux aux joies des techno-sciences

Le grand laboratoire des cantines scolaires Les carburants idéologiques du « capitalisme sécuritaire » Les soldats du vidéoquadrillage Les commandos de la « confiance numérique » Les lobbies du contrôle identitaire Les fondations d’entreprise : la propagande par le mécénat Expositions de vulgarisation scientifique : l’art du conditionnement Art et sciences : de la culture scientifique aux foires techno-artistiques

7. Chroniques de l’insécurité et de la violence. Les rouages médiatiques de l’ordre sécuritaire

L’euphorie sécuritaire au service du « maintien de l’ordre (établi) » Violence et information télévisée : « faits-divers » ou « faits de société » ? Recyclage de la doctrine militaire à la télévision : l’« école » Charles Villeneuve Consultants chasseurs de prime et « socioflics » Du journalisme à gage au journalisme d’immersion « Immersions » et compromissions Poison et antidote des fictions à la télévision

8. L’antiterrorisme comme processus de conditionnement sécuritaire

Quand la République criminalise le délit d’opinion Les « lois scélérates », un modèle contemporain Le « prétexte algérien », terreau de l’antiterrorisme contemporain La dimension symbolique de Vigipirate L’antiterrorisme ou la banalisation des lois d’exception L’« effet de cliquet » : rendre les lois d’exception irréversibles Les victimes collatérales de la stratégie de la « fourmilière » Technologies « proactives » : surveiller l’essaim pour tuer la guêpe Quand l’ordre antiterroriste entreprend de « traiter » la violence sociale Ennemis intérieurs : les « euro-anarchistes » dans le viseur Le prétexte antinucléaire Du délit d’opinion au crime intentionnel

9. Triomphe de l’éthique aux dépens du droit et contre-pouvoirs imaginaires. Les lubrifiants de l’acceptation

Indépendance et conflits d’intérêts : des commissaires sous influence La CNIL ou la culture de l’excuse et du compromis L’arme de la « proportion » pour désamorcer des penchants idéologiques Le pouvoir de publier des avis négatifs : affichage et gesticulation Les Correspondants informatique et libertés : la CNIL privatise ses propres missions Google écoute les réseaux Wi-Fi : la CNIL sort sa tapette à mouches La CNIL, nouvel acteur de la « sociologie des usages » Les « débats publics » ou la stratégie de l’enfumage Au coeur des officines de la propagande « participative » Les comités d’éthique de la « vidéoprotection » : l’art de la dispersion Conclusion. Désobéir ou s’insurger ? Quelques pistes pour détraquer la machine Tactiques de contre-surveillance : se préparer à accepter la défaite Dénoncer par le divertissement : subversion ou gesticulation ? Des coups de marteaux aux grains de sable.

1Aujourd’hui, Jérôme Thorel collabore à plusieurs organes de presse indépendants, dont le remarquable Reflets.info.

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