Elle se tient comme se tiennent les femmes jolies. Un genoux légèrement fléchi, comme pour galber ses jambes, courber le corps. C’est un truc. Un truc que les mecs ne peuvent pas faire et ça les rend dingues.
Elle se tient les mains jointes, Saint Marie-Ségolène. Regarde franchement. Sourit largement. C’est un autre truc. Un truc que Sarko ne peut pas faire et ça le rend dingue aussi.
Et puis, il est là. Bernard, 60 ans, dans son fauteuil roulant. Un micro dans la main, une vie dans la bouche. L’homme est digne. Il parle de son handicap, de la Coterep, de sa sclérose en plaques. Puis, il évoque un ami mort. Bernard voudrait parler de la normalité, de choses comme ça. Mais quelques sanglots. Il se retient. Et elle hésite. Elle hésite, Ségolène Royal. Quelques pas. Puis d’autres. Elle s’approche, accélère, il continue. Le débat politique, mort depuis longtemps, se réincarne à cet instant. En autre chose.
C’est un moment d’importance ; un tournant.
A cet instant, c’est la Télé Royalité. On s’attend à voir surgir Nicolas Hulot saison 11. Sur le plateau, l’homme parle, et la regarde. Lui le brisé ; elle la belle. Dans mon salon, une voix semble murmurer quelque chose. Une voix de Nikos Aliagas qui nous dirait « alors, passera-t-elle le premier tour ? Sera-t-elle encore là au deuxième ? Vous le saurez (blah-blah) ». A moins que ce ne soit le staff de Sarkozy qui parle. Qu’aurait-il fait, lui, à cet instant ?
Elle s’avance encore, maladroite. De cette maladresse d’amateur. Cette maladresse de quidam. Cette maladresse d’inconnue. Cette maladresse parfaite en pareille occasion : une maldresse de française tombée dans le panel. Une maladresse trop parfaite, justement. Trop adroite. Pas assez gauche pour être totalement innocente.
Ségolène Royal commence à tendre son bras, à dire « ça va aller ? ». L’homme dit « non, non » comme s’il ne voulait pas de cette compassion désirée par tous. Par lui, par elle, par TF1, par les télespectateurs. Et puis, la main. La main de Ségo sur l’avant bras du paralysé.
Un songe. S’il était dans le studio, Benjamin Castaldi sauterait probablement en l’air. Il a ce côté punk, Castaldi. Il aime le chaos. Il sent les « moments de télé ». Celui ci en est un. La fin de quelque chose recèle toujours sa puissance télégénique. Rien n’est plus télégénique que la mort.
Cette fois, la greffe est prise. Ségolène le caresse, Bertrand expire. Elle lui prend la main, il ne bouge pas, ou si peu. Puis elle se retourne, et regagne son pupitre.
C’est un truc. Qui terrasse.
Pendant ce temps, il y a du live-blogging partout.
Le live blogging, c’est l’art de réagir en direct. C’est l’art du sens de la répartie plus que de la réflexion. De la rapidité plus que de la complexité. C’est cet instant précis où les sentiments priment sur la raison. Versac dit : c’est « une sorte de commentaire sportif de la performance ».
Certains excellent dans l’exercice. Ils sont rares. La plupart s’y perdent, et pataugent dans la confusion. La confusion : conviction/connection. La confusion : précipitation/profondeur. Ils manquent de recul, l’assument, et c’est bien là le piège.
Partis politiques, journaux, portails l’ont bien compris : pour quelques cacahouètes, ils s’achètent des plumes et du blog-goudron. Le Monde y va de son commentaire mou : « Des blogueurs de renom ont testé le commentaire »2. Au loin, une jolie Maryline est pleine de fougue. Invitée au QG de l’UMP, la sarkozyste regarde la télé, elle blogue, ils sont cinquante comme ça. Pizza, Coca, Politique 2.0. Politique zéro-zéro.
Le live blogging, au fond, c’est le miroir parfait du geste Royal. C’est son pendant. C’est l’instant précis où le débat se fait sans idées. Où le Net se nie, en quelque sorte. Où il faut savoir réagir, non agir. Etre malin, non attentionné. Vif et non vivant.
Le live blogging, c’est croire ce que l’on voit ; le juger séance tenante, c’est évacuer la pensée. Se croire St Thomas, quand il faudrait fermer les yeux un moment, juste un moment.
C’est enfin cela, le live-blogging : s’interdire de se coucher avec ce plan de coupe en tête, d’y réfléchir jusqu’à pas d’heure, comme un sale moment. Ça se passe dans la même émission. Un peu plus tard. Il est question de délinquance. Le réalisateur fait un choix moral à cet instant. Un choix furtif. Un choix rapide. Un choix live-blogging. Il filme un Noir. Et ça passe. Tout passe.
On continue, hein.
Messages
21 février 2007, 10:25, par eva_bien
Au delà de cette image compassionnelle, qui me dérange tres fort (je suis moi-même handicapée, et je n’ai nul besoin de compassion, les jambes pêchent, mais ma tête va bien, merci), j’ai remarqué que Bernard parlait de la COTOREP....bon, ok , mais que Mme Royal ne sache pas que cet organisme n’existe plus !!!!!
21 février 2007, 18:02, par Docteur OX
Dufrenes tu te prend pour qui Toi ?????? Tes commentaires pseudo-clairvoyants de 1ER de la classe c’est minable...Tu met zéro au niveau politique aux autres pour le live blogging...je suppose que tu te fout un 20 toi ?? Pffffffff T’as fait des études c’est ça ? Ou laisse moi deviner tu fréquentes le cénacle ? Ou t’es un petit bourgeois proche du peuple ? Ah mais non, j’oubliais, tu fais partie du clergé moderne : les talentueux journalistes jeunes, beaux et bons (et branchés). Ceux qui ont été illuminés par La Vérité et qui vont la faire comprendre aux pauvres pecnos que nous sommes....arrête ton char ben-hur !
24 février 2007, 09:51, par davduf
C’est tout ? Ou tu en as d’autres, des clichés comme ça, bel inconnu ?
Je te réponds, tout de même :
Pour le reste, désolé si je n’ai pas versé dans le discours béat/ambiant sur le live-blogging. Mais, sois gentil, débattons de ça tu veux bien. Les attaques ad hominem sont sans intérêt.
23 février 2007, 22:43, par maissi
http://www.handroit.com/cotorep.htm
Voir en ligne : http:/http://www.handroit.com/cotor...
24 février 2007, 00:31, par Gérard Menvussa
« scélorose » c’est vous qui le dites... Vous devriez vous relire cher Monsieur et avoir plus d’égard pour ce qui s’est dit que pour ce que vous avez voulu y voir. Votre ton fielleux, j’allais dire scélérat, cache l’émotion de celui qui a de la détestation à revendre et ne sait plus par quelle bout il faut la présenter, par le manche ou la cognée. Alors on s’essaye d’abord aux vieilles recettes réchauffées. On commence par la posture macho (chassez le naturel...), ça ne mange pas de pain, on trouvera toujours un client sur le net : elle se tient comme se tiennent les femmes jolies (sous-entendu : qui veulent nous séduire et donc nous tromper...). Au fait comment se tiennent les boudins cher Monsieur puisque la vie de la cité pour vous - la « politique » c’est d’abord la façon dont se tiennent les femmes ? Cher Monsieur, votre cynisme calcifié - maladie beaucoup plus grave pour l’esprit que la sclérose en plaque feint d’oublier le débat sur le fond et subsidiairement essaie de faire passer une réelle compassion - qui peut aussi se jouer en direct et sans calcul, pour du théâtre. Il y a chez vous de la confusion. Vous vous croyez chez Dechavanne ou d’autres du même tonneau, on ne les citera pas tous. Heureusement il existe encore des gens qui n’ont pas été contaminés par la fourberie ou le voyeurisme et ne se projettent pas sur tout ce qu’ils voient. Il y a encore des gens pour « entendre ce qui se dit » et qui pensent qu’il peut y avoir une certaine spontanéité du coeur - même sur un plateau de télévision - même à TF 1 et même chez un homme ou une femme politique. Etonnant non ?
24 février 2007, 09:36, par davduf
Pour la faute de frappe, vous avez raison. C’est mal. Je corrige derechef et vous remercie.
Pour mon machisme supposé. Je tombe de ma chaise. Ne peut-on pas dire d’une femme qu’elle est séductrice, jolie, sans tomber dans la phallocratie ? Je pense que oui. Vous politiquement pensez correct que non. C’est navrant. Mais je vous assure : vous voyez mal. Oui, S.R. joue sur ses charmes féminins, et elle a raison. Ca n’enlève ni n’ajoute rien au fond. Ce n’était d’ailleurs pas mon propos. Mais cette façon qu’elle a eu de se tenir lors de l’émission avait bien quelque chose de personnel, et ça passait par ses jambes.
Quant aux « boudins de la cité », cher Monsieur, je vous laisse ce terme. Et vous incite à regarder comment, souvent, les femmes belles ou non fléchissent un genoux. C’est tout simplement beau.
Le fond, la forme, pas la même chose, dites vous ? Mais dans quelle époque vivons nous ? Qu’est-ce que cette émission, autrement que la confusion absolue des genres ?
Votre réaction est intéressante car vous me pretez exactement ce que je dénonce : la confusion, le cynisme, etc. Nous voyons donc la même pièce, mais pas du même côté.
Je crains, hélas, que vous soyez crédule. Ou peut être êtes vous moins désesperé que moi, voilà tout.
25 février 2007, 13:49, par marilyne
Bonjour Cher Inconnu,
Tout d’abord je ne trouve pas du tout macho ton commentaire sur Ségolène Royal. Oui c’est une jolie femme, il n’y a rien de macho à le dire, c’est au contraire toujours trés agréable et rassurant pour une femme de l’entendre. Merci pour la « jolie maryline » (marilyne stp :) . Alors si j’étais- ou si je suis ? :) « pleine de fougue », j’étais surtout hors de moi de la voir ainsi utiliser le thème du Handicap qui m’est cher, en étant (à mon avis qui n’engage que moi) faussement sincère. je dois aussi t’avouer avoir été d’autant plus furax qu’en tant que marketeuse, j’ai tout de suite vu que cet épisode allait être l’image de la soirée, et qu’elle était à son bénéfice. Enfin, sur politique « zéro-zéro ». Il est vrai que le live blogging, et je l’ai testé est trés trés risqué. Dur à la fois de faire son billet un semblant intelligent (encore plus dur pour une femme :) , de faire des photos, de laisser des commentaires sur les blogs qui parlent du sujet en live .... De toute façon, j’ai maintenant le temps de réécrire mon billet, puisqu’un blogueur est venu pirater mon mot de passe et identifiant pour l’effacer . Je ne savais pas qu’un si petit blog pouvait succiter contre lui une stratégie de guerre du net ! Au plaisir de te lire ..... Marilyne
Voir en ligne : leblogdemarilyne
26 février 2007, 15:38
chère segolène, bravo pour ton intervention de lundi, nicolas doit avoir depuis des troubles du sommeil. par contre comment vas tu procéder pour faire changer un mode de pensée archaique de deux de tes camarades de campagne lionnel jospin et martine aubry qui sont à l’opposés de ton mode de fonctionnement bien qu’ils soient brillants merci cordialement agnes désir avenir dordogne