La soirée, organisée par les activistes de Café Charlie, était comme une réunion de famille. Ça s’embrassait, ça se saluait, ça se regardait par en dessous. Qui avait parlé à ce drôle de gars que je suis, qui avait arpenté tout Vesoul, un an durant, pour son bouquin.
Dans la salle, il y avait Christophe, le pizzaïolo de la place Jacques-Brel, décrit par Le Monde comme il faut (un « sommet d’humanité ») ; il y avait Tupin, l’Empereur de la ville, la moitié de Vesoul lui appartient dit-on, qui avait eu la délicatesse de venir habillé de son blazer de chroniqueur sportif comme je l’écris dans mon livre ; il y avait les mère courage, Marie-Agnés C. et Mamie V., dont les garçons ne sont pas revenus du Djihad ; il y avait la pétillante Danièle Kielwasser, fille des tenanciers de la Bonne Auberge, où Brel descendit en 1960, et venue ce soir-là avec le livre d’or de l’établissement ; il y avait Serge Cholley, l’élégance même, barman au casino de Luxueil, que Brel brûla de tout son corps ; Pascal Magnien, l’éditeur local, qui me mit sur la voie du mythe, et Lanoir, sculpteur, et d’autres, tant d’autres, personnages bréliens, plus vrais et plus grands que nature.
Au fil des minutes, la lecture se fit déconnante. Certains se levaient, traversaient la salle, d’autres riaient, on s’interrompait, on se souriait. C’était la vie --- simple, et suspendue.
On ne vit qu’une heure, ça devait être celle-ci.