On se quitta. Des mois passèrent. Jusqu’à ce que les policiers de l’OCBC (Office central de lutte contre le trafic des biens culturels) à Nanterre ne me convoquent : une plainte pour recel avait été déposée par les ayants droit de Céline. J’étais un « receleur » !
L’affaire rocambolesque touchait à sa fin. Accompagné par le cabinet de Me Pierrat, je me suis donc rendu à Nanterre avec le tombereau cette fois parfaitement ordonné. Le policier en chef brandit sous mes yeux une feuille où figurait l’inventaire du trésor : celle-là même que j’avais donnée aux ayants droit ! Comique de répétition, si je puis dire. Plus d’une heure durant, cinq policiers comptèrent, feuille par feuille, tous les documents. Sans émotion aucune cependant : le nom de Louis-Ferdinand Céline ne leur disait pas grand-chose. Dans l’une des pièces attenantes se tenait une danseuse de Degas. Vraie ou fausse ? Sur ce plan-là, je n’ai jamais eu de doute. Enfin, comptage achevé et signatures apposées (celle du policier en chef et la mienne) sur les multiples enveloppes scellées, vint l’interrogatoire. Qui vous a donné tout ça ? « Secret des sources », répondis-je. Le policier revint plusieurs fois à la charge, usa de ruse, la réponse ne varia pas. Qu’importe la source pourvu qu’on ait l’ivresse.
Les manuscrits rendus, l’affaire semble devoir être classée sans suite. Ne m’étant jamais senti le propriétaire de ce trésor, au mieux son provisoire dépositaire, m’en délester ne me fit rien. Mon trésor à moi fut d’en décrypter les parties inédites. Une épopée intime. Un tête-à-tête fabuleux.
Les ayants droit on récemment récupéré le trésor. Que deviendra-t-il ?
Respect total à Thibaudat, qui a su garder le secret, seul, tant d’années, et qui n’a jamais pensé foncer chez Drouot, Sotheby’s ou je ne sais où.