
Partis du fanzine à l’allure ambitieuse, les Inrockuptibles se sont rapidement imposés comme mensuel national. Elargissant son spectre critique, du rock à la littérature et au cinéma, l’équipe des Inrocks a surfé sur la pop anglaise et la fin - finalement heureuse - des années 80 multi-médias. Avec une volonté de rompre avec le rock ’n’ roll circus et ses clichés, la revue a choisi son camp : la composition. Buddy Holly-Byrds-Costello-Morissey plutôt que Cochran-Sonics-Pistols-Fugazi. Pari tenu, et gagné : le journal vend plus que ses concurrents mais, surtout, a levé la barre des exigences. Rigueur musicale (la mélodie, pas les larsens), stylistique (Les Cahiers du cinéma plutôt que Rock ’n’ Folk), esthétique (photographes maison contre banales photos de presse). Revers de la médaille : l’urgence est balayée au rayon des accessoires inutiles, voire embarrasants. L’équipe n’est pas du genre à s’exciter sur la moindre nouveauté. Elle, qui souhaite « faire descendre le journal dans la rue » par le biais de son festival, se cramponne à sa conception de la musique. Pas question de couvrir toute l’actualité. Du choix et, si possible, de la découverte. Quitte à se créer ses propres automatismes : adoration pavlovienne pour la pop anglaise, aversion traditionnelle pour le punk américain.
A leurs débuts en 86, les Inrockuptibles se voulaient une alternative à la presse rock établie. Aujourd’hui, ils sont devenus hégémoniques. Commentaires ?
Christian Fevret : Nous sommes une institution faute de concurrents. A la rigueur, on déplore notre isolement. Faire le vide n’a jamais été notre motivation. Mais il faut voir les choses en face : le journal est encore loin d’être accepté par tout le monde. Il a des adversaires en pagaille. Tant qu’il n’y aura pas de consensus mou autour de nous, nous resterons dans une logique de rébellion contre les valeurs qui dirigent le business.
En devenant vous-même une de ces valeurs, votre logique se retourne contre vous...
Le journal a commencé strictement sur la musique pour s’ouvrir peu à peu à d’autres domaines (le cinéma, la littérature). Autant dans les 60’s ou les 70’s, la musique pouvait vivre en autarcie, autant ça semble impossible aujourd’hui : la musique ne véhicule plus assez de choses. Le renouvellement du journal était dans ces ouvertures, en faisant attention à ce qu’il y ait régulièrement de nouvelles signatures, que deux tiers de chroniques soient rédigées par des gens de 22-24 ans.

Le rap est entré timidement dans vos colonnes. Mais vous laissez de côté d’autres musiques comme le hardcore ou la fusion. Pourquoi ?
Depuis le début du journal notre sensibilité principale tourne autour du songwriting. Il y a des courants musicaux qui servent relativement peu cette conception de la musique d’où, de notre part, une distance sur une partie du grunge ou du hardcore. Là où la culture rock vit dans l’immédiateté, il y a toujours eu chez nous la volonté de prendre la mesure de l’air du temps, tout en le mettant en perspective, voire à s’en détacher.
L’air du temps n’est-il pas justement à un retour du social et de la politisation dans la musique, chose qui apparait rarement dans les Inrock...
La génération de musiciens dont nous sommes en train de parler est quasiment la plus nihiliste que le rock ait connu. Elle vit avec le social mais ne développe finalement rien derrière. Je ne vois pas en quoi n’importe quel groupe de Seattle en dit plus que Morrissey en 85...
En évitant le bruit, le sexe, la drogue, et en examinant l’enfance plus que l’adolescence des musiciens, ne niez-vous pas l’essence du rock ?
Dès l’origine, les Inrocks avaient la volonté de se démarquer de certains clichés... « Sex, drugs, and... », j’allais dire « rock ’n’ roll », ont tellement été les mamelles sur lesquelles ont reposé nos aînés, parfois pour le meilleur, mais très souvent pour le pire, que nous avions la volonté - non d’en faire des sujets tabous - mais de les aborder de manière différente, en filigrane.
Messages
4 novembre 2004, 17:56, par corto
Euh désolé en matière de critique rock la place est prise pour celui qui ne fait pas de concession : Rock&Folk. Je pense que le titre de l’article relate plus la réalité que l’article en lui même : Les inrocks sont pop et non rocks. Bien sur ils font un excellent festival bien que les libertines ne passent pas dans toutes les villes du festival mais sinon la rédaction du magazine n’est pas si rock que ça. Et ne me dites pas qu’il est indépendant : être dans le groupe du Monde signifie dépendance... Les inrocks surfent sur des modes de gauche seront tour à tour écolos, altermondialistes, du parti socialiste... quand la mode le sera. Entre autres exemples, leur dossier sur le forum social mondial de bombay n’avait rien apporté, aucune info réelle... Ils deviennent arrogants et se boboïse (voir www.acrimed.org)
4 mars 2005, 18:49
Rock & Folk mag rock sans concession ?? Mon dieu !
Quand un des rédac pointent chez EMI j’ai un peu de mal à croire ce genre de chose ;)
2 août 2005, 00:44, par Pierre Karles Zéro Pointé
Des noms, des noms !
16 mai 2005, 11:07, par Anoetin
« pas du genre à s’exciter sur n’importe quelle nouveauté » Non mais vous avez déjà lu les inrocks ??? Le moindre truc plus ou moins à la mode qui sort, c’est la bombe du siècle, qui va vous faire danser till the end of the night. Et vazy que j’te balance des unes sur bloc party le nouveau méga phénomène ultra cool avant même la sortie de l’album, avec les métaphores les plus tirées par les cheveux possible pour nous faire comprendre que là vraiment, on peut pas réfléchir autrement qu’avec nos jambes qui bougent sur le méga dancefloor tellement c’est super trop cool. A chaque numéro des inrocks sa super révélation, sa super sortie, sur laquelle s’excite tout seul un chroniqueur qui s’la pète. Je lis les inrocks, j’aime les inrocks, mais là faut pas pousser, ils sont pas vraiment comme vous le dites dans votre intro. Question concurrence, c’est vrai qu’il en pas trop, mais à la limite, j’irai plutôt chercher du côté de télérama (la même une chaque fois à une semaine d’intervalle).
Voir en ligne : Anoetin